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La faillite des banques centrales – Épilogue

Texte d’opinion publié le 9 mai 2012 sur 24hGold.

Notre précédent article défendait la thèse que l’insolvabilité d’une banque centrale ne pouvait être que comptable, et que de ce fait elle n’avait pas d’incidence directe sur la situation économique de la banque centrale elle-même. En revanche, nous avons évoqué la possibilité d’une incidence indirecte, notamment à travers le comportement des détenteurs de monnaie. C’est l’analyse de ce dernier point qui clôturera cette trilogie sur la question de la faillite des banques centrales.

Une monnaie continue à être détenue et utilisée dans les transactions uniquement dans la mesure où les individus anticipent pouvoir l’échanger contre d’autres biens et services à l’avenir. Cette anticipation, aussi subjective soit-elle, se nourrit de facteurs objectifs, tels l’attitude observée des autres participants au marché ainsi que la stabilité du pouvoir d’achat de la monnaie. Si, par exemple, les prix monétaires se mettaient à grimper contre toute attente, les anticipations quant à la capacité de la monnaie de garder le pouvoir d’achat de l’épargne individuelle seront revues. Une baisse de la demande de monnaie s’ensuivrait, laquelle impliquerait de fait une demande accrue d’autres biens et services, et donc une hausse effective des prix monétaires.

C’est bien ce comportement individuel en matière de demande de monnaie qui explique tant la genèse que la mort des monnaies, et donc par extension de leurs producteurs. Dans le monde moderne des monnaies-papiers, une banque centrale peut être mise à mal si la demande pour sa monnaie (euro, dollar, yen) venait à diminuer sensiblement jusqu’à disparaître. La hausse des prix monétaires qui s’ensuivrait nourrirait des anticipations de baisse future du pouvoir d’achat, ce qui inciterait les individus à détenir encore moins de monnaie.

Il n’est pas rare que cette situation qui, à cause du refus d’utiliser la monnaie, donne l’illusion d’une rareté de celle-ci pousse la banque centrale à injecter encore plus de monnaie, soi-disant pour pallier l’insuffisance d’encaisses. Le processus accéléré de détérioration du pouvoir d’achat de la monnaie, qu’on appelle encore hyperinflation, résulte alors en une annihilation pure et simple de la valeur de la monnaie. D’un point de vue économique, la banque centrale a fait faillite.

Certains arrangements monétaires différents de celui décrit dans notre série d’article, tels la convertibilité en une monnaie marchandise (l’étalon-or par exemple), présentent l’avantage d’envoyer des signes annonciateurs de détérioration du pouvoir d’achat de la monnaie en question qui permettent alors d’éviter la faillite définitive d’une banque émettrice.

Ainsi, la baisse de la demande de signes monétaires (à savoir les billets convertibles dans la marchandise choisie comme monnaie), surtout grâce à des spéculateurs entreprenants et avisés, se traduit alors par une perte de réserves en monnaie-marchandise. Cela rend bien plus difficile le maintien de la convertibilité, et oblige la banque centrale émettrice à adopter une politique conservatrice, dans la mesure où elle souhaiterait ne pas dévaluer ses émissions. Le risque de dévaluation, et la perte de réputation qu’il impliquerait, agit alors comme un facteur responsabilisant. Ce mécanisme est cependant absent du monde moderne de monnaies-papiers inconvertibles.

La faillite d’une banque centrale moderne apparaît in fine comme tout à fait possible, non pas à cause de l’inconvertibilité de la monnaie-papier, mais à cause du comportement que les utilisateurs de la monnaie pourraient adopter. À son tour, ce comportement est intimement lié à la politique suivie par la banque centrale, notamment en matière de création monétaire. Plus une banque centrale est expansionniste, plus elle s’expose au risque de faillite car elle nourrit la réticence des individus à utiliser sa monnaie.

Au fond, ce sont donc les fausses théories économiques lesquelles, en faisant croire à un lien causal entre création monétaire et richesse, justifieraient les politiques monétaires expansionnistes, qui expliquent la possible faillite des banques centrales. Il s’agit là d’une conclusion, somme toute, positive car elle suggère que des institutions incapables d’atteindre l’objectif qui leur a été assigné (dans le cas d’une banque centrale, le maintien du pouvoir d’achat de la monnaie) finissent par disparaître d’elles-mêmes.

Siméon Brutskus a vécu sa jeunesse à l’Est, avant de parfaire son éducation économique en France. Sa carrière d’enseignant-chercheur l’a conduit à s’intéresser à la théorie et politique monétaires, et au rôle qu’occupent les banques centrales dans la déstabilisation des systèmes financiers.

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