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Les soins de santé sont dans l’impasse

Article publié dans L’Écho, le 22 juin 2010.

Les Pays-Bas ont réformé leur système de soins de santé. Le nouveau modèle peut-il servir d’exemple à la Belgique, qui doit opérer une révision de sa formule combinant assurances publique et privée? Voici les réflexions de Valentin Petkantchin, de l’institut économique Molinari.

Afin de maîtriser les coûts de l’assurance maladie obligatoire, les gouvernements en France et en Belgique ont progressivement élargi leur emprise sur l’ensemble du système de santé. Cette voie est un cul-de-sac. Elle cache à terme des effets pervers redoutables pour les malades car sans une libéralisation au préalable du système de santé, la maîtrise comptable des coûts pratiquée par eux débouchera inexorablement sur un rationnement bureaucratique des soins et sur des files d’attente. L’expérience des Pays-Bas en témoigne, tout en offrant des pistes de solution.

Nicolas Sarkozy vient d’annoncer par exemple son souhait de brider les «dépenses d’assurance maladie» en France, leur progression devant être de 2,9% en 2011 et de 2,8% en 2012, alors qu’elles ont augmenté de 3,3% l’année dernière. Il propose également un durcissement de la réglementation vis-à-vis des prestataires de soins (médecins, cliniques, hôpitaux, etc.), si cet objectif (l’équivalent en France de la «norme maximale de croissance annuelle») belge n’est pas respecté.

Il est vrai que la norme française, appelée ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance maladie), a régulièrement été dépassée au point que les dépassements cumulés entre 1998 et 2007 (10 ans) se montent à 18,1 milliards d’euros, soit 5 milliards de plus que le déficit prévu cette année (13,1 milliards d’euros).

Contrôles et conséquences

Quoi de plus logique que de vouloir alors intensifier les contrôles sur le système de soins? Pourquoi d’ailleurs ne pas aller plus loin et sanctionner les professionnels de santé en cas de dépassement de cet objectif?

Ces contrôles ne sont pas une solution. La politique actuelle de santé est en réalité une impasse.

Car qui sera prêt à fournir des soins, s’il s’en trouve pénalisé sous prétexte d’avoir «généré» des dépenses d’assurance maladie hors objectif? Les prestataires n’hésiteront pas à référer leurs patients à d’autres médecins ou aux hôpitaux afin de ne pas facturer eux-mêmes les soins requis. Les visites médicales deviendront un jeu de dupes dans lequel le malade deviendra une véritable «patate chaude» que tout le monde cherchera à se refiler plutôt que de la soigner! En Allemagne, des plafonds ont été, par exemple, imposés en 1993 sur les prescriptions de médicaments des médecins. Quelques mois après la mise en œuvre de la mesure, le taux de référencement à d’autres médecins avait ainsi augmenté de 9% et le taux d’admission hospitalière de 10%, par rapport à l’année précédente. Pas vraiment un gage de maîtrise des coûts!

Le chemin de la réforme

Aux Pays-Bas, l’échec de la maîtrise comptable et de l’étatisation des soins menée avant la réforme de 2006 y est aussi patent. Les revenus des prestataires de soins dépendaient en grande partie du monopole public de couverture maladie et in fine du pouvoir politique. Les conditions d’exercice étaient fortement étatisées et les budgets restaient sous le contrôle strict de l’État. Dans ce contexte, la réduction comptable des dépenses de santé exercée par les pouvoirs publics s’est automatiquement traduite par des retards dans la délivrance de soins auprès de la majorité de la population. Conséquence: comme au Royaume-Uni ou au Canada, les files d’attente se sont allongées!

En 2001, environ 244 000 malades attendaient pour des soins hospitaliers. Le coût lié aux listes d’attente en termes de perte de bien-être, de revenu et de productivité, de handicaps à long terme, etc., a été estimé à 3,2 milliards d’euros par an, soit près de 6,1% des dépenses totales de santé cette année-là!

Le gouvernement hollandais a alors eu le courage de desserrer l’étau étatique plutôt que de mener le système à son étatisation complète. Un revirement avec la réforme de 2006 qui s’est fait au grand bénéfice des patients, des prestataires des soins et d’une meilleure maîtrise des dépenses de santé.

Le monopole du régime obligatoire de couverture maladie qui couvrait environ les deux tiers de la population a ainsi été aboli. Les Hollandais ont désormais une plus grande possibilité de choisir entre différentes couvertures maladie et différents assureurs, ce qui les incite à une «consommation» plus responsable des soins.

Les prestataires de soins disposent de plusieurs sources de revenus et ne subissent plus le pouvoir de ce monopole. Ils négocient leurs prestations de santé avec les différents assureurs privés. Les tarifs de plusieurs soins hospitaliers courants tels que les opérations de la hanche, du genou ou de la cataracte ont été laissés à la libre négociation. La part des soins librement tarifés atteignait déjà 34% en 2009.

En matière de médicaments, les assureurs ont aussi plus de marge de manœuvre. En juin 2008, plusieurs d’entre eux ont mis les fabricants de médicaments génériques en concurrence. Ils ont obtenu des réductions de prix allant de 40% à 90%, alors que le gouvernement avait échoué à plusieurs reprises à cet égard.

C’est grâce à cette libéralisation que les temps d’attente ont cessé d’être un problème sans qu’elle entraîne pour autant une explosion injustifiée des dépenses de santé. Celles-ci ont même augmenté moins vite après la réforme, entre 2006 et 2008 (+5,3% en moyenne par an), qu’avant, entre 1998 et 2005 (+7,6%)!

S’ils souhaitent un réel «infléchissement» de la progression des dépenses de santé tout en évitant aux populations de faire face à de longues files d’attente, les gouvernements en France, en Belgique ou ailleurs, devraient renoncer à la «drogue» de la maîtrise comptable et envisager de libéraliser authentiquement leur système de santé.

Valentin Petkantchin est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.

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