L’étatisation du système de santé en France
Article publié dans le journal belge l’Echo le 3 septembre 2009.
Afin de maîtriser les coûts de l’assurance maladie obligatoire, les gouvernements en France, mais aussi en Belgique, ont progressivement serré leur contrôlé sur l’ensemble du système de santé. Avec la loi Bachelot, votée au début de l’été, la France a cependant franchi une nouvelle étape importante à cet égard, en mettant notamment « sous tutelle » étatique la médecine libérale.
Cette réforme soumet désormais l’exercice des médecins libéraux à des agences bureaucratiques toutes puissantes, les Agences Régionales de Santé. Leur liberté d’installation est aussi sérieusement menacée : s’ils refusent d’exercer dans des zones jugées « sous dotées » par ces mêmes agences, les médecins devront payer une amende annuelle. Enfin, il est question de limiter les dépassements d’honoraires des spécialistes français.
Bref, c’est la « mort » annoncée de la médecine libérale en France. Que faut-il attendre d’une telle étatisation du système de santé?
À cet égard, l’expérience du Canada illustre parfaitement ce qui attend à terme les patients : des pénuries et des files d’attente chroniques.
Les parallèles avec le système canadien sont nombreux. Avant les années 1960-1970, le secteur privé avait joué au Canada, comme en France ou en Belgique, un rôle important. Depuis lors, le système de santé pour les soins dits « médicalement requis » fut fortement étatisé dans les différentes provinces canadiennes. La place du secteur privé – quand il existe – et son rôle sont aujourd’hui marginalisés. La concurrence dans le système est inexistante.
L’idée qu’un contrôle plus important de l’État sur le système de santé est nécessaire pour maîtriser ses coûts est souvent mise en avant dans le débat public. Or, avec plusieurs décennies d’« avance » à cet égard, force est de constater qu’au Canada elle n’a pas été un gage de succès.
Une part croissante des budgets provinciaux canadiens est ainsi absorbée par le système de santé. Elle est passée en vingt ans (1983-2003) de 32 % à 41 %, et pourrait représenter à ce rythme plus de la moitié dans les années à venir.
Les dépenses canadiennes de santé sont également parmi les plus élevées au monde, quel que soit le critère retenu. Par exemple, en part du PIB et en tenant compte du vieillissement de la population, le Canada se place en 2e position en 2005, devant même la France (4ème)!
Mais alors que l’étatisation du système de santé ne permet pas d’en maîtriser les coûts, les performances du système en matière de soins se retrouvent fortement détériorées. Les mesures de rationnement qu’elle impose crée des pénuries et des files d’attente pour les patients.
Ainsi, environ 1,7 million de Canadiens ont été dans l’impossibilité de trouver un médecin de famille en 2007. Cela affecte d’autant plus les malades qu’il est généralement impossible de consulter un spécialiste ou de passer des tests sans être orienté par un médecin généraliste. Les pouvoirs publics en France suivent d’ailleurs déjà cette même logique avec l’instauration du « parcours des soins coordonnés » et la consultation du médecin traitant en premier recours, si le patient tient à être remboursé normalement.
Les files d’attente pour les malades sont chroniques et généralisées au Canada. Elles sont aussi considérablement plus longues qu’il y a une quinzaine d’années, et ce en dépit des ressources croissantes dont le système étatisé bénéficie. Les temps d’attente pour subir un traitement à l’hôpital sont passés en moyenne de 7,3 à 17,3 semaines entre 1993 et 2008. Le problème est si important que la Cour Suprême du Canada a reconnu dans un arrêt historique en 2005 que des patients meurent « en raison de listes d’attente pour la prestation de soins de santé publics »!
Les patients qui dépendent des régimes publics canadiens font aussi face à des mesures de rationnement pour leurs médicaments de prescription. Leur accès aux nouveaux médicaments est retardé d’environ un an à cause de lourdes procédures administratives. En dépit de ce retard, une bonne partie des nouveaux traitements se retrouve in fine rejetée : en octobre 2007, plus de la moitié de ceux lancés en 2004, 2005 et 2006, n’ont toujours pas été pris en charge par les régimes publics.
Il est important pour les patients, aussi bien en France qu’en Belgique, de réaliser que l’étatisation du système de santé dans laquelle nous ont engagés les pouvoirs publics est une impasse. Au lieu de multiplier les réglementations, il faudrait au contraire revenir à plus de responsabilité individuelle, plus de choix et plus de concurrence pour réduire les coûts quand une telle réduction est réellement justifiée.
*Valentin Petkantchin est directeur de la recherche de l’Institut économique Molinari.