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Les eurobonds, une prime aux États les plus dépensiers

Article publié dans l'<a href= »agefi160409.pdf« >AGEFI, le 16 avril 2009.

Avec l’amplification de la récession en Europe, les finances publiques des États se dégradent rapidement. En Grèce par exemple, la dette devrait représenter 96,3 % du PIB en 2009.

La France n’est guère mieux lotie puisque, d’après le ministre du Budget, le niveau d’endettement devrait représenter 73,9 % du PIB cette année. Pour les pays les plus endettés, emprunter devient de plus en plus coûteux : ils doivent émettre des emprunts d’État à des taux de plus en plus élevés. Au final, le spectre de la faillite de certains d’entre eux est bien réel.

Pour permettre à ces États d’emprunter à moindre coût, une possibilité, déjà évoquée et qui pourrait de nouveau l’être dans les prochaines semaines, est de créer un « eurobond », c’est-à-dire un emprunt d’État européen. Le risque étant mutualisé, les pays dont les finances publiques sont les plus dégradées pourraient donc bénéficier de taux plus faibles. Pourtant, ceci n’est pas sans inconvénients. En effet, ce serait créer un système déresponsabilisant, faisant potentiellement supporter aux États les plus solides le poids des erreurs d’autres gouvernements. La tentation de mettre en place un tel mécanisme devrait croître au fur et à mesure que nous nous enfonçons dans la crise.

À l’origine, la possibilité de créer un eurobond a été évoquée comme une solution à la hausse des taux payés par certains États pour emprunter des capitaux. En effet, en fonction du risque de défaut de paiement associé à un État, celui-ci paie un taux d’intérêt plus ou moins élevé lorsqu’il souhaite emprunter : en principe, un État solide financièrement peut emprunter à des taux plus faibles qu’un État très endetté. Au 31 mars 2009, la différence de taux d’intérêts sur les bonds à 10 ans entre la Grèce et l’Allemagne était de 2,73 points de pourcentage. Autrement dit, alors que l’Allemagne empruntait à 2.83 %, la Grèce empruntait à 5,56 %.

La montée vertigineuse des taux payés par certains États au cours des derniers mois (l’Irlande ou la Grèce paient des taux plus élevés de 2 points de pourcentage par rapport à l’an dernier) pose le problème de leur capacité à se financer à moyen terme, car ils ne pourront pas continuer à emprunter des sommes toujours plus importantes à des taux toujours croissants. Dans le cas de la France, le besoin de financement prévisionnel pour l’année 2009 s’établit, selon l’Agence France Trésor, à environ 130 milliards d’euros.

Plus que jamais, la question de la baisse des dépenses publiques se pose si l’on veut éviter que certains États recourent à l’inflation comme moyen ultime pour rembourser une part de leur dette. Certains États pourraient en effet être tentés de quitter la zone euro et de rétablir une monnaie nationale dont le gouvernement aurait la pleine maîtrise. Ils pourraient dès lors rembourser tout ou partie de leur dette en utilisant la planche à billets.

Face à cette éventualité de voir un État membre quitter la zone euro, les instances dirigeantes de l’Union Européenne envisagent des solutions alternatives. La création d’un eurobond en fait partie, et permettrait de collectiviser les risques pesant sur les États emprunteurs. Des États comme la Grèce ou l’Irlande pourraient continuer à s’endetter à des taux moindres, les pays les plus sûrs comme l’Allemagne supportant une part du risque.

Plusieurs modes de fonctionnement sont envisageables. Tous les États pourraient être obligés de passer par l’agence européenne d’émission d’emprunts d’État. Néanmoins, il est peu probable que les États payant les taux les plus faibles soutiennent une telle proposition. On peut également penser que seuls les États le souhaitant passeront par cette agence. Enfin, de manière plus raisonnable, on peut penser que tous les États seraient obligés d’émettre au moins une part de leur dette – fixée à l’avance – via cette agence européenne.

Quelles que soient ses modalités concrètes, ce dispositif induirait un effet d’aléa moral important : en cas de problème de remboursement, les États les plus vertueux supporteraient une part du coût des erreurs et des risques pris par les États les plus dépensiers. En un mot, nous aurions une sorte de prime à l’État le plus dépensier.

Certes, l’emprunt de monnaie par la zone euro pour le compte d’un État pourrait être conditionné à la mise en oeuvre de certaines réformes visant à alléger le poids des dépenses publiques dans les pays concernés. Cependant l’expérience montre que l’Europe peine à faire appliquer dans les États membres les dispositions que ces derniers sont pourtant légalement obligés de respecter. Il en est ainsi du seuil des 3 % de déficits qui a été dépassé par plusieurs États au cours des années écoulées, sans que les sanctions prévues ne soient appliquées.

Quelles qu’en soient les modalités concrètes, les débats sur l’eurobond occultent la vraie question qui devrait se poser à tous les gouvernements des États déjà trop endettés : celle de la baisse des dépenses publiques. En période de crise, celle-ci est urgente car l’endettement risque de retarder ou de compromettre la reprise économique dès lors qu’elle se produira. En se réformant, les États peuvent au contraire stimuler l’activité économique et favoriser le retour de la croissance. La création d’un eurobond retarderait ce processus

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