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Le système français de santé n’est pas le modèle à suivre

Une version de cet article a été publié par Les Échos le 14 septembre 2007.

Le système français de santé, qui repose sur le monopole d’un régime public d’assurance-maladie obligatoire, est de plus en plus donné en exemple outre-Atlantique. Dans son dernier film, «Sicko», qui vient de sortir en salles en France, Michael Moore semble y trouver une solution aux problèmes que rencontre le système américain. Et pourtant l’exemple français est loin d’être la panacée.

Le système français de santé, qui repose sur le monopole d’un régime public d’assurance-maladie obligatoire, est de plus en plus donné en exemple outre-Atlantique. Dans son dernier film, « Sicko », qui vient de sortir en salles en France, Michael Moore semble y trouver une solution aux problèmes que rencontre le système américain. Et pourtant l’exemple français est loin d’être la panacée.

Il est d’abord illusoire de penser qu’il serait la solution pour contrôler les dépenses de santé. En France, les plans successifs de redressement du régime public d’assurance-maladie des années 1980 et 1990, tout comme les réformes plus récentes de 1996 et de 2004, ont simplement échoué. À partir de 1988, les comptes ont régulièrement été dans le rouge, avec des déficits atteignant plusieurs milliards d’euros. Dans une logique purement comptable, le gouvernement a même imposé, lors de la réforme de 1996, un « objectif national de dépenses d’assurance-maladie » (Ondam) qui a été régulièrement dépassé. Les déficits cumulés entre 1997 et 2006 ont atteint plus de 49 milliards d’euros hors inflation. Ils sont deux fois plus élevés que ceux de la décennie précédente au cours de laquelle ces dispositifs poussés de maîtrise publique des coûts n’existaient pas.

Dans l’espoir de prévenir les dépassements, un Comité d’alerte a été mis en place avec la réforme de 2004. Celui-ci est obligé de tirer la sonnette d’alarme dès que les dépenses d’assurance-maladie dérapent à nouveau. Et c’est exactement ce qu’il a fait, le 29 mai dernier, jugeant qu’il existe « un risque sérieux de dépassement » de l’Ondam. En dépit de décennies de monopole du régime public d’assurance-maladie, les comptes publics de la santé en France restent toujours hors contrôle. Mais il y a plus grave. Au lieu de revenir à plus de responsabilité individuelle, plus de choix et plus de concurrence, on multiplie au contraire les réglementations dans le but de contrôler le système dans son ensemble.

Or ces réglementations sont à l’origine d’une bureaucratisation croissante ayant ses propres effets pervers pour les patients comme pour les professionnels de la santé.

La liberté de choix pour les patients, la liberté d’installation et d’exercice pour les médecins, l’existence de financement, de cliniques et de prestataires privés, rendent certainement le système français attractif aux yeux d’un certain nombre d’Américains. Il s’agit en effet de principes qui garantissent aux Français de meilleurs services de santé et une absence de files d’attente pour obtenir les soins, contrairement à ce qui se passe dans des pays où le système de santé a été complètement étatisé, comme au Royaume-Uni ou au Canada. Cependant, en poursuivant le mirage de la maîtrise publique des dépenses, ces principes se trouvent de plus en plus remis en cause avec le risque, pour les Français, de se retrouver à terme face aux mêmes pénuries et files d’attente que celles que connaissent ces pays-là. Même si l’obligation légale n’existe pas encore, un nouveau dispositif de « parcours coordonné des soins » affecte la liberté qu’ont les patients de sélectionner et de consulter le médecin ou le spécialiste de leur choix. À la suite du dernier avis du comité d’alerte, la Caisse nationale d’assurance-maladie a prévu de durcir les pénalités pour les patients qui ne le respectent pas.

Petit à petit, on s’oriente vers une suppression de la liberté de choix pour les patients. Et, contrairement à une situation où il y a de la concurrence, les assurés sont obligés de cotiser et n’ont guère la possibilité de changer de caisse ou d’assureur, s’ils jugent que ces dispositions ne présentent aucune valeur ajoutée à leurs yeux.

La réglementation n’épargne pas les prestataires de soins non plus. Par exemple, on s’interroge sur la possibilité de limiter la liberté d’installation des médecins de ville. De même, des références médicales opposables et des recommandations de bonnes pratiques peuvent devenir de véritables outils de sanction des médecins qui ne respecteraient pas les objectifs bureaucratiques de limites des dépenses. Plutôt que de se soucier de la santé de leurs patients, ils se verront obligés de changer leur pratique uniquement dans le but de réaliser des économies pour le monopole public d’assurance-maladie.

Le fonctionnement des établissements hospitaliers est lui aussi de plus en plus réglementé. Depuis 2004, leur financement s’effectue selon une tarification administrative des pathologies et des séjours qui sont classés dans des groupes jugés homogènes. Mais le fait de considérer ou pas des pathologies individuelles comme homogènes est une question de degré, et les différences d’un cas à un autre peuvent influencer le coût de chaque malade. Des groupes homogènes mal construits et des tarifs bureaucratiques inadéquats pourraient par conséquent inciter les établissements hospitaliers à se débarrasser des pathologies et des patients, dont le coût serait plus important que le financement prévu par les pouvoirs publics. En bout de ligne, quand tout le système de santé se trouve légalement soumis au contrôle du même organisme centralisateur, le patient en subit les effets pervers sans avoir le moindre choix en termes d’assurance-maladie et de soins. Face aux problèmes du système de santé américain, le monopole d’un régime public d’assurance-maladie obligatoire « à la française » peut sembler séduisant, mais il n’est pas une bonne idée.

Valentin Petkantchin, directeur de la recherche, Institut économique Molinari

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