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Supprimer toute politique du vin

Article publié dans L’Écho, Belgique, le 10 octobre 2007.

Cinq cent millions d’euros, c’est, selon les autorités, ce que paient chaque année les contribuables européens pour que l’Union européenne se débarrasse de la production excédentaire de vin des pays membres. L’inefficacité de la politique viticole communautaire pour « réguler » ou « organiser » ce marché se lit dans ce chiffre.

Cinq cent millions d’euros, c’est, selon les autorités, ce que paient chaque année les contribuables européens pour que l’Union européenne se débarrasse de la production excédentaire de vin des pays membres. L’inefficacité de la politique viticole communautaire pour « réguler » ou « organiser » ce marché se lit dans ce chiffre. D’autant que la production a le plus souvent été au préalable subventionnée. On subventionne donc pour produire, puis pour détruire! Alors que les importations européennes en provenance d’Afrique du Sud, de Californie, d’Amérique du Sud et d’Australie se sont envolées au rythme de 10% par an ces dernières années, la consommation dans l’UE de vins européens diminue chaque jour, et nos exportations peinent à croître.

Les autorités de Bruxelles ont enfin proposé une réforme début juillet, après un an de débats. L’intention est d’assainir la production européenne (de manière à rééquilibrer l’offre et la demande), de la rendre plus compétitive pour conquérir de nouveaux marchés et de « simplifier » la réglementation. Si certains aspects vont dans le bon sens, celui d’une responsabilisation des producteurs de manière à éviter les gaspillages actuels, d’autres risquent de rater la cible en maintenant des obstacles à un libre ajustement de l’offre et de la demande.

Depuis des années, les décisions des producteurs étaient orientées par le système des aides et des subventions diverses et non pas par les besoins réels des consommateurs. Les distorsions ainsi générées, et les gaspillages qui s’ensuivent, imposent de supprimer ce système. Les mesures de soutien du marché inefficaces telles que les aides à la distillation ou les restitutions à l’exportation seront donc supprimées. Les choix des producteurs ne seront désormais plus fondés sur la recherche d’aides, mais sur la recherche de la satisfaction des consommateurs.

Certains brandissent la menace de la fin du « modèle artisanal européen séculaire » avec la disparition de ces aides. Mais si ce modèle est capable de produire un vin de qualité, il trouvera des clients et n’a pas besoin de soutien de la part du contribuable. D’autant plus que les consommateurs désirent une gamme très large de qualité et certainement pas un vin unique.

Trois contradictions

Cependant, la réforme comporte au moins trois aspects qui vont à l’encontre de l’objectif de responsabilisation des acteurs privés de la filière. D’abord, elle laissera subsister l’inefficacité de la politique actuelle de gestion des superficies exploitables jusqu’en 2014, soit une « période transitoire » durant laquelle prévaudront les restrictions de plantations et les primes à l’arrachage pour permettre aux producteurs non compétitifs de se retirer. Mais pourquoi les entreprises désirant croître devraient-elles attendre 2014? Ceci est contraire à l’objectif de croissance des marchés affiché par Bruxelles! Pourquoi faire perdurer un système qui subventionne l’arrachage (qui coûterait 430 millions d’euros la première année) et ne pas laisser vendre les surfaces à des producteurs désireux de les acquérir? D’autant qu’on permettra la plantation libre en 2014?

Ensuite, on trouve encore dans la réforme une harmonisation technocratique qui empêche les marchés de déterminer par eux-mêmes les besoins des consommateurs. C’est le cas de l’interdiction définitive de chaptalisation (adjonction de sucre), une tradition régionale permettant d’enrichir le vin notamment dans les régions septentrionales peu ensoleillées. Pourquoi une autorité centrale, qu’elle soit l’Organisation Internationale du Vin ou la Commission de Bruxelles, aurait-elle le monopole de la définition de la qualité du vin? Pourquoi ne pas laisser décider les producteurs et les consommateurs? De même, la Commission va désormais approuver les nouvelles pratiques oenologiques et modifier celles qui existent. Comment ces standards vont-ils être définis? La technocratie de Bruxelles a-t-elle la science infuse? Est-elle imperméable aux pressions des lobbies qui pourraient favoriser tel ou tel standard?

Enfin, alors que la politique d’aides a démontré son inefficacité par les distorsions qu’elle générait, le montant global des crédits budgétaires alloués ne changera pas: 1,3 milliard d’euros. Le contribuable européen devra par exemple payer pour la promotion des vins à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe. Les producteurs ne pourraient-ils pas s’organiser pour financer cette conquête des marchés? Pourquoi continuer ce favoritisme?

Au vu de l’absurdité de la situation actuelle, une réforme allant dans le sens de la responsabilisation des producteurs était nécessaire. Malheureusement l’opportunité n’a pas été saisie ici d’assainir plus encore les conditions de production de vin. La technocratie bruxelloise est prise entre le souci de rendre la production de vin plus efficace en rendant leur liberté aux producteurs, et le désir d’harmonisation et de régulation… qui justifie en réalité sa propre existence. Ces deux motivations s’avèrent incompatibles. Une réforme digne de ce nom devrait se concentrer uniquement sur le premier objectif, qui se ramène en réalité à la suppression de toute politique du vin.

Edmond Fitte, chercheur associé, Institut économique Molinari

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