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AMD-Intel : baisser ses prix serait anticoncurrentiel !

Une version de cet article a été publiée par Le Magazine des Affaires, Mars 2007, n°20, p. 47.

Le fabricant n°1 de microprocesseur, Intel, a fait l’objet d’une série de procès dans différents pays. Vouloir les contrecarrer, c’est s’immiscer et nuire à la façon dont les entreprises essayent de satisfaire le mieux possible la majorité des consommateurs.

Le fabricant n°1 de microprocesseur, Intel, a fait l’objet d’une série de procès dans différents pays. Au Japon, les autorités de la concurrence l’ont déjà condamnée à cesser ses pratiques « déloyales », tandis que des investigations sont en cours en Corée du Sud et à la Commission Européenne pour pratiques anticoncurrentielles. Le verdict des autorités de concurrence de ces pays n’a pas encore été rendu et on peut espérer que contrairement au Japon, elles réaliseront que les pratiques dont il est question n’ont rien de contraire à la marche normale des affaires. Vouloir les contrecarrer, c’est s’immiscer et nuire à la façon dont les entreprises essayent de satisfaire le mieux possible la majorité des consommateurs.

La simultanéité de ces démarches ne doit rien au hasard. Elles ont toutes été initiées à la suite de plaintes déposées par Advanced Micro Devices Inc (AMD) qui accuse Intel de pratiques déloyales à son égard. Plus précisément, elle lui reproche de vouloir nouer avec ses principaux clients des contrats d’exclusivité en contrepartie d’importants rabais et ristournes.

Ces pratiques commerciales sont des pratiques courantes. Elles sont l’expression même de la concurrence sur le marché et à ce titre, elles ne sont pas sanctionnées. Il y a en en effet deux façons de se concurrencer. Soit, on offre un produit nouveau et innovant généralement plus cher que les produits déjà sur le marché. Soit on offre un produit déjà existant mais on cherche les moyens de le proposer moins cher. Si une entreprise veut maintenir sa position, voire l’améliorer, elle doit trouver les moyens d’être moins chère ou proposer des produits de meilleure qualité.

Le cas d’Intel serait cependant différent car la société est en position dominante sur le marché des microprocesseurs. C’est parce qu’elle détient 80% du marché en volume des microprocesseurs que le droit de la concurrence considère ses pratiques avec méfiance et peut exiger qu’elle y mette fin.

Ces mêmes actions commerciales qui permettent à nombre d’entreprises d’être meilleure que leurs concurrentes et d’occuper ainsi la première place, devraient leur être interdites dès lors qu’elles atteignent un seuil limite de part de marché. La rançon du succès serait donc de ne plus pouvoir mener des actions qui ont pu les y mener ! N’est-ce pas contradictoire ? En fait, d’un point de vue économique, ce n’est pas parce qu’une entreprise détient une part de marché importante que les rabais et les contrats qu’elle propose cessent de profiter aux consommateurs ou que la concurrence est réduite.

Intel a choisi de baisser ses prix de façon drastique et l’a parfois conditionné à une exclusivité. Le rabais n’est obtenu que si le client s’engage à ne vendre que les produits Intel. Ce client n’est cependant pas contraint de se conformer aux desiderata d’Intel. Il faut que cela vaille la peine pour lui. Sa décision dépendra donc de l’offre des autres concurrents, mais in fine, il se décidera pour les produits dont il pense qu’ils seront plébiscités par les consommateurs. S’ils déclinent l’offre d’AMD, c’est qu’elle n’est tout simplement pas assez bonne à leurs yeux. Le succès d’Intel tient au fait que ses offres correspondent mieux aux demandes de ses clients. AMD est seulement victime d’elle-même, à savoir qu’elle n’a pas trouvé les moyens de satisfaire aussi bien ou mieux la majorité des consommateurs.

Le marché des microprocesseurs est considéré comme l’un des plus dynamiques de l’économie. Il est marqué depuis plusieurs décennies par des innovations fulgurantes et des baisses de prix tout aussi impressionnantes alors même qu’il ne compte aujourd’hui que deux principaux acteurs. Serait-il tout aussi concurrentiel, s’il ne comptait plus qu’un seul producteur ?

Il y a de bonnes raisons de penser que oui. Si l’entrée sur le marché reste libre, c’est-à-dire, qu’elle n’est pas entravée par des mesures réglementaires qui en interdiraient l’accès, alors tout producteur, qu’il soit seul ou pas sur son créneau, doit craindre la concurrence potentielle. Cette situation peut être remise en question du jour au lendemain si le fabricant crée par des comportements trop gourmands des opportunités que d’autres, dans des filières proches par exemple, voudront saisir. En effet, s’il y a des profits trop élevés dans un créneau ou une niche du marché, cela attirera irrémédiablement de nouveaux entrants désireux de bénéficier de l’aubaine. « Le monopoleur » n’est donc jamais en situation de non-concurrence. S’il est le seul producteur dans un secteur de l’économie libre, c’est parce qu’il est le seul capable de satisfaire au mieux ses consommateurs.

Le business model d’Intel n’est pas contraire à la concurrence. Il est important de laisser la concurrence jouer et, en particulier, de sanctionner les choix de management des différents acteurs de l’industrie. Il n’est pas dit que la stratégie d’Intel sera plus adaptée ou meilleure, en particulier si AMD ou d’autres sont capables de faire mieux pour le consommateur. C’est au contraire le recours aux armes réglementaires pour lutter contre les rabais, les ristournes, etc. qui est grandement anticoncurrentiel.

Cécile Philippe, Institut économique Molinari

Cécile Philippe

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