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Déremboursements bureaucratiques de médicaments ne sont pas la solution: l’exemple français

Article publié par Le Temps le 22 novembre 2006.

Dans leur volonté de réduire les coûts, les régimes publics de santé en Europe ont de plus en plus recours à des déremboursements de médicaments. Mais de telles mesures non seulement peuvent s’avérer inefficaces, mais elles reflètent aussi une tendance inquiétante d’une bureaucratisation et d’une sur-réglementation dans le domaine de la santé par ces régimes monopolistiques.

Dans leur volonté de réduire les coûts, les régimes publics de santé en Europe ont de plus en plus recours à des déremboursements de médicaments. Mais de telles mesures non seulement peuvent s’avérer inefficaces, mais elles reflètent aussi une tendance inquiétante d’une bureaucratisation et d’une sur-réglementation dans le domaine de la santé par ces régimes monopolistiques. La France en est un bon exemple. Et si, au contraire, on pensait plutôt à les ouvrir à la concurrence en rendant le choix aux assurés en matière d’assurance maladie ?

Imaginez que votre assureur auto arrête de couvrir certains risques, par exemple le bris de glace ou le vol, sans vous offrir une prime moins élevée ou un autre avantage en contrepartie. Vous n’hésiteriez pas à aller voir ce qui est proposé chez la concurrence, et il le sait fort bien. C’est en bout de ligne la concurrence qui l’oblige à offrir la couverture qui répond le mieux à vos préférences, et au meilleur tarif possible.

Malheureusement cette liberté de choix et cette concurrence n’existe pas dans le domaine de l’assurance maladie dans la plupart des pays européens. Certes, elle n’est pas complètement absente en Suisse – où elle reste fortement réglementée – ou en Allemagne pour les personnes à hauts revenus.

Cependant, elle est inexistante en ce qui concerne le régime maladie de la Sécurité sociale en France. Elle l’est également, entre autres, pour le régime obligatoire d’assurance maladie en Allemagne couvrant deux Allemands sur trois et le système public de santé du NHS (National Health Service) au Royaume-Uni.

Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que les assurés dans ces pays n’aient aucune voix au chapitre lorsque des déremboursements sont bureaucratiquement décidés.

En France, par exemple, en matière de médicaments, c’est un organisme public, la Haute autorité de la santé (HAS), qui préconise au gouvernement le déremboursement de certains produits pharmaceutiques qu’elle juge à « service médical rendu » insuffisant.

Cela ne veut évidemment pas dire que le service médical est forcément nul, même aux yeux des experts de la HAS. Mais si le service semble insuffisant pour eux, il peut bien sûr ne pas l’être pour vous. Dans ce cas, si on vous en laissait le choix, en tant que bénéficiaire ultime du service médical rendu vous pourriez aisément aller voir si un assureur concurrent ne peut pas vous proposer une police correspondant mieux à vos besoins.

Dans l’impossibilité de faire cela, les assurés de l’assurance maladie restent les témoins impuissants des vagues successives de déremboursements de certains médicaments qui en France s’intensifient depuis 2003, tout en devant continuer à payer les contributions sociales qui la financent.

La dernière en date – préconisée par la HAS – visait le déremboursement total de 89 médicaments. Mais le ministre français de la santé, Xavier Bertrand, a distingué deux catégories dans son annonce du 25 octobre 2006. Quelques 48 médicaments sans alternatives thérapeutiques – des vasodilatateurs utilisés dans le cas des troubles de la mémoire chez les personnes âgées – gardent ainsi leur taux de remboursement actuel. Le remboursement des 41 médicaments restants, incluant des médicaments anti-diarrhéiques, des produits d’oto-rhino-laryngologie, de pneumologie et d’infectiologie, passe de 35% à 15%.

Cependant, en dépit de la moindre couverture pour les assurés, de telles mesures pourraient paradoxalement s’avérer complètement inutiles pour réduire le déficit de l’assurance maladie en France.

En effet, quand un médicament se retrouve déremboursé, ses utilisateurs sont fortement incités dans le système actuel à lui substituer un médicament aux bienfaits thérapeutiques similaires qui, lui, n’est pas déremboursé et reste couvert par l’assurance publique.

Or, il se trouve que ce dernier médicament peut facilement coûter plus cher, étant généralement plus récent ou plus puissant. Mais les changements de thérapie que les déremboursements occasionnent pour les patients peuvent aussi avoir leurs propres coûts. Les patients pourraient être amenés à augmenter le nombre de visites chez le médecin ou à l’hôpital, subir des effets indésirables plus importants dans leur cas personnel, etc.

Bref, au lieu de faire réaliser des économies pour le régime public d’assurance maladie, les déremboursements bureaucratiques pourraient bien finir, au contraire, par coûter plus cher au total à l’assurance maladie obligatoire.

Mais si de telles mesures pourraient s’avérer incapables de générer des économies, le mécontentement des assurés, lui, peut bien être réel à cause du fait que leur couverture s’appauvrit et à cause des inconvénients que peut leur occasionner le changement de thérapie en tant que patients.

En France, ce mécontentement risque d’être d’autant plus important que le prix est contrôlé et maintenu artificiellement bas par les pouvoirs publics tant que le médicament reste remboursable. Mais il ne l’est plus en cas de déremboursement complet. Le prix d’un médicament déremboursé peut par conséquent augmenter pour retrouver son prix de marché.

Pour dissimuler les inconvénients éventuels des déremboursements aux assurés, le ministre français de la santé détiendrait déjà la solution en proposant qu’« un nouveau système soit négocié garantissant que les prix n’explosent pas en cas de déremboursement ».

Solution bien facile, car une telle intervention supplémentaire sur un marché du médicament déjà sur-réglementé pourrait sembler profiter aux patients à court terme par des prix plus bas que n’aurait été autrement le cas.

Mais solution dangereuse aussi, car elle risque de leur nuire à plus long terme. Alors que les patients attendent de nouveaux ou de meilleurs traitements pour les maladies dont ils souffrent, une telle solution a tendance à diminuer et à retarder leur offre. En effet, la perspective d’une imposition de prix plus bas par les pouvoirs publics pénalise les fabricants de médicaments, diminue les incitations à investir en R&D, à innover et à mettre sur le marché de nouveaux produits.

Au lieu d’une telle fuite en avant des réglementations et d’une bureaucratisation croissante de la santé– qui ont cours en France, mais aussi dans bon nombre d’autres pays –, il est temps de considérer la possibilité d’ouvrir l’assurance maladie à la concurrence et de laisser davantage de place aux choix individuels en matière de remboursement et de couverture.

Valentin Petkantchin, Institut économique Molinari

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