Acharnement contre-productif de la Commission
Article publié par L’Echo le 25 juillet 2006.
Après la condamnation de près d’un demi milliard d’euros en mars 2004, la Commission européenne a infligé à Microsoft une autre amende record de 280,5 millions d’euros. Selon la Commission, cette nouvelle amende devrait amener Microsoft à se conformer à la décision de 2004, favorisant la concurrence entre les éditeurs de logiciels au profit des consommateurs.
Après la condamnation de près d’un demi milliard d’euros en mars 2004, la Commission européenne a infligé à Microsoft une autre amende record de 280,5 millions d’euros. Selon la Commission, cette nouvelle amende devrait amener Microsoft à se conformer à la décision de 2004, favorisant la concurrence entre les éditeurs de logiciels au profit des consommateurs. Cependant, loin d’être bénéfique, cette décision risque au contraire de se retourner contre les utilisateurs de PC par des logiciels et des produits, à l’avenir moins performants ou plus chers.
Rendue publique le 12 juillet dernier, l’amende est censée sanctionner la non exécution par la compagnie américaine d’une partie des exigences de la décision de 2004, notamment celle consistant à fournir des informations « complètes et précises » sur l’interopérabilité de Windows avec des logiciels d’éditeurs concurrents. Etant donné le caractère subjectif de ce que représentent des informations « complètes et précises », il est évidemment très difficile de savoir s’il y a eu non exécution ou pas de la part de Microsoft. Ce qui est précis et complet pour certains peut ne pas l’être pour d’autres : c’est une question de nuances et c’est loin d’être un « principe clair », comme le prétendait Mario Monti lors de la décision de la Commission en 2004.
Mais là n’est pas le plus important. Ce qui importe ce sont les conséquences de cet acharnement sur Microsoft.
Premièrement, il y a un élément qui est largement ignoré dans le débat public, à savoir qu’obliger une entreprise à dévoiler des informations sur ses produits n’a au fond rien d’un principe qui favoriserait la « libre concurrence ». Celle-ci repose au contraire sur un respect strict des droits de propriété et l’exigence de la Commission à dévoiler de telles informations précieuses va clairement à l’encontre de ce principe de base. D’un point de vue économique, avec la décision de 2004 c’est comme si on avait « nationalisé » une partie du système d’exploitation appartenant à Microsoft qui est obligé de consacrer des ressources pour informer et aider ainsi ses propres concurrents. Et la nouvelle amende ne fait qu’aggraver les choses.
Deuxièmement, il est normal que celui qui fournit un système d’exploitation ait un avantage concurrentiel dans l’élaboration de programmes compatibles avec celui-ci. Un tel avantage rend certainement la tâche plus difficile aux éditeurs de logiciels concurrents – parmi lesquels on trouve même des logiciels gratuits –, mais n’empêche en aucun cas la concurrence provenant de l’existence de systèmes d’exploitation concurrents.
En effet, cet avantage n’empêche pas les consommateurs de préférer d’autres systèmes d’exploitation et n’interdit pas aux concurrents de Microsoft de les leur offrir et de prendre ainsi des parts de marché au géant américain. Or, si Windows continue à équiper la très grande majorité des PC dans le monde, c’est parce que les consommateurs continuent à le préférer aux autres systèmes d’exploitation disponibles. Le jour où ce ne sera plus le cas, il y aura une opportunité que les concurrents de Microsoft n’hésiteront certainement pas à saisir. C’est la dynamique même de la concurrence.
En revanche, l’intervention de la Commission pour limiter artificiellement cet avantage va à l’encontre de cette dynamique. En effet, elle réduit paradoxalement l’intérêt des concurrents à fournir des systèmes d’exploitations complets, en remplacement de Windows. S’ils s’attendent à avoir des procès sur le dos et des amendes comme leur rival, ils seront certainement moins incités à investir pour concevoir et commercialiser un nouveau système d’exploitation, susceptible de supplanter celui de Microsoft.
Enfin, les restrictions et les pénalités qu’imposent les instances européennes à Microsoft vont se répercuter d’une manière ou d’une autre sur les consommateurs qui seront obligés de payer des prix plus élevés, d’avoir des produits moins performants, de subir des retards dans la commercialisation des nouveaux produits, etc. Toutes les ressources, utilisées par Microsoft pour se conformer à la décision de la Commission et pour payer les amendes, ne pourront évidemment plus être investies en R&D ou pour améliorer les produits déjà existants. Par exemple, Microsoft emploie une équipe de 300 personnes qui ne travaillent que pour fournir les informations exigées par la Commission. Ce sont évidemment autant de personnes qui ne peuvent pas être employées au service des consommateurs dans les autres divisions de Microsoft. Ainsi, il n’est pas exclu que le nouveau système d’exploitation de Microsoft, Vista, soit retardé également pour des considérations, liées au zèle de la Commission européenne.
Tout cela finira par pénaliser aussi bien les particuliers que les entreprises européennes et leur compétitivité. Il est peut-être temps de remettre en cause les principes mêmes de la politique anti-trust européenne qui a justifié cet acharnement sur Microsoft.
Valentin Petkantchin, Institut économique Molinari