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Un service civil obligatoire peut-il contribuer à l’insertion des jeunes ?

Article publié par L’Écho le 30 mai 2006.

« Je suis favorable à un service civil et citoyen qui soit obligatoire », déclarait le 3 mai dans le quotidien Le Soir la ministre de la Justice, Mme Onkelinx. Depuis l’assassinat de Joe Van Holsbeeck à la Gare centrale de Bruxelles, les personnalités politiques belges rivalisent d’imagination pour répondre au sentiment d’insécurité que partagent un grand nombre de citoyens et le double-meurtre raciste d’Anvers ne devrait pas stopper cet élan. En France aussi, cette idée de service civil obligatoire a quelques partisans, y compris parmi les prétendants à la candidature à l’élection présidentielle. Pour Ségolène Royal, « Supprimer le service militaire a été une erreur » (La Provence, 28/3/05) et le service civil obligatoire pourrait venir remplir le vide créé depuis, car « il faut des lieux où certains jeunes puissent réapprendre des règles de vie ».

Un service civil obligatoire ne peut pas véritablement contribuer à l’insertion des jeunes. En créant une barrière supplémentaire à l’entrée dans le monde du travail, il décourage la recherche de moyens honnêtes de gagner sa vie au profit de méthodes moins civilisées.
Le « lien social » ne se décrète pas. Des individus ne s’engagent durablement dans des relations pacifiques avec leurs semblables que dans la mesure où un comportement civilisé présente des avantages tangibles par rapport à un comportement agressif. La tentation d’utiliser la violence agressive est d’autant plus grande que les opportunités de gagner honnêtement sa vie sont réduites. De la même manière, apprendre à se lever le matin, à parler poliment, etc., fait d’autant moins envie que les bénéfices d’un tel apprentissage sont diminués.

Les réglementations gouvernementales détruisent ces opportunités et bénéfices, en particulier sur le marché du travail. Moins une personne est qualifiée et, d’une façon générale, éduquée, moins les employeurs potentiels sont prêts à prendre le risque de l’engager. La « protection » légale des travailleurs, en particulier le salaire minimum et les restrictions au licenciement, sont en réalité des obstacles à l’embauche des moins qualifiés. Vendre du travail peu qualifié étant de facto interdit, ce sont des opportunités en moins de gagner sa vie en rendant des services et une tentation supplémentaire de s’y prendre autrement.

Les réglementations imposant des standards de qualité empêchent également les peu qualifiés de créer leur propre emploi. Acheter une voiture d’occasion, peindre un logo « taxi » dessus et lancer son entreprise -un acte on ne peut plus pacifique- est puni par la loi. L’aspirant taximan doit se procurer une licence, qui exige un capital de départ très important et le respect d’un cahier des charges extrêmement exigeant. Quelques compagnies privilégiées profitent de ces entraves à la concurrence et les autres sont priées de rester sur la touche. Une fois encore, ce genre de barrières contribue à rendre le vol et l’agression plus intéressants en comparaison.

Seule la suppression des obstacles à l’emploi des peu qualifiés et, plus généralement, à la production et à l’échange, pourrait changer la donne. Dans la mesure où la violence est le sous-produit de l’exclusion, faire cesser l’exclusion légalement organisée devrait pacifier la société. Au lieu de ça, certains proposent un service civil obligatoire. Cette mesure, comme le défunt service militaire, exclurait purement et simplement les jeunes du monde du travail. Aux obstacles déjà existants, une barrière infranchissable serait ajoutée pour la durée du service. Loin de contribuer à l’insertion des jeunes, un service civil obligatoire ne peut qu’alimenter le cercle vicieux de l’exclusion et de la violence.

Xavier Méra, Institut économique Molinari

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