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Le rôle bénéfique des grandes entreprises reste sous-estimé

Contrairement à une idée répandue, les grandes entreprises n’échappent pas à l’impôt. On oublie trop souvent qu’elles sont des véhicules au service des salariés, des actionnaires et aussi largement des Etats. Et elles jouent un rôle essentiel comme on l’a vu lors de la crise sanitaire. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans La Tribune.

Le débat est souvent présenté de façon caricaturale. On est soi pro-business, soit anti-business, à savoir favorable à une réglementation et une fiscalisation importante des entreprises. Au-delà du fait qu’en France, réglementations et fiscalité sont déjà très avancées et que l’on ne le reconnait pas suffisamment, force est de constater que la puissance des entreprises a été cruciale pour gérer l’épidémie du Covid-19. D’ailleurs, si elles avaient été davantage impliquées, il est probable que la France s’en serait mieux sortie.

Depuis trois ans, nous publions à l’Institut économique Molinari une étude appelée la contribution fiscale et sociale des entreprises du CAC 40. Ce travail n’était pas initialement supposé focaliser sur les entreprises du CAC 40 mais l’actualité, avec la publication par Oxfam en 2018 de son étude CAC 40 : des entreprises sans partage, en a décidé ainsi. L’objectif de cette étude vise simplement à rappeler des données importantes, en particulier que les entreprises sont des véhicules au service des salariés, des actionnaires et aussi largement des Etats. Cette dimension est trop souvent oubliée dans de nombreux débats qui laissent souvent sous-entendre que les entreprises échapperaient totalement à l’impôt. C’est l’inverse qui est vrai. Sur une valeur totale créée de 389 milliards, les Etats en récupèrent 80 milliards sous la forme d’impôts de production, de taxes sur les dividendes, etc.

Il n’est pas possible d’avoir un débat sain sur le rôle des entreprises sans avoir bien en tête ces ordres de grandeur et cesser de croire que les entreprises jouent cavaliers seuls. Ceci est souvent bien compris quand il s’agit d’entreprises de petites tailles. Ça l’est déjà moins quand on passe aux entreprises de taille intermédiaire (ou ETI) et encore moins aux très grosses entreprises qui, dans l’esprit collectif, sont craintes du fait de leur puissance. C’est vrai, elles sont puissantes et elles peuvent être craintes à ce titre. Néanmoins, les grandes entreprises ne présentent pas que des aspects négatifs.

Une capacité de réaction

Outre les meilleurs salaires qu’elles sont en mesure de servir et l’actionnariat ou l’épargne salariale dont elles font bénéficier leurs salariés, la capacité de réaction des grands groupes et de leurs dirigeants au moment de la crise Covid-19 a été pour un grand nombre d’entre nous un réconfort. Dans une note du 29 février, le spécialiste de la gestion des dangers Patrick Lagadec écrivait d’ailleurs à ce sujet : « Lors de l’incendie de Notre-Dame, […] de très grandes fortunes avaient annoncé qu’elles apportaient une aide financière importante pour la reconstruction de l’édifice. Il serait probablement fort opportun pour la première ligne de front de recevoir ce type d’appui, et sans délai. » Avec le Covid-19, on a pu observer qu’un nombre significatif de grandes entreprises se montraient à la hauteur des enjeux collectifs. Sans nous abreuver de paroles inutiles, elles ont fait ce qu’elles savent faire : à savoir rendre des produits disponibles qui nous faisaient cruellement défaut ou maintenir en état de marche les réseaux vitaux (eau, électricité, moyens de communication).

C’est ainsi LVMH qui produit du gel hydroalcoolique et en fait don aux hôpitaux, sécurisant dans le même temps l’achat de masques et d’appareils respiratoires pour les autorités sanitaires. C’est son président qui est remercié par le professeur Didier Raoult en direct dans une émission sur Radio classique pour l’avoir « dépanné » en matériaux nécessaires à son institut (IHU). C’est aussi Pernod Ricard qui fait don de 70.000 litres d’alcool pur pour produire le gel constituant le premier geste barrière indispensable dans la lutte contre le virus. Comme lors de l’incendie de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, la puissance de ces individus au travers de leur entreprise est ce dont on avait besoin, ne serait-ce, dans un premier temps, que pour garder espoir face à la catastrophe.

Délocalisation et pénuries

D’ailleurs, le sujet de la délocalisation porte justement sur les pénuries liées à l’absence sur le territoire de ces entreprises qu’en temps de crise on veut à portée de main pour bénéficier en priorité et rapidement de leur puissance à produire les masques, les traitements, les futurs vaccins. La polémique autour du laboratoire français Sanofi ne disait pas autre chose. Les Français veulent être les premiers servis par des entreprises en capacité de produire ce dont ils ont besoin. La question n’est donc pas de savoir si les entreprises sont puissantes ou pas. Elles le sont. C’est ce qui fait leur intérêt. Leur puissance permet de servir des consommateurs, des salariés, des actionnaires et l’Etat, qui a un intérêt majeur à leur création de valeur.

Lors de la crise, et comme l’écrit le docteur Christian Perronne dans son dernier livre, il y a peu d’erreurs que nos autorités publiques n’ont pas commises. Par contre, force est de constater que la puissance des grandes entreprises et des moins grandes – comme celle des laboratoires de ville – nous ont bien servis. Il y a lieu de s’en réjouir et de réfléchir aux meilleures manières de faire en sorte qu’elles nous servent plus encore : cesser de brandir les armes fiscales et réglementaires qui elles aussi ont déjà bien trop servi.

Cécile Philippe

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