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Autoriser les entreprises à faire des tests comme Ferrari

Alors que le déconfinement débute, nous restons en France loin derrière les autres pays européens avec 1,3 test pour 100 habitants, soit deux fois moins que nos voisins européens en moyenne à 2,8 tests pour 100 habitants. Faute d’avoir su donner au dépistage une priorité absolue, nous sommes toujours dans le flou alors que d’autres pays y voient plus clair. Nous devrions avoir en France les moyens de tester plus, soit sous la houlette de l’Etat, soit via des initiatives de terrain. Or les démarches d’entreprise ont purement et simplement été interdites dans le cadre du protocole national de déconfinement. Une erreur que n’ont pas faite nos voisins Italiens. Extrait d’un article de Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié par l’Express le 9 mai et mis à jour le 11 mai.

Dans le cadre du protocole de déconfinement à destination des entreprises dévoilé il y a quelques jours, on peut lire que « la généralisation des tests ou de la prise de température en entreprise n’est pas recommandée. » Plus loin, la politique à l’égard des tests est précisée, à savoir que « les campagnes de dépistage organisées par les entreprises pour leurs salariés ne sont pas autorisées. À l’heure actuelle, seuls les tests virologiques RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngés sont fiables pour confirmer le diagnostic de COVID-19. La réalisation de ces prélèvements sur prescription médicale est douloureuse, complexe logistiquement (équipements de protection et parcours des données patient) et doit être réalisée par des professionnels formés. En conséquence, à ce stade, aucune organisation par les employeurs de prélèvements en vue d’un dépistage virologique ne saurait s’inscrire dans la stratégie nationale de dépistage. »

Dans la mesure où nos autorités publiques n’ont pas réussi à ce stade de mobiliser toutes les ressources disponibles pour pratiquer des tests à grande échelle, on demande donc aux entreprises françaises l’impossible. On attend d’elles qu’elles fassent le maximum pour protéger leurs salariés, sans leur donner les outils.

Avec des tests réguliers, elles seraient en mesure de créer des conditions de travail saines et ainsi de protéger leurs salariés de manière efficace. En leur interdisant de favoriser le déploiement de ces tests dans l’univers professionnel, on les mets dans une situation d’injonction paradoxale.

Ce n’est pas ce qu’on constate chez nos voisins Italiens. L’entreprise Ferrari prévoit par exemple de retrouver ses pleines capacités de production d’ici le 8 mai. Pour ce faire, l’entreprise propose à ses travailleurs de faire un test sérologique. Ferrari s’est dotée des moyens d’en faire 800 par jour. Si le test sanguin se révèle positif, alors l’employé concerné se voit proposer un PCR pour confirmer la contamination. Si tel est le cas, Ferrari offre une couverture médicale à ceux qui doivent être hospitalisés et organise le logement et le suivi médical de ceux qui doivent s’isoler au bénéfice des autres. Le producteur de voiture transalpin dit avoir construit son approche avec des virologues. Il a aussi développé une application qui promet de ne pas violer la confidentialité. Les données collectées sont gérées par une entreprise distincte de Ferrari sur une base anonyme. L’objectif est le même que celui mentionné dans le protocole national français, à savoir détecter « toutes les personnes qui ont été en contact rapproché avec une personne infectée », mais au moyen des tests et de traçages.

La comparaison des démarches Françaises et Italienne est frappante. Il est vrai que de nombreux obstacles juridiques devraient être levés en France pour que des tests puissent être organisés sur les lieux de production. Le test est un acte médical et le chef d’entreprise n’est pas habilité à le faire. Une ordonnance du 1er avril donne au médecin du travail la possibilité de procéder à des tests de dépistage du covid-19, selon un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail. Le décret en déterminant les conditions d’application n’a cependant pas encore été publié et le recours à la médecine du travail en limite la portée. Si l’on voulait faire monter en puissance les tests pour protéger les lieux de travail, il faudrait inverser la philosophie du droit. Il conviendrait d’autoriser les tests, tout en assurant qu’ils soient effectués dans le respect des salariés avec amendes et punitions dans le cas contraire.

Seul l’avenir nous dira si cette stratégie est gagnante sur le plan sanitaire et économique. Il est probable qu’une entreprise comme Ferrari, qui se dote des moyens de tests et mise sur l’alignement de ses intérêts avec ceux de ses employés, sera en meilleure position. De même, quand il s’agira de déterminer les responsabilités des uns et des autres à la lumière d’une obligation de moyens, Ferrari sera sûrement dans les « clous ». Nous avons tort en France de brider les entreprises lorsqu’elles souhaitent mettre en œuvre tous les moyens de sécuriser leur reprise. Nous devrions les y aider, plutôt que de les empêcher par défiance.

Cécile Philippe

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