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Le confinement devrait être un investissement

Durant la pandémie grippale de 1918 dite «grippe espagnole», ce sont les villes américaines ayant maintenu le confinement le plus longtemps qui ont aussi le mieux rebondi sur le plan économique par la suite. Pour Cécile Philippe, présidente de l’IEM, le déconfinement doit impérativement s’accompagner d’une campagne de dépistage massive dans la population. Tant que cette capacité à tester n’est pas assurée, la France court le risque d’une nouvelle vague de contamination qui serait mortifère pour son économie. Chronique publiée dans Les Échos.

Plus d’un mois après le début du confinement en France, une erreur fondamentale semble continuer de prévaloir, à savoir qu’il faudrait choisir entre sauver l’économie ou sauver des vies. Cette idée qu’il faudrait faire un choix entre la santé et le PIB est erronée. Elle contribue à entretenir un sentiment anti-business en France, tout en nous détournant d’une priorité absolue, élargir l’accès à aux matériels de protections et tests de dépistage.

Lors de son discours du 13 avril, le Président Macron a annoncé que le 11 mai marquerait le début de la sortie progressive du confinement et de la reprise graduelle des activités économiques. Dans le même temps, il a précisé que d’ici là, la France sera dotée des moyens de dépister toutes les personnes présentant des symptômes. Or, compte tenu du nombre de personnes asymptomatiques dans le cadre de cette épidémie – confirmé par des pays qui ont pu réaliser des tests sur des échantillons larges (Islande, ville de Vo en Italie) – la France devrait aller au-delà. Elle a besoin de capacités de dépistage beaucoup plus importantes (0,9 tests pour 100 habitants) pour envisager un déconfinement serein. S’il faut plus de temps pour les constituer, il vaut mieux se donner ce temps que de risquer d’être heurté par une nouvelle vague en raison d’un déconfinement prématuré.

Evidemment, chaque jour supplémentaire de confinement est très coûteux en termes sociaux et économiques. Mais si nous dé-confinons avec les moyens d’éviter un retour la contagion, alors le confinement pourrait se révéler un excellent investissement.

Il est encourageant sur ce plan d’observer que lors de l’épidémie de grippe espagnole aux Etats-Unis, les villes qui ont fait le sacrifice économique le plus grand en se confinant le plus longtemps, sont aussi les villes qui ont connu le rebond économique le plus fort. C’est ce que montre un article récent, publié par un groupe d’économistes du MIT et de la Réserve fédérale. New-York ou St Louis, dont les mesures de distanciation sociale et de confinement ont été précoces et longues, ont réussi à sauver plus de vies et ont rebondi plus rapidement sur le plan économique, notamment en termes d’emploi. Cela revient à dire que pour avoir une économie en bonne santé, il faut avoir une population qui l’est aussi. Les mesures qui permettent de s’en assurer – moyens de protection et tests – sont les meilleurs investissements économiques que l’on puisse faire dans le cadre du coronavirus.

A ce titre et, comme le souligne la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, une condition préalable au déconfinement est « la capacité de tester et de surveiller la propagation du virus. » L’Organisation mondiale de la santé, les experts des maladies infectieuses ou des systèmes complexes, les succès de pays comme l’Allemagne ou la Corée du sud plaident tous en ce sens.

En France, l’Etat s’est positionné comme le responsable de la politique de santé. Il devrait donc s’assurer de l’accès effectif de la population à des moyens de protection efficaces contre le covid-19. Les entreprises françaises, dont on attend qu’elles fassent repartir l’économie, en ont besoin pour rassurer leurs salariés et faire en sorte que la reprise soit la plus rapide et la plus pérenne possible. Elles seraient en droit, comme les partenaires sociaux, d’exiger que l’Etat remplisse mieux son rôle pour leur permettre à elles de remplir le leur.

Cécile Philippe

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