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Coronavirus : quelles conséquences économiques ?

Une fois la vague du coronavirus passée, avec ses quarantaines et autres mises en arrêt de l’activité économique, à quoi pouvons-nous nous attendre comme conséquences économiques ? Pourrions-nous faire face à une crise similaire à celle de 2008, voire pire ? La chute des bourses est-elle un signe de la récession à venir ?

Pour comprendre le rapport entre l’actuelle crise sanitaire, les bourses et l’activité économique réelle, il nous faut comprendre la logique des flux de trésorerie. Les entreprises ont besoin de capital financier (fonds de long terme) pour initier leurs projets et de trésorerie (fonds de court terme) pour entreprendre leurs opérations régulières pendant un exercice annuel. Pour une entreprise saine, si le capital financier peut bien provenir des fonds internes, comme l’apport d’épargne de ses actionnaires et fondateurs, ainsi que des fonds externes, comme la dette, la trésorerie doit provenir régulièrement des recettes nettes de son activité. Évidemment, parfois une entreprise doit s’endetter à court terme par manque ponctuel de trésorerie, mais pour une entreprise saine, cela est ponctuel et implique une dette de très court terme, souvent quelques semaines à quelques mois seulement. Une entreprise incapable de générer des flux de trésorerie positifs de façon soutenue est une entreprise qui sera incapable de faire face à ses obligations de long terme et devra donc fermer ses portes.

Ainsi, on voit bien que ce sont les flux de trésorerie des entreprises qui constituent les fondations de toute l’économie mondiale. Si ces flux, ou liquidités, circulent tout le système se porte bien. Bien sûr, parfois ces liquidités se concentrent plus sur certains acteurs que sur d’autres, ce qui explique l’existence des marchés financiers, où des actifs financiers (essentiellement des promesses de remboursement) seront échangés contre des liquidités. Certains de ces actifs sont plus liquides, c’est-à-dire, peuvent être facilement vendus, que d’autres. En tout cas, plus les liquidités circulent dans une économie, plus les marchés pour les actifs financiers sont eux-mêmes liquides, ce qui permet aux entreprises et investisseurs détenteurs d’actifs de se procurer facilement des liquidités si besoin.

Malheureusement, la crise sanitaire provoquée par la pandémie du coronavirus a résulté en un arrêt plus ou moins grand de l’activité productive et donc des opérations commerciales des entreprises. Celles-ci se voient donc incapables de générer des flux de trésorerie, ce qui les amène alors à liquider leurs actifs pour faire face à leurs obligations. Or, cette cessation de flux arrive massivement ce qui met alors en échec la liquidité même des marchés des actifs qui ont alors du mal à procurer des liquidités aux entreprises. Ceux qui en ont ne lâchent pas leurs fonds, ceux qui n’en ont pas font alors défaut sur leurs obligations avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l’économie réelle : hausse du chômage, baisse de la consommation et reconsolidation des projets.

La première conséquence, inéluctable, sera une récession. Car même si l’activité reprend après la fin de la crise sanitaire, le manque prolongé d’activité provoquera une coupure importante dans la génération et la circulation des flux de trésorerie pourra être seulement être palliée par une reprise des opérations. Au vu de la situation, les banques réduiront drastiquement leur offre de crédit, ce qui posera problème pour une reprise rapide l’investissement.

Les banques centrales du monde entier le savent et ont déjà annoncé leur engagement à injecter des liquidités dans les marchés, mais cette injection est pour le moment aveugle, car il reste encore à cibler les secteurs qui en auront le plus besoin le moment venu. En outre, les injections annoncées peuvent s’avérer insuffisantes, car la grandeur de la récession économique à venir dépendra en grande mesure de la durée et de la portée de la crise sanitaire actuelle.

Peu importe les mesures entreprises à l’aube de la récession à venir, quelques longs mois de turbulences économiques sont à attendre. Néanmoins, il est évident que des mesures exceptionnelles, voire même jamais vues depuis le XIXème siècle sont à prévoir.

Voici une liste des conséquences et mesures auxquelles nous pouvons nous attendre :

  • Surendettement public pour subventionner les pertes des entreprises dues au confinement.
  • Ce surendettement pourrait susciter un défaut technique des dettes italiennes et espagnoles, tout en mettant la dette française en péril.
  • Une concertation européenne visant à réformer les objectifs et les opérations de la Banque Centrale Européenne peut aboutir à une absorption plus ou moins directement de l’endettement public par la BCE.
  • Les sauvetages d’entreprises et les injections de liquidité se feront dans l’urgence et probablement les critères de ciblage ne seront pas optimaux, résultant ainsi en des distorsions, où des entreprises préalablement en mauvais état reçoivent trop de fonds tandis que des entreprises en bon état reçoivent peu de fonds.
  • Nationalisations (partielles, intégrales) plus ou moins temporaires d’entreprises, notamment celles « trop grandes pour laisser tomber » comme les compagnies aériennes.
  • Le niveau d’endettement public et privé rendra une hausse des taux d’intérêt encore plus lointaine, ce qui neutralise l’outil bancaire de contrôle du risque des débiteurs.
  • Si le pire est évité, alors l’économie redémarrera avec beaucoup plus de liquidités disponibles qu’auparavant. Les banques relanceront le crédit à partir d’une base beaucoup trop élevée. Si le crédit redémarre sur une base encore plus élevée qu’aujourd’hui, la hausse des prix d’actifs financiers et fonciers reprendra, ainsi que l’endettement.
  • Les inégalités de patrimoine auront donc tendance à se creuser grâce à l’intervention de sauvetage et non grâce au « marché ».
  • Le risque inflationniste dans les marchés à la consommation peut augmenter fortement.
  • Les distorsions structurelles s’accumuleront au vu des injections de liquidité et de la relance massive du crédit ; une nouvelle crise, plus ample se produira au prochain déclencheur.

Les plus mauvaises conséquences et les distorsions structurelles, peuvent-elles être évitées ? Oui, si un gouvernement profite de la subvention des banques centrales pour rééquilibrer son budget, réformer sa fiscalité, assouplir sa bureaucratie et adopter des règles strictes de responsabilité fiscale. Tout ceci tend à réduire l’endettement public et donc l’incitation à une relance trop rapide du crédit bancaire. Mais cette solution, au moins en Europe, exige un niveau de concertation supranationale pour le moment inenvisageable.

Gabriel A. Giménez-Roche

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