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Cloisonner sanitaire et économique est une erreur

Dans les pays qui ne savent pas tester massivement, le confinement est beaucoup plus étendu et est extrêmement coûteux d’un point de vue économique. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans L’Opinion.

Dans la gestion de la crise sanitaire liée à Covid-19, les professionnels de la santé sont au cœur des stratégies de sa résolution tout comme les politiques dont on attend qu’ils coordonnent les choses. Les économistes sont surtout sollicités à propos des conséquences de la crise, fonction de la durée de celle-ci. Il me semble, néanmoins, qu’il y aurait beaucoup à gagner à intégrer l’approche économique à la gestion de la crise sanitaire actuelle qui est pour partie la conséquence d’une mauvaise production  et allocation des ressources. De fait, vouloir cloisonner les questions sanitaires et économiques, c’est courir le risque d’être inefficace.

A l’heure actuelle, les économistes sont sondés pour prévoir quelle sera la baisse du niveau du PIB, l’alourdissement de la dette publique et des déficits, l’ampleur de la dépression, etc. Ces questions sont cruciales mais elles n’ont pas de réponse crédible si elles ne sont pas étroitement associées à la stratégie sanitaire des autorités.

Les économistes ont-ils une valeur ajoutée s’agissant la gestion de la crise sanitaire en tant que telle ? Certains pensent que non, les économistes n’étant pas professionnels de la santé. Ils sont néanmoins experts de l’allocation des moyens aux objectifs les plus importants. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la façon dont sont définis les objectifs politiques et sanitaires, mais de rappeler qu’il convient de ne pas faire fi du raisonnement économique si l’on veut optimiser l’efficacité des démarches.

Les autorités sanitaires – en particulier l’Organisation mondiale de la santé ou celles des pays où la crise est gérée de manière efficace – considèrent que les tests à grande échelle sont au cœur de la stratégie. D’un point de vue économique, cet objectif est totalement compréhensible car il remplit un objectif d’allocation rationnelle des ressources. En effet, quand on sait où sont les malades, on peut non seulement allouer les moyens de santé au bon endroit mais plus encore, on peut laisser les personnes non contaminées poursuivre des activités elles-aussi nécessaires au fonctionnement de la société, voire indispensables à leur survie : production alimentaire, production énergétique, etc. On peut mener une politique économique ciblée. Les objectifs sont imbriqués.

Ils le sont d’autant plus que la résilience de l’économie dépendra du degré de confinement. Or, ce degré semble étroitement lié à la capacité de test. Les pays les mieux à même de tester depuis le début sont aussi ceux qui pratiquent un confinement ciblé et limité. La Corée du sud, par exemple, ne ferme que les lieux publics fréquentés par des personnes contaminées au cours des 15 derniers jours et pour une durée de 14 jours. Dans les pays qui ne savent pas tester massivement, le confinement est beaucoup plus étendu et est extrêmement couteux d’un point de vue économique. Si on ne parvient pas à remettre les gens au travail dans des conditions sécurisées, nos pays vont s’enfoncer dans une crise majeure aux conséquences aussi bien économiques que sociales et sanitaires.

Or, pour remettre les gens au travail dans de bonnes conditions, il faut pouvoir rassurer, recréer la confiance. La confiance dans les sociétés complexes est un sujet qui préoccupe les économistes. On le voit notamment lors des crises financières. Leurs conséquences économiques sont dramatiques quand elles s’accompagnent d’une disparition de la confiance dans la monnaie et l’avenir, ce qui contamine l’économie en général. Durant cette crise sanitaire, la question se pose dans les mêmes termes. La confiance est érodée dans ce cas par l’incapacité à se protéger des personnes contaminées. L’Autre, avec qui on coopère en temps normal, devient une personne potentiellement dangereuse dont il faut se protéger. Or, nos sociétés ne peuvent fonctionner sans une coopération intensive. Dans ce cadre, les tests sont des intermédiaires de confiance, au même titre que la monnaie est un intermédiaire essentiel à la fluidité des échanges. Quand les tests circulent librement et largement, ils permettent de diffuser la confiance et soutiennent la reprise des activités.

Par conséquent, pour sortir d’un confinement très large et pourtant nécessaire aux pays imprévoyants, il faut travailler à allouer les ressources là où elles sont le plus urgemment nécessaires, à savoir les capacités de tester. Le confinement doit aussi permettre d’augmenter la production de masques, de gels et d’améliorer la coordination entre les établissements de santé privés et publics.

Cécile Philippe

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