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Réforme des retraites : le pragmatisme doit primer sur les passions politiques

Texte d’opinion par Alexandre Massaux, chercheur associé à l’IEM, publié en exclusivité sur le site de l’Institut économique Molinari.

La réforme des retraites provoque l’ire des syndicats. Pourtant, une partie de la gauche fut jadis réformatrice en la matière. Jean Jaurès écrivait dans le journal L’Humanité du 1er janvier 1910 les propos suivants : « la capitalisation … en soi est parfaitement acceptable et peut même, bien maniée, par un prolétariat organisé et clairvoyant, servir très substantiellement la classe ouvrière »(1). En effet, dès cette époque, il était question de réformer le système des retraites. Jean Jaurès, l’un des pères fondateurs du socialisme français, était soucieux que celui-ci soit en faveur de la classe ouvrière et des plus démunis. Pour cela, il se montrait pragmatique et voyait en la capitalisation un moyen d’émancipation de la classe ouvrière. C’est ce pragmatisme que les acteurs sociaux doivent retrouver aujourd’hui.

Un système des retraites dans l’impasse

L’étude de la Fondation pour l’innovation politique du 29 octobre 2018 démontre que le système actuel des retraites n’a plus le soutien des français(2). 90% de la population jugerait le fonctionnement actuel fragile et 85% inégalitaire. De plus, l’étude met en avant une volonté de changement chez les plus jeunes qui se montrent plus favorables à la capitalisation que les autres tranches d’âge. En effet, 52% des 18-24 ans et 42% des 24-35 ans y sont favorables, alors que seulement 33% des plus des 35 ans sont pour(3). Une situation qui crée une inquiétude chez 78% de la population quant au futur des retraites et leur financement.

La réforme proposée par le gouvernement ne peut malheureusement pas résorber cette inquiétude liée au financement car elle maintient voire accentue notre dépendance à la répartition. Comme le montre l’étude de l’Institut économique Molinari, le financement des retraites françaises repose sur les charges sociales, les impôts voire le déficit, pénalisant ainsi la croissance économique, l’emploi et la croissance des salaires nets(4). De ce fait, avec le vieillissement accru de la population, le système actuel est dans une impasse : soit les ressources basées sur les prélèvements obligatoires devront être augmentées, soit les pensions réduites, soit l’âge de la retraite devra augmenter. Trois possibilités qui sont difficiles à faire accepter par la population.

La diversification du financement des retraites avec une part de capitalisation comme solution

Un nombre non négligeable de pays de l’OCDE a financé les retraites à travers une combinaison répartition et capitalisation. Cette dernière permet, à travers un système d’épargnes et de placements, de créer des réserves financières tout en diminuant le poids sur l’activité économique et les salaires. L’existence de fonds de réserves publiques et de fonds de pensions privés a ainsi permis aux pays d’Europe du Nord, connus pour leur modèle social, de financer les retraites et de diversifier les risques. Alors qu’en 2018 les actifs des Fonds de pensions privés français ne généraient que 10% du PIB, ceux du Danemark et des Pays-Bas représentaient respectivement 199% et 173% du PIB. De même, pour les actifs des fonds de réserves publics, ils ne produisaient que 2,5% du PIB en France alors que ceux du Luxembourg et de la Suède atteignaient  31% et 29%.

Comme le précise l’Institut économique Molinari, ce sous-développement de fonds de réserves et pensions représente un manque à gagner de 2,6 % du PIB soit l’équivalent des déficits publics français(5).

Par conséquent, plutôt que centraliser et uniformiser le financement de la retraite comme le prévoit la réforme actuelle, la clé est dans la diversification. A la place de céder à des positions partisanes, il est nécessaire d’aborder le sujet de manière dépassionnée et pragmatique.

Références

  1. L’Humanité : journal socialiste, quotidien Parti communiste français, 1er janvier 1910.
  2. Fondation pour l’innovation politique, Les français jugent leur système de retraite, 29 octobre 2018.
  3. Fondation pour l’innovation politique, Les français jugent leur système de retraite, 29 octobre 2018, p.153.
  4. Cécile Philippe et Nicolas Marques, Retraites françaises, sortir de l’impasse, préparer l’avenir, décembre 2019, p. 8.
  5. Ibid, p. 8

Alexandre Massaux

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