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Une réforme des retraites innovante ajouterait un pilier par capitalisation

Selon l’Institut économique Molinari, qui vient de publier une étude sur les retraites, « l’impasse » sur la capitalisation dans le système français représente un manque à gagner de 2,6 points de PIB par an. Un article de Thibaud Vadjoux d’Instit Invest.

Dans votre étude, vous pointez l’absence de débat sur la mise en place d’une part de retraite par capitalisation dans le futur régime. Pourquoi est-ce important ?  

Cécile Philippe : Nous nous plaçons d’un point de vue pragmatique. La retraite par capitalisation et la retraite par répartition présentent chacun leurs avantages et inconvénients. La répartition offre un pilier résistant aux chocs économiques mais elle est de plus en plus coûteuse avec le vieillissement démographique.  Tout ne peut pas reposer sur les revenus du travail. Pour réformer, les marges d’actions sont limitées. Il est difficile d’augmenter les charges sociales et les impôts et de réduire le niveau des pensions sous peine de pénaliser la croissance économique, l’emploi et le pouvoir d’achat. La seule solution est d’augmenter la durée de cotisation ou l’âge légal de départ à la retraite. De fait, les réformes organisent une forme de rationnement du système par répartition.

Nicolas Marques : Nous pensons que le véritable enjeu d’une réforme serait d’ajouter un pilier par capitalisation aux côtés de la répartition. A la fois pour éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier et pour répondre à un impératif d’économie des fonds publics et privés. Le système devrait marcher sur ses deux jambes en reposant en partie sur les revenus du capital, apportant des recettes sous la forme de plus-values ou de dividendes. Cette marge de manœuvre est sous-exploitée.

Selon vos calculs, cela conduit à un important manque à gagner ?

Nicolas Marques : Nous estimons que le sous-dimensionnement de la retraite par capitalisation en France entraîne un manque à gagner de l’ordre 2,6 points de PIB par an par rapport à la moyenne de l’OCDE. Cela représente 61 milliards d’euro par an, soit 19 % des retraites distribuées. En effet, la répartition dont les revenus progressent comme la masse salariale, est moins généreuse que l’épargne retraite bénéficiant des performances à long terme des marchés financiers. A prestation égale, la capitalisation permet au futur retraité de cotiser moins qu’en répartition pure puisque les versements produiront des intérêts. Il faudrait faire monter en puissance les fonds de pensions publics ou privés. En permettant de financer une partie des retraites grâce aux dividendes et plus-values, elle réduirait la dépendance aux charges et aux impôts.

Vous regrettez également que la réforme passe à la trappe des fonds de pension à la française déjà existants ?

Cécile Philippe : Le gouvernement est en train d’organiser une nationalisation des caisses d’assurances vieillesse et des régimes de retraite indépendants. La réforme actuelle se fait au détriment d’institutions publiques ou privées vertueuses comme le FRR, l’Erafp, l’Agirc-Arcco, les caisses libérales comme la caisse des pharmaciens dont une partie est financée par capitalisation. Elles ont pourtant constitué une épargne retraite de façon responsable. Ces acteurs constituent une richesse, une diversité institutionnelle dont va se priver le pays.

Pensez-vous que la mise en commun de toutes les réserves des institutions de retraites pourrait constituer un grand fonds de pension public ?

Nicolas Marques : Jean-Paul Delevoye propose de créer un Fonds de réserve universel mais les réserves sont appelées à être consommées, pas placées. Le risque est que ces réserves servent à financer la transition du système. Les quelque 160 milliards d’euros de réserves devraient être sanctuarisées par une règle d’or et devraient monter en puissance comme chez nos voisins pour préparer l’avenir. Une façon de protéger les actifs serait de donner un droit de regard aux institutions qui les ont apportés et qui ont très bien rempli leur rôle de gestionnaires.

Cécile Philippe : L’intérêt de la création de fonds de pensions collectifs est aussi leur pouvoir énorme de négociation qu’ils auraient face à des gérants, notamment pour diminuer les frais de gestion.

Le FRR n’a pas atteint son but. Risque-t-on de répéter cette erreur ?  

Nicolas Marques : Le FRR s’est moins bien développé que prévu en raison d’un manque d’engagement de l’Etat et de velléités de puiser dans ses réserves. Dès 2010, le fonds, au lieu d’être alimenté, a commencé à être vidé. Il a servi à rembourser la dette sociale et à limiter l’ampleur des déficits de la sécurité sociale. Le gouvernement s’en est même servi pour colmater les déséquilibres de l’assurance maladie, affectation sans rapport avec la raison d’être du FRR. Il est devenu une capitalisation orpheline car il n’a pas été protégé.

Les taux bas poseraient-ils un problème à la création d’un système par capitalisation ?

Nicolas Marques : Cela ne pose pas de problème aux instituions qui fonctionnent en cotisations définies, qui présentent un horizon de placements à long terme et qui ne sont pas contraintes par des règles d’un autre âge d’allocation en actifs sûrs. Nous constatons que les stratégies d’investissement du FRR et de l’Erafp résistent aux politiques de taux bas et présentent des rendements significatifs. Malgré ses difficultés, le FRR n’a pas failli à sa mission d’un point de vue qualitatif. La performance annualisée nette de la gestion ressort à 3,7 % par an depuis 2004.

Cécile Philippe : Les taux bas sont aussi une opportunité pour que l’Etat s’endette non pas pour payer ses dépenses courantes mais pour investir à long terme, notamment pour alléger la facture des retraites des fonctionnaires en les provisionnant.

La réforme des retraites, dans la loi Pacte, vise à accroître les produits de capitalisation. Est-ce suffisant ? 

Nicolas Marques : La loi Pacte va dans le bon sens, mais est insuffisante. L’épargne retraite risque de rester l’apanage des ménages aisés, prévoyants, travaillant dans de grandes entreprises proposant des produits d’épargne collective. Cela risque de laisser sur le carreau une grande partie de la population française. Les produits individuels ou d’entreprise sont longs à monter en puissance et plus coûteux à commercialiser. Ils conduisent mécaniquement les opérateurs à mettre en place des structures tarifaires plus élevées pour rémunérer des actes de ventes. Ils ne représentent aujourd’hui que 2% des encours des retraites et devraient atteindre 4 à 6% à moyen terme, si le volet Pacte est un succès.

Lien vers l’article sur le site d’Instit Invest

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