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Retraites, une réforme qui occulte la question de fond

La réforme des retraites est à ce stade la réforme la plus risquée pour le président. Susceptible de générer un mécontentement significatif, avec des questions sensibles autour de  l’âge d’équilibre ou de l’âge pivot, elle passe à côté des enjeux à long terme. Le texte ne prévoit ni sanctuarisation des réserves, ni montée en puissance de la capitalisation, points cruciaux pour améliorer l’équation du financement des retraites sans nuire à la compétitivité et au pouvoir d’achat.

Le choix de la répartition au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en fait aujourd’hui l’un des premiers postes de dépense publique. Dans ce système par lequel les actifs financent les retraités, l’argent n’est pas placé, il est transféré. Cela a un avantage évident, le rendement implicite de la répartition ne dépend pas des marchés financiers, mais de la démographie. Un choix cohérent dans une période de reconstruction caractérisée par une inflation galopante, ayant ruiné les rentiers d’avant-guerre, et un dynamisme démographique.

Un système dépassé

Le problème vient de ce que  le système d’après-guerre n’a jamais été adapté en vue d’accroître sa résilience moyennant l’ajout d’un pilier en capitalisation diversifiant les risques. En effet, les risques de la répartition sont ceux d’une baisse du nombre d’actifs (baisse de la fertilité et allongement de l’espérance de vie) et de la croissance. Ces risques se sont aujourd’hui concrétisés.

Ces évolutions, heureuses dans le cas de l’espérance de vie, sont particulièrement douloureuses dans un système français contraint de prélever 14 % du PIB sur les actifs pour nourrir ses retraités. La répartition est très coûteuse pour les pays vieillissants. Or, au-delà des aménagements qui ont pu être faits au cours des dernières décennies, une manière évidente et pérenne de la rendre moins coûteuse et moins fragile serait de lui associer le petit frère de la capitalisation. C’est une règle de diversification de base que nous appliquons dans tous les domaines de nos vies quotidiennes.

Si le provisionnement ou l’épargne placée peut subir les à-coups des marchés financiers, ceux-ci se lissent sur des périodes de 40 ans de vie active, si bien que, en bout de ligne, il est possible de donner 100 euros à un inactif en plaçant seulement 50, voire 30 euros. Plus que de déplacer l’âge de la retraite, la mise en place d’un pilier capitalisation est la seule voie d’économies durables n’impliquant pas un rationnement drastique pour les actifs ou les retraités.

Emotions et réticences

Or,  la réforme actuelle vise à fusionner les différents systèmes de retraite, sans ouvrir de réflexion sur l’ajout d’une capitalisation obligatoire, contrairement à ce qui se fait dans la plupart des pays développés. Elle propose de sanctuariser un jeu à somme nulle, sans créer de mécanismes de responsabilité à long terme. Il est même à craindre que les réserves constituées par certaines caisses de retraites ne soient dilapidées pour servir à financer une réforme difficile à faire passer.

Certes, la question de la capitalisation est une question émotionnelle chargée de réticences, mais il est urgent de la revisiter. Et qu’on n’objecte pas qu’il serait trop tard et trop coûteux d’ajouter une couche d’épargne retraite. Selon les partisans de la théorie monétaire moderne, il serait possible de laisser filer la dette pour financer des investissements productifs… Or plus d’épargne retraite, c’est plus de compétitivité.

Chronique publiée le 24 juin dans les Echos

Cécile Philippe

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