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Baisse de la pauvreté ou hausse des inégalités ? Les choix d’OXFAM

Texte d’opinion publié le 30 janvier 2019 dans La Presse+ (Canada).

Comme chaque année, l’ONG OXFAM a publié en amont du Forum économique mondial de Davos un rapport sur les inégalités dans le monde. Une opération de communication bien ficelée, lancée dans le monde entier le 21 janvier dernier et reprise dans nombre de médias.

Ainsi, dans son éditorial du 27 janvier, Paul Journet reprend à son compte une idée phare du rapport, à savoir que les inégalités augmentent et que les gouvernements n’en font pas assez pour les réduire. L’imperfection de la méthodologie d’OXFAM, reconnue par le journaliste, aurait dû le rendre plus prudent quant à l’utilisation de ses résultats.

Loin de l’unanimité

Commençons par l’extrême pauvreté. La communication d’OXFAM tente d’accréditer « la mise en échec de la lutte contre l’extrême pauvreté ». Or, cette vision ne fait pas l’unanimité, loin de là.

Les statistiques de la Banque mondiale montrent que dans les 25 dernières années, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a reculé de 1,1 milliard.

Il a baissé de 60 % alors que la population augmentait dans la même période de 38 %. Alors qu’en 1990, presque 36 % de la population vivait avec moins de 1,90 $US par jour, la proportion était de 10 % en 2015.

Toutes les régions du monde affichent une baisse. L’Asie de l’Est-Pacifique et l’Europe-Asie centrale ont été particulièrement performantes avec un taux ramené à moins de 3 %. Même l’Afrique subsaharienne voit son taux de pauvreté reculer en dépit des conflits et des déplacements associés. Le premier objectif du millénaire pour le développement était de réduire de moitié le taux de pauvreté de 1990 à l’horizon 2015. Cet objectif a été atteint dès 2010. Loin de s’en réjouir, OXFAM préfère présenter une vision alarmiste et tronquée.

Différences de revenus

Continuons avec les différences de revenus que l’éditorialiste déplore. De 1990 à 2015, la part des revenus des 50 % les plus pauvres est passée de 8,8 à 9,7 % dans le monde. Elle a augmenté plus vite que les revenus des 10 % les plus riches (de 51,1 à 52,1 %).

Difficile, donc, d’en déduire avec OXFAM que nous assistons à une explosion des inégalités, d’autant plus que ces chiffres sont avant impôts et transferts sociaux.

Certes, OXFAM affirme que les gouvernements « sous-financent les services publics », mais là encore, l’argument ne fait pas l’unanimité. Les données de l’OCDE montrent que le ratio charges et impôts sur PIB continue de progresser. Il est passé de 31,9 % en 1990 à 33,7 % en 2015.

Choisir son combat

Soulignons surtout qu’il n’y a sans doute pas de lien entre réduction de la pauvreté et réduction des inégalités. Il est même probable qu’il faille choisir son combat, la réduction de la pauvreté pouvant s’accompagner d’une hausse des inégalités.

La situation est particulièrement emblématique en Chine, où la proportion de la population vivant avec moins de 1,90 $US par jour est passée de 66,6 % en 1990 à 0,7 % en 2015. Au même moment, les inégalités augmentaient. Le 1 % des Chinois les mieux lotis possèdent désormais 13,9 % des revenus contre 8,1 % en 1990. Ils possèdent 29,6 % des richesses en 2015 contre 15,8 % 25 ans plus tôt.

Vue de Chine, la priorité est radicalement différente de celle d’OXFAM. Elle est de rendre possible un développement économique, ce qui permet de réduire la pauvreté, quitte à créer des inégalités. Sur le long terme, ce choix est gagnant-gagnant. L’histoire montre que le développement est le meilleur remède contre la pauvreté.

Cécile Philippe et Nicolas Marques sont respectivement présidente et directeur de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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