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Retraite collective, le piège de l’harmonisation peau de chagrin

Texte d’opinion publié le 13 mars 2018 dans La Tribune.

Dans le cadre de la consultation du Plan d’Actions pour la Croissance et la Transformation des Entreprise (PACTE), la proposition visant à supprimer les différences entre produits d’épargne-retraite pourrait avoir des effets contraires à ceux escomptés.

Le gouvernement veut agir en matière de retraite et vient de mettre le doigt dans un engrenage bien complexe, montrant une fois de plus que le mieux est l’ennemi du bien. Une démarche qui risque de pénaliser des centaines de milliers d’épargnants utilisant le Plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO) et de réduire l’épargne à long terme.

Tout est parti de la consultation en vue du Plan d’Actions pour la Croissance et la Transformation des Entreprise (PACTE). Cette démarche n’est pas centrée sur les retraites, puisqu’elle vise à trouver des moyens pour « faire grandir » les entreprises. Elle a mobilisé un tandem composé de Jean-Noël Barrot (député des Yvelines) et Alice Zagury (présidente de The Family). Ce binôme a préconisé de supprimer les différences entre produits d’épargne-retraite au motif de faciliter le financement des entreprises. Une petite révolution qui conduirait à réduire l’offre en fusionnant les dispositifs existants dans un seul et même « Compte Avenir ».

Un nouvel exemple d’approche administrée

Cette proposition est un nouvel exemple d’approche administrée. Censée faciliter le financement des entreprises, elle propose d’instrumentaliser l’épargne retraite à cette fin. S’il est vrai que l’épargne des ménages français s’oriente vers des placements à court terme, est-ce une raison pour modifier les produits d’épargne retraite ? S’il est vrai que l’épargne retraite peut faciliter le financement à long terme des entreprises, est-ce une raison pour la faire évoluer à l’aune de cette seule priorité au risque de lui faire perdre son attractivité ?

Pour autant, l’idée fait son chemin. Le ministère des Finances propose d’aligner le PERCO sur un produit plus ancien, la retraite « article 83 ». Un rapprochement qui gommerait les différences utiles entre ces produits collectifs utilisés par 6 millions de Français, en les harmonisant par le bas.

Une réalité bien plus complexe

Les possibilités de sortie en capital associées au PERCO disparaîtraient ou seraient réduites à portion congrue. Certains pensent que cette évolution permettrait de corriger une anomalie. Selon eux, l’épargne retraite devrait être récupérable exclusivement en rente. Conformément à la vision paternaliste, il conviendrait de bannir les sorties en capital, au motif que leurs bénéficiaires risqueraient de dissiper leur épargne et de se retrouver démunis. Mais la réalité est bien plus complexe. Tous nos retraités n’ont pas besoin de rente. D’une part, ils ont déjà des revenus garantis a vie, générés par le système de retraite par répartition. D’autre part, les forcer à récupérer leur épargne de façon périodique, c’est les contraindre artificiellement à recourir à l’endettement pour financer leurs dépenses exceptionnelles. C’est aussi les empêcher de transmettre un capital à leurs enfants. Une approche bien rigide et réductrice à une époque où l’on vante les approches à la carte et la diversité des parcours.

De même, Bercy entend supprimer la possibilité de déblocage anticipé en cas d’acquisition de la résidence principale. L’idée serait de centrer le PERCO sur le seul financement de l’économie, en faisant abstraction de l’immobilier. Pour certains, ce serait une évolution positive. Moins de sorties anticipées, ce serait plus d’épargne longue au service du financement des entreprises. Mais cela risque d’être perçu comme une régression par les épargnants-salariés. Un des attraits du PERCO réside justement dans les sorties anticipées finançant l’acquisition de la résidence principale. Empêcher ces sorties relève du contresens économique. L’accession à la propriété est, en effet, une excellente façon de préparer sa retraite et de se prémunir contre la baisse de revenus associée. Le logement représente une charge significative pour les actifs et encore plus conséquente pour les retraités dont les revenus baissent. Les chiffres montrent qu’un retraité propriétaire économise en moyenne 400 euros par mois par rapport au retraité se logeant dans le secteur privé. Un différentiel qui représente un gain de pouvoir d’achat de 23% pour le retraité médian.

Capital ou rente?

Le choix entre capital ou rente et la possibilité de déblocage anticipé sont la marque d’une approche pragmatique de la retraite, cohérente avec les besoins et les comportements contemporains. Les épargnants français ne s’y trompent pas. Chaque année, ils sont 55.000 à récupérer leur épargne en capital et 45.000 à utiliser leur épargne pour financer l’acquisition de la résidence principale dans le cadre du PERCO. Dans le même temps, les sorties en rente, que Bercy propose de rendre obligatoires, sont anecdotiques.

La rente viagère n’a clairement pas la côte et les produits ne prévoyant que cette modalité n’attirent pas les foules, même lorsqu’ils sont assortis d’avantages fiscaux et sociaux significatifs. Un constat partagé par nos voisins, tels l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, qui permettent l’utilisation de l’épargne retraite pour financer l’acquisition de biens immobiliers ou les sorties en capital. Refuser la souplesse au nom d’une vision réductrice de l’épargne retraite axée sur le financement des entreprises relève d’une confusion des genres et risque de s’avérer contre-productif.

L’inverse de l’effet recherché

L’évolution souhaitée par le gouvernement français pourrait faire un maximum de mécontents et produire l’inverse de l’effet recherché. Si le gouvernement passe à l’action, les individus, friands de souplesse, risquent de recourir davantage aux solutions d’épargne à court terme ou même de réduire leur effort de prévoyance. L’harmonisation par le bas de l’épargne retraite collective pénaliserait à la fois les individus et les entreprises à la recherche de capitaux. Ce ne serait pas la première fois qu’une l’approche technocratique hors sol se retournerait contre le plus grand nombre. L’histoire des protections sociales françaises fourmille de situations où le législateur, censé défendre la prévoyance collective, s’est montré bien imprévoyant.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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