Dans les médias

Le progrès, une raison d’envisager le futur avec optimisme

Texte d’opinion publié le 24 octobre 2017 dans La Tribune.

Défendre une approche positive, c’est s’exposer à la vindicte de ceux qui considèrent que la mise en avant des progrès conduit à occulter les dysfonctionnements, voire même à les légitimer.

L’an passé, l’écrivain suédois Johan Norberg, a publié un livre d’une grande fraîcheur, se faisant l’avocat d’une vision résolument positive et optimiste. Dans Progress: Ten Reasons to Look Forward to the Future, il décrit les raisons que nous avons de nous réjouir de l’évolution de nos sociétés. Son livre remet les idées en place. Il met en perspective nombre de croyances et préjugés qui peuvent nous aveugler quand nous essayons de mieux comprendre le monde dans lequel nous évoluons.

Comme l’indique Norberg, donner des bonnes nouvelles n’est pas la meilleure façon d’écrire un best-seller, loin de là. D’une part, ce n’est pas tendance. D’autre part, c’est courir le risque de se mettre nombre de personnes à dos. Défendre une approche positive, c’est s’exposer à la vindicte de ceux qui considèrent que la mise en avant des progrès conduit à occulter les dysfonctionnements, voire même à les légitimer. A contrario, critiquer, émettre des plaintes serait – comme l’explique Steven Pinker – une façon de signaler son empathie.

Critiquer le progrès, la parfaite recette du malheur

Pourtant, ce biais psychologique est la parfaite recette du malheur. En influençant négativement nos décisions individuelles et politiques, il peut saper les recettes qui nous ont permis d’en arriver là. Et c’est tout l’enjeu du livre de Norberg : montrer que nous avons progressé en termes d’alimentation, hygiène, espérance de vie, pauvreté, violence, environnement, alphabétisation, liberté et égalité. Pour Norberg, ces progrès sont intimement liés à la liberté de choix dont nous avons été les heureux bénéficiaires au cours des derniers siècles. Cette liberté – et toute ses déclinaisons, liberté de penser, liberté de s’exprimer, liberté de commercer, d’innover, etc. – serait à l’origine de progrès radicaux. La liberté de choix aurait agi comme un formidable fertilisant et on ne devrait pas la considérer comme un acquis. L’actualité montre, au contraire, qu’elle est menacée sur de nombreux fronts.

Nous vivons l’époque la plus pacifique qui ait jamais existé. Mais si

Attardons-nous sur un de ces progrès formidables et contre-intuitif: le déclin de la violence. Nous vivrions l’époque la moins violente de toute l’humanité. C’est la thèse du psychologue Steven Pinker, dont l’ouvrage La part d’ange en nous (Les Arènes, 2017) vient d’être publié en français. Norberg en propose une excellente synthèse. Contrairement à l’impression que peut donner l’actualité, il rappelle que le taux d’homicide baisse significativement sur la longue période.

De 19 pour 100 000 personnes au 16e siècle en Occident, il est passé aujourd’hui à 5 pour 100 000 aux États-Unis et à 1 pour 100 000 en Europe. Les conflits armés sont moins nombreux et moins mortels. Certes, nous avons tous en tête les millions de morts causés par la Première et la Seconde Guerre mondiale, mais il s’agit pour Pinker de sursauts. Même en ajoutant tous les décès liés aux guerres, génocides, purges et famines causées par les êtres humains organisés au sein d’États, on n’arriverait pas au taux annuel moyen de mort violente des sociétés sans État (524 pour 100 000 vs 60 pour 100 000 avec États).

Terrorisme et « terreur intérieure »

Le processus de pacification aurait commencé avec l’ère agricole. Il se serait développé avec la centralisation des méthodes d’arbitrage et de punition, la montée de l’individualisme et des attitudes humanitaires, l’essor de la responsabilité individuelle et la libération de liens collectifs qui voulaient qu’on venge les siens. Vous vous dites peut-être que cette vision ne tient pas compte de la montée du terrorisme, multiplié par 5 depuis 2000 avec 400 décès par an au sein des pays de l’OCDE ? Mais, là aussi, Norberg nous invite à prendre du recul, en rappelant que bien plus de personnes décèdent par noyade ou des suites d’une chute d’escalier. Ce faisant, il rejoint la vision d’Harari. L’auteur du best-seller Sapiens, une brève histoire de l’humanité nous alertait récemment sur le fait que c’est « notre propre terreur intérieure qui incite les médias à traiter obsessionnellement du terrorisme et le gouvernement à réagir de façon démesurée. »

En 25 ans, 2 milliards de personnes ont cessé d’avoir faim

Dans le domaine alimentaire, Johan Norberg rappelle que les famines ont pratiquement disparu. Elles avaient particulièrement touché la France, avec 16 épisodes au 18e siècle, et l’Europe dans son ensemble jusqu’au 19e siècle. Elles déclinent aussi dans les pays pauvres. La FAO estime que près de 2 milliards de personnes ont cessé d’avoir faim au cours des 25 dernières années. C’est la conséquence mécanique des progrès liés aux machines, à la réfrigération, à l’irrigation, aux fertilisants et plus encore à l’ouverture au commerce international.

Les conditions sanitaires – notamment l’accès à l’eau – se sont aussi grandement améliorées. Depuis 1990, 2,6 milliards de personnes ont eu accès à une source d’eau de meilleure qualité. Il s’agit d’un progrès majeur pour la santé publique, nombre de maladies étant transmissibles par des eaux contaminées (typhoïde et choléra). C’est aussi un changement significatif pour les femmes africaines et leurs enfants, qui passent 40 milliards d’heures par an à aller chercher de l’eau.

Norberg rappelle aussi que la pauvreté est une condition naturelle de l’existence. Nos sociétés occidentales ont vécu le quasi miracle que constitue son éradication dans les années 1950. Dans le monde en développement, on constate son déclin régulier. Selon la Banque Mondiale, 54% des populations du monde en développement vivaient avec moins de 1,90 dollar par jour en 1981. En 2015 ce taux était tombé à 12%. Plus encore, la pauvreté extrême diminue aussi en termes absolus. Alors que la population augmentait de 2 milliards entre 1990 et 2015, le nombre de personnes extrêmement pauvres a diminué de 1,25 milliard.

Analphabétisme, esclavage, discriminations… que de chemin parcouru

Ces évolutions, combinées avec les progrès de la médecine notamment dus à la meilleure connaissance des microbes, ont débouché sur un allongement sans précédent de l’espérance de vie du fait d’une très forte baisse de la mortalité. Cette réduction s’est opérée au cours des 5 dernières générations, alors que 10 000 générations environ nous séparent des premiers représentants de Homo Sapiens.

Le livre aborde aussi les progrès en termes d’alphabétisation. Ils sont, là encore éloquents. En 1820, 88% de la population adulte mondiale ne savait ni lire et écrire, contre 14% aujourd’hui. De même, les chapitres portant sur la liberté (avec en particulier la fin de l’esclavage), sur l’égalité (avec la baisse du racisme, la reconnaissance des droits des femmes et des homosexuels) sont autant de raisons de se réjouir du chemin parcouru.

Le danger de sombrer dans les peurs modernes

Au final, ce qui compte, c’est que ce chemin a permis d’améliorer la condition d’un très grand nombre de personnes. Aussi une question se pose, est-ce que le chemin que nous voulons et allons parcourir dans les prochaines décennies préservera les clés de ce succès ? Les avis divergent grandement. Pour Norberg, une chose est sûre, on réfléchit mieux en ayant une appréciation plus juste de ces progrès, trop souvent sous-estimés par des opinions publiques enclines à sombrer dans les peurs modernes. Ce livre est donc d’une grande actualité et utilité.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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