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Réforme du marché du travail : peut mieux faire

Texte d’opinion publié en exclusivité sur le site de l’Institut économique Molinari.

La réforme du droit du travail semble être le chantier prioritaire du tandem Macron/Philippe. Dans un pays où tous les gouvernements successifs ont échoué à résoudre la question du chômage, nul doute que l’action gouvernementale en matière sociale sera particulièrement scrutée par les commentateurs et l’opinion publique.

Vers un droit du travail plus respectueux de la subsidiarité

Les propositions dévoilées par la Ministre du travail Muriel Pénicaud montrent que le gouvernement Philippe mise sur une plus grande subsidiarité dans la définition des règles qui encadrent les relations entre les employeurs et les employés. Le souhait de privilégier davantage l’accord d’entreprise sur les conventions de branche montre le désir d’une plus grande proximité des centres de décision, à rebours de l’approche verticale qui prévaut traditionnellement dans notre système jacobin.

Contrairement aux dires des opposants à la réforme, il ne s’agit donc pas de « déréguler » le marché de l’emploi puisque personne ne plaide en faveur de l’absence de règles destinées à organiser les rapports au sein des entreprises. Le droit du travail reconnaîtrait simplement le fait que les principaux intéressés sont plus qualifiés pour définir leurs relations que des syndicats à la représentativité incertaine au niveau des branches. Une telle réforme, en décentralisant le droit du travail et en l’ouvrant à une plus grande concurrence, aurait l’avantage de le rendre plus conforme aux réalités particulières.

Bémol : la question du salaire minimum légal totalement occultée

Ces projets vont dans le bon sens mais pèchent par insuffisance, ce qui compromet l’objectif d’éradiquer le chômage de masse. La raison de cette insuffisance tient notamment au fait que la question du salaire minimum est complètement occultée. Le SMIC n’a d’ailleurs jamais été évoqué durant la campagne présidentielle alors qu’il est sans doute l’un des principaux facteurs d’exclusion du marché de l’emploi. Rappelons en effet que le chômage concerne en France principalement les catégories sociales les moins qualifiées.

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Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2429772

Or les lois relatives au salaire minimum constituent justement une barrière redoutable pour tous ceux qui n’ont pas la productivité suffisante pour prétendre à la rémunération fixée par l’administration. Le SMIC affaiblit donc l’employabilité des travailleurs peu qualifiés. Privés d’insertion professionnelle, ces derniers sont dans l’incapacité de développer leur réseau, leurs compétences et leur expérience. C’est toute la mobilité sociale qui est affectée.

Contourner le SMIC : la formation par alternance en renfort ?

Fort heureusement, le personnel politique semble progressivement réaliser les effets négatifs du SMIC sur l’employabilité des moins qualifiés. Ainsi il est heureux de voir à quel point le regard porté sur la formation en alternance – traditionnellement méprisée en France – est en train d’évoluer. Les retours d’expérience issus des pays germaniques et scandinaves ont contribué à révéler le rôle essentiel de l’alternance dans l’insertion professionnelle, en particulier des jeunes actifs. Mais quel rapport entre SMIC et alternance ?

Il faut savoir que le contrat d’apprentissage ainsi que le contrat de professionnalisation permettent précisément aux apprentis de déroger au SMIC, le temps d’obtenir des qualifications grâce auxquelles ces derniers pourront prétendre à une rémunération plus élevée au fur et à mesure que leur expérience s’étoffe. Ces contrats fixent des rémunérations minimales en pourcentage du SMIC, selon des seuils qui varient en fonction de l’âge et du niveau d’étude de l’apprenti (de 25% à 78% du SMIC pour le contrat d’apprentissage et de 55% à 80% du SMIC pour le contrat de professionnalisation jusqu’à 25 ans sauf dérogation conventionnelle).

De fait, quiconque loue les vertus de la formation en alternance admet implicitement les vices du salaire minimum légal. Ceci montre à quel point le personnel politique et les leaders syndicaux peuvent être contradictoires. En effet, de François Fillon à Jean-Luc Mélenchon en passant par la CGT, personne ne juge utile de combattre les dérogations relatives au salaire minimum propres à l’alternance. Pourtant, personne n’ose publiquement questionner l’utilité du SMIC.

Quant à Emmanuel Macron, il a eu l’occasion de rappeler durant sa campagne sa volonté de renforcer l’alternance comme voie d’insertion professionnelle. Plutôt que de se cacher derrière des artifices, il serait sans doute plus judicieux de tenir un discours de vérité sur la nocivité du salaire minimum légal et de l’abolir pour favoriser l’inclusion sociale de toutes les populations.

Ferghane Azihari est journaliste et analyste en politiques publiques indépendant. Il collabore régulièrement pour divers médias et think tanks en France et aux Etats-Unis dont l’Institut économique Molinari.

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