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Faire converger les retraites ? Oui mais dans quel sens ?

Texte d’opinion publié le 19 janvier 2017 dans La Tribune.

L’harmonisation des retraites revient périodiquement sur le devant de la scène. Mais derrière les arguments insistant sur l’équité, la tentation de mettre tout le monde à la même enseigne au sein d’un régime par répartition unifié n’est pas la solution à tous les enjeux, loin de là.

Dans sa dernière étude annuelle sur les retraites, l’OCDE pointe l’iniquité que constituent les régimes spéciaux de retraites des fonctionnaires. Elle note que la France fait partie des quatre pays de l’OCDE avec des régimes de retraites spécifiques pour les fonctionnaires et appelle de ses vœux leur alignement avec le privé. Il y a quelques semaines, la Cour des comptes attestait, elle aussi, que la France faisait partie des États « où la séparation s’avère institutionnellement la plus nette » entre retraites des fonctionnaires et retraites du privé, aux côtés de l’Allemagne ou de la Belgique.

Inégalités significatives

Il est certain qu’en dépit des réformes mises en œuvre en France depuis 2003, des inégalités significatives subsistent entre public et privé. Selon la Cour des comptes, les progrès accomplis en matière de rapprochement entre le public et le privé « restent fragiles et partiels ». Des différences subsistent en matière d’organisation institutionnelle, de calcul des pensions (assiette des rémunérations prises en compte et taux de liquidation), de droits familiaux et conjugaux ou de prise en compte du temps de travail.

Une partie significative de l’opinion publique considère qu’on ne peut pas se satisfaire de ces différences. L’idée traditionnellement mise en avant par le monde syndical de retraites plus généreuses dans le public pour compenser une faiblesse des rémunérations d’activité porte de moins en moins. D’une part, le salaire moyen à temps plein dans la fonction publique d’État dépasse celui du privé de l’ordre de 10%. D’autre part, troquer une économie à court terme en échange d’un surcoût à long terme relève d’une vision à courte vue. Cela conduit à alléger artificiellement le coût des prestations publiques du moment, en reportant une partie de la prise en charge sur les générations futures.

Régime de répartition unique

Pour gommer ces différences, certains proposent de créer un régime par répartition unique. Tous les salariés du privé comme du public y cotiseraient et en bénéficieraient, ce qui réduirait à néant les écarts que l’on constate aujourd’hui.

Cette fusion des régimes de retraite par répartition est-elle une solution ? D’aucuns prétendent que cela permettrait de générer des économies, mais cet argument est à prendre avec des pincettes. L’histoire récente regorge de rapprochements censés générer des synergies mais se soldant par des déceptions (fusion ANPE-UNEDIC, RSI…) voire des surcoûts. Surtout, l’harmonisation des régimes par répartition n’apporte aucune solution à leur difficulté structurelle. L’époque où la répartition, alimentée par une démographie dynamique, contentait un maximum de monde avec des rendements ‘implicites’ proches de ceux en capitalisation est derrière nous. Et il ne faudrait pas que la convergence des régimes de retraite conduise, paradoxalement, à cristalliser des mauvaises pratiques, en faisant reculer le poids de la capitalisation en France.

Un choix plus économique

En effet les retraites de la fonction publique ne reposent pas exclusivement sur la répartition contrairement à celles du privé. L’épargne retraite a été rendue obligatoire dans la fonction publique en 2003, avec la création de la Retraite additionnelle de la Fonction publique (RAFP). Ce Fonds de pension verse un complément de retraite aux fonctionnaires de l’État, des collectivités locales et des hôpitaux. Alimenté à partir de cotisations calculées sur les rémunérations accessoires (primes…) de 4,5 millions de fonctionnaires, il a accumulé 26 milliards d’euros en quelques années. Ce mécanisme permettant de provisionner une partie des pensions à distribuer a du sens. C’est un choix plus économique, car le financement des retraites par capitalisation est moins coûteux. Alors qu’en répartition chaque euro distribué en pensions est prélevé sur les actifs, les cotisations sont significativement moindres en capitalisation. Le différentiel est en effet généré par le rendement des placements obligataires et actions, qui rendent la préparation de la retraite moins coûteuse.

Aussi, au lieu d’échafauder des plans pour faire converger les retraites par répartition sur des bases économiquement instables du fait du vieillissement, l’on devrait s’atteler au vrai sujet. La société française a bien plus à gagner à un recours plus systématique à la capitalisation qu’a une harmonisation des retraites par répartition. L’enjeu est de faire monter en puissance l’épargne retraite, à l’instar de ce qui se fait dans le public depuis 2003. Donc oui à l’équité mais plutôt que de la penser en termes d’égalisation des régimes par répartition, imaginons-là au niveau de la capitalisation.

Nicolas Marques est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.

Nicolas Marques

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