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Qui déminera la bombe à retardement à la présidentielle?

Texte d’opinion d’Aurélien Véron publié le 24 novembre sur Atlantico.

L’un des enjeux les plus importants des prochains scrutins – en particulier la présidentielle – est hélas aussi l’un des moins glamours. C’est celui de la dette qui monte, qui monte,inexorablement, sans relâche, sous tous les gouvernements, de droite comme de gauche, en période de croissance comme en récession. Les mauvais augures en ont tellement parlé que plus personne n’y prête attention. Qui peut imaginer la France en faillite ? Jamais, pensez-vous ! Et pourtant, la dette grimpe et elle grimpe dangereusement.

Le jour où nous serons pris à la gorge par nos créanciers, ce sera un vrai cauchemar pour tous. L’histoire – particulièrement en Europe – nous montre que les crises d’insolvabilité se terminent souvent mal.

Si nombre de Français se sentent écrasés par les impôts et les taxes, ils n’imaginent pas que leurs efforts nous laissent très loin du compte. L’Etat vit très largement au-dessus de leurs moyens. Il dépense à crédit cette année depuis le 9 novembre – et ce, jusqu’au 31 décembre – selon l’Institut Molinari. En clair, chaque fois que les administrations publiques dépensent 100 euros, le découvert augmente de 15. Supérieure à 2.150 milliards d’euros, la dette publique approche des 100% du PIB qu’elle va dépasser dans les prochains mois. Le compteur tourne rapidement pour ce qui n’est que la partie émergée de l’iceberg.

La dette invisible de l’État – dite « hors bilan » – est encore plus importante. Elle intègre les nombreux engagements à venir, par exemple les retraites de la fonction publique dues et non compensées par des cotisations futures. Elle apparaît discrètement dans divers rapports : celui de Michel Pébereau en 2005 ou, plus institutionnel, celui de la Cour des comptes qui l’estimait proche de 150% du PIB, soit 3.100 milliards à ajouter, de façon à atteindre le total de 4.923 milliards ! Chaque habitant porte sans le savoir plus de 80.000 euros de dette à la louche. Vous croyez payer trop d’impôts ? Ce n’est rien à côté de ce qui vous attend pour rembourser cette dette colossale.

Elle est d’autant moins perceptible qu’elle ne coûte pas cher en intérêts : 44.5 milliards « seulement » cette année. C’est en partie grâce au travail de la BCE qui a écrasé artificiellement les taux d’intérêt en faisant massivement tourner la planche à billets ces dernières années. Elle a déjà imprimé pour 10.000 euros d’argent neuf – ne correspondant à aucune création de richesse – par habitant de la zone euro pour acheter elle-même avec cette « fausse monnaie » une grosse partie de la dette visible. Qu’une institution publique achète de la dette publique avec de l’argent fabriqué ex-nihilo ne semble hélas choquer personne. En tout cas personne au sein de la classe politique. Ce laxisme a favorisé leur culture de l’immobilisme. Les élus peuvent ainsi continuer à pouvoir acheter leurs électeurs à coup de cadeaux électoralistes – pardon, de promesses électorales – financés à crédit et repris par la BCE dans son bilan.

Ce jeu de bonneteau monétaire ne durera pas éternellement, sauf à changer les statuts de la BCE et à faire de l’euro une devise aussi crédible que celle d’un pays en voie de développement. Les taux remonteront un jour et la fête s’arrêtera brutalement pour les gouvernements dépensiers comme le nôtre – alors que le gouvernement allemand profite de sa croissance pour réduire sagement sa dette à elle. L’élection de Donald Trump illustre bien la fragilité du niveau artificiellement bas de nos taux d’intérêt. L’euphorie qui a suivi – boost de croissance attendu du choc fiscal et des déréglementations promis – a fait bondir les taux américains et, mécaniquement les taux européens. Un événement à quelques milliers de kilomètres de chez nous a presque doublé le taux de nos obligations à 10 ans bien de chez nous, de 0.45% environ à presque 0.90% avant de redescendre aux alentours de 0.75%. Si cette minuscule hausse nette de 0.30% s’appliquait à l’intégralité de la seule dette visible française, elle engendrerait un trou fiscal de 6 milliards d’euros en année pleine.

Ne nous leurrons pas. Cette bulle financière ne durera pas éternellement. Personne ne peut prédire d’où viendra le déclencheur de la remontée des taux – dégradation de la notation de la France, drame politique national ou européen… -, ni quand elle arrivera. Tant que la musique tourne, les gouvernements dansent. Lorsque les taux grimperont, ils ne le feront pas de 0.30% ou de 0.50% mais probablement de 2, 3 ou 4% en quelques semaines, au mieux quelques mois, ils plomberont le budget des administrations publiques de dizaines de milliards d’intérêt supplémentaires à régler à des créanciers anxieux. Ce sera un krach brutal qui nous prendra tous de court. Les économistes nous diront qu’ils l’avaient bien prédit (mais ils l’ont gardé pour eux). Bercy acculé devra réaliser des arbitrages – coupes sombres – considérables dans la panique pour pouvoir régler (ou non) les salaires des fonctionnaires.

L’urgence consiste donc à résorber cette menace. Il y a trois manières principales de le faire. Disons tout de suite que la première, l’augmentation de la fiscalité, est une impasse. La saturation fiscale des Français est telle que toute nouvelle hausse découragera l’activité et affaiblira les recettes qui en découlent, comme l’illustre bien la fameuse courbe de Laffer. Sans parler des révoltes du type « bonnets rouges » qu’elle susciterait. La deuxième, baisser les dépenses publiques, s’annonce aussi douloureuse que nécessaire. L’Etat français et ses dépendances dépensent 57% du PIB contre 44% en Allemagne (presque 300 milliards d’euros d’écart à notre échelle). C’est le taux le plus élevé de la planète derrière le Danemark, Cuba, la Corée du nord et quelques îles du Pacifique. Le régime drastique que nous devrions imposer à l’Etat exige de réviser son périmètre et son organisation pour le recentrer sur ses missions strictement régaliennes et améliorer la productivité de ses administrations. L’Etat providence doit refonder l’architecture de la protection sociale et en réduire le coût. Il ne s’agit pas de diminuer le nombre de professeurs, de policiers, de médecins ou de militaires mais de les faire travailler autrement et, surtout, de s’attaquer à la bureaucratie considérable qui les enserre et asphyxie le pays.

La troisième voie, la plus simple et la moins difficile – à part buter sur l’idéologie d’étatistes indécrottables -, c’est de ne plus rester le cancre européen de la croissance et de l’emploi. En libérant les rouages de l’activité, nous retrouverons une la croissance forte qui présentera le double avantage de faire reculer les dépenses sociales – baisse du chômage et de l’exclusion -, et progresser les recettes fiscales tirées des ménages plus dépensiers et des entreprises qui recommencent à investir, à sortir de bons résultats et à embaucher.

Au contraire, les relances par la dépense publique et l’embauche de fonctionnaire ont toute failli et mené leur pays à la catastrophe. Les recettes de la croissance sont universellement libérales. Aucun pays n’a fait exception.

Ce dernier axe ne coûte quasiment rien aux contribuables. La baisse et la simplification de la fiscalité, en particulier sur le capital productif, peut accroître le déficit à très court terme avant de le réduire avec une ampleur plus grande par les bénéfices issus de cet investissement. Mais toutes les autres mesures pro-croissance sont indolores pour le budget de l’Etat. Tailles dans les réglementations qui justifient la bureaucratie – contrôle, encadrement, sanctions – sans réelle valeur ajoutée pour les citoyens et les consommateurs, abolition des rentes -monopoles et professions protégées -, substitution du contrat à la loi autant que possible, en particulier en matière de réglementations du travail. Etc.

Chaque électeur a une responsabilité pour éviter le scénario catastrophe. Celle d’exiger des candidats un programme qui s’attaque clairement au cancer de la dette. Sa résorption repose sur davantage de liberté et de confiance dans notre société. La France ne pourra rester bureaucratique et jacobine si elle veut retrouver une dynamique capable de restaurer la cohésion sociale… et chasser ses vieux démons autoritaires qui ne nous promettent rien de bon. Ceux qui suivent les finalistes de la primaire des Républicains doivent s’affranchir des débats sociétaux stériles actuels. Ni l’un, ni l’autre ne sont de grands défenseurs des libertés individuelles. Aucun ne s’est opposé à la loi LOPPSI 2, renseignement ou au fichier biométrique TES récent. En revanche, seul l’un des deux propose un projet ambitieux de libération de la croissance et de réduction de la dette. Il s’appelle François.

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre « Le grand contournement ».

L’Institut économique Molinari

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