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La taxe correctrice, un argument rhétorique

Texte d’opinion publié le 15 novembre 2016 dans La Tribune.

On a beau chercher, il n’est pas toujours facile de trouver la moindre cohérence dans la création ou l’augmentation des taxes, si ce n’est qu’on fiscalise en priorité ce qui suscitera le moins de réactions et passera le plus inaperçu.

Le projet de Loi de finances de la Sécurité sociale crée une nouvelle contribution à la charge des fournisseurs de tabac, tandis que le gouvernement propose d’augmenter la taxe dite « attentat ». Que peuvent bien avoir en commun ces deux taxes et que révèlent-elles à propos de nos habitudes fiscales ?

La « taxe attentat » n’est pas nouvelle. Elle a été créée pour abonder le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions créé en 1986. Le fonds n’a jamais été autant sollicité avec les événements tragiques ayant frappé la France au cours des deux dernières années. D’où l’idée de faire passer la taxe qui pèse sur tous les contrats d’assurance couvrant des dommages aux « biens » de 4,30 euros à 5,90 euros.

Une taxe sur le chiffre d’affaires

La contribution à la charge des fournisseurs de tabac est nouvelle, mais sa création s’inscrit dans un processus maintenant bien ancré de taxation des produits du tabac. Contrairement à ce qui se fait ordinairement avec une augmentation des taxes sur les cigarettes, la nouvelle contribution va porter sur les fournisseurs agréés, les grossistes-distributeurs en tabac. Elle prendra concrètement la forme d’une taxe sur leur chiffre d’affaires, fixée à 5,6%.

L’une et l’autre de ces taxes ont suscité la désapprobation. La première passe relativement mal auprès des Français. Selon un sondage Tilder-LCI -OpinionWay, 67% des personnes interrogées se disent opposées à l’augmentation de cette contribution forfaitaire. La seconde taxe a suscité des réactions chez les fournisseurs agréés. Elle a aussi fait l’objet de lettres de protestation du Medef, de la Confédération française du commerce de gros et international (CGI) et de l’Amcham (Chambre de commerce américaine).

Si les raisons invoquées sont dans chaque cas spécifiques, il n’en demeure pas moins que l’objet principal de la contestation relève du trop-plein fiscal. « C’est bien l’augmentation d’une nouvelle taxe que rejette la plupart des Français », commente pour LCI Marek Kubista, directeur d’études à Opinionway. Quant aux différentes fédérations, elles soulignent pour l’une « le poids que fait peser sur l’activité des entreprises françaises la multiplication de taxes ou contraintes à visée plus ou moins comportementaliste » ; pour l’autre le fait que « toute nouvelle taxe irait à l’encontre de l’objectif de compétitivité et d’attractivité de la France. »

Freiner la distribution du tabac

Voyons maintenant si une certaine logique peut expliquer la mise en œuvre de ces taxes. S’agissant du tabac, c’est en théorie simple. Les fumeurs coûteraient plus cher que la moyenne à la branche maladie de la Sécurité sociale. Cette nouvelle taxe serait un moyen supplémentaire de freiner la distribution du tabac. Elle limiterait les situations où la collectivité doit faire face, via la Sécurité sociale, à des surcoûts liés à des choix individuels. Elle permettrait d’éviter que l’imprévoyance ou le court-termisme des uns ne pénalise les autres.

Est-ce que l’argument est transposable à la taxe « attentats » ? Non, bien au contraire. Si l’on accepte le raisonnement qui précède, on ne devrait pas augmenter la fiscalité sur l’assurance. La théorie économique nous apprend que renchérir le coût d’un bien peut nuire à sa consommation. Et ce qui est vrai pour le tabac, l’est aussi pour l’assurance. Renchérir le coût des polices d’assurances, même obligatoires, c’est donc risquer de créer une situation où la consommation d’assurance sera freinée et sous-optimale. Rendre la prévoyance plus onéreuse – au nom de la solidarité nationale dans un contexte sécuritaire tendu – relève d’un court-termisme imprévoyant.

Aucune rationalité

En bout de ligne, on comprend bien que ces taxes ne sont pas mises en place au nom d’une quelconque rationalité. Elles visent avant tout à combler des déficits qui dérapent.

Dans une telle situation, le recours à la fiscalité ne peut apparaître que comme un pis-aller. Il apparaît de plus en plus évident que la créativité dont font preuve nos gouvernants en la matière n’a d’égale que leur incapacité à mettre en œuvre des réformes structurelles.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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