Dans les médias

Le glyphosate, une nouvelle illustration de la démocratie des crédules ?

Texte d’opinion publié le 29 juillet 2016 dans La Revue parlementaire.

Depuis plusieurs mois, la molécule glyphosate fait l’objet d’une grave controverse. Brevetée dans les années 1970 comme substance active de l’herbicide Round-up, ce dernier est devenu l’un des désherbants les plus vendus au monde. Il a été évalué à de nombreuses reprises par diverses instances réglementaires qui ont conclu de façon constante qu’il représentait un faible risque pour la santé humaine.

Mais la polémique a commencé en mars 2015 avec une étude du Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), dépendante de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui identifiait un risque cancérogène. Certes, une étude plus récente réalisée par ce même organisme et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a jugé « peu probable » que le glyphosate soit cancérogène « chez les humains qui y seraient exposés par l’alimentation ». De même l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) juge le risque cancérogène « improbable », mais le doute est là.

Au final, l’homologation du glyphosate arrivant à expiration fin juin est remise en cause dans le cadre notamment d’une vaste campagne de dénigrement sur les réseaux et dans les médias.

Dans son ouvrage La Démocratie des crédules, Gérald Bronner explique comment l’Internet a révolutionné le marché des idées et comment – notamment sur les questions scientifiques – il tend à créer une société d’hypocondriaques.

Pour comprendre le processus à l’œuvre, il prend quelques exemples emblématiques d’hypothèses douteuses comme l’astrologie ou l’existence du monstre du Loch Ness et mesure les avis sur les 30 premiers sites consultables sur le Net. Dans chaque cas, il montre que si on ne prend en compte que les sites qui prennent position, 70 % d’entre eux présentent des arguments en faveur de ces croyances qu’on sait pourtant sans réel fondement.

J’ai donc voulu tester la chose sur le thème du glyphosate. Pour ce faire, j’ai entré le terme « glyphosate » dans le moteur de recherche Google et consulté les 30 premiers sites proposés, en éliminant ceux qui correspondaient à des sites de vente. Le résultat est étonnant par son exactitude. Sur 30 sites consultés, 8 sont neutres, 16 présentent des arguments favorables à l’interdiction et 6 seulement offrent des arguments favorables à l’utilisation de cette substance. Ainsi, 72 % des sites qui prennent position dénigrent le glyphosate. Ils sont liés en général à des organisations ou des personnes qui font campagne contre les pesticides.

Le cas du glyphosate semble ainsi exemplaire de ce que décrit Gérald Bronner, à savoir que des rumeurs qui autrefois restaient confinées à de petits groupes, peuvent maintenant prendre de l’ampleur. Elles arrivent à se diffuser à la vitesse des réseaux sous les effets d’une part, de la massification de la diffusion et de la disponibilité de l’information (la quantité d’informations produites sur les réseaux est devenue incommensurable) et d’autre part, l’accès libre au marché public de l’information. Tout le monde peut s’exprimer sur Internet.

Pour Bronner, ce que l’on trouve aujourd’hui sur les réseaux n’est pas représentatif de l’opinion publique, mais seulement de ceux qui s’y expriment le plus fort. Le bruit des plus motivés à savoir des militants et des croyants y est assourdissant. Les croyances s’expriment dans un silence presque total de la part de ceux qui pourraient présenter des arguments contraires mais qui ne le font pas, sans doute par manque de motivation et de temps. Et c’est ainsi que certaines croyances peuvent l’emporter sur d’autres. Non parce qu’elles ont prouvé leur véracité, mais parce qu’elles ont su se rendre plus visibles et convaincre les indécis.

Une bataille se déroule sous nos yeux. La multiplication des interdictions au nom du principe de précaution va à l’encontre d’une gestion raisonnée du risque, faisant appel au principe de responsabilité de chacun. C’est notamment le cas lorsque les acteurs économiques sont incités à prohiber certaines substances et à les remplacer par d’autres, sur lesquelles ils ne bénéficient pas du même recul.

Il est crucial que le monde scientifique, les intellectuels mais aussi les producteurs ou consommateurs prennent leurs responsabilités. Ce serait une erreur de baisser les bras et de laisser les discours alarmistes et anxiogènes proliférer en renonçant au travail de pédagogie des idées.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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