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Helicopter Money… le lobbying commence !

Texte d’opinion publié le 14 juin 2016 dans La Tribune.

Que la Banque centrale européenne puisse relancer la croissance en alimentant directement les comptes des particuliers – Helicopter money -, voilà une idée populiste de plus!

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que l’idée d’Helicopter Money soit reprise et appropriée par différents groupes de pression. La Fondation Nicolas Hulot vient de proposer d’utiliser la création monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) pour financer la transition écologique ainsi que l’exclusion sociale. C’est le résultat de la position de faiblesse dans laquelle se retrouve la BCE aujourd’hui. Dans un contexte où le secteur bancaire et financier est décrié et où la reprise économique se fait attendre, les propositions les plus démagogiques sont permises. Preuve du faible ancrage théorique des politiques économiques menées. Face à un vide intellectuel tout est permis…

Les banques centrales désorientées, créent un terreau favorable

Dès lors qu’on laisse s’installer l’idée que la politique monétaire pourrait aller plus loin encore – alors qu’elle est déjà sans doute allée trop loin- sans résultats probant – , il n’est pas surprenant de voir fleurir des propositions dans ce sens. La BCE a clairement fait état de son intention de cibler davantage son programme de rachats de crédit. Elle a lancé d’ailleurs le 8 juin son programme de rachat de dettes d’entreprises. N’oublions pas que Mario Draghi a précisé à diverses reprises que la BCE étudiait les moyens d’aller plus loin dans l’espoir que l’économie finira par réagir positivement à ses actions.

Comme le seul rachat d’actifs publics pourrait ne pas suffire à faire réagir le secteur privé, la BCE va essayer de stimuler plus directement le secteur privé sans attendre la reprise du crédit par le canal traditionnel des banques. Par ailleurs, lorsque l’idée d’ « helicopter money » a été lancée, plutôt que de balayer d’un revers de main cette proposition, Mario Draghi a répondu que l’idée était intéressante.

Le concept d’ « helicopter money » tel qu’il a été présenté, veut court-circuiter les banques en créditant directement le compte des particuliers. Il ne faut pas oublier que le seul impact jusqu’à aujourd’hui de la politique de QE est sur les marchés financiers… Les marchés et les banques à l’origine de la crise seraient donc aujourd’hui les seuls bénéficiaires de cette politique de QE… l’idée est tout simplement insupportable. Dans un contexte politique où le populisme bat son plein, il n’est pas étonnant que des groupes comme « QE4the people » se forment. En effet, rendons l’argent au peuple ! Une version revisitée de la Révolution Française… ?

Une idée fausse et dangereuse

L’erreur sans doute la plus grave de nos dirigeants est d’avoir fait croire que la banque centrale a constamment voulu faire croire qu’elle pouvait résoudre la crise économique… Présomption fatale… La banque centrale n’a jamais eu pour mission de résoudre une crise économique, elle ne crée rien en termes d’activité économique. Elle détermine et oriente les taux d’intérêt à court et long terme et par sa politique de rachat d’actifs, elle a une influence sur leur prix. En aucun cas la banque centrale ne peut se substituer aux milliers d’entreprises qui prennent des décisions tous les jours pour développer leur activité. Elle influence leur décision de financement à travers les taux d’intérêt et le prix des actions et des obligations.

Si l’objectif est de restaurer l’activité économique, la banque centrale devrait se contenter d’intervenir le moins possible pour éviter de créer des incertitudes permanentes sur sa prochaine action. L’incertitude et la volatilité sont les ennemis de la décision économique. En outre, l’activité économique n’est pas uniquement contrainte par son financement. Si l’on prend le cas de la France, il suffit de voir la complexité du marché du travail pour comprendre que la BCE n’a pas de prise sur ce sujet. La banque centrale est responsable des dérives sur les possibles moyens de son action. Elle n’aurait jamais dû laisser croire qu’elle avait des moyens d’action réelle.

Alors pas étonnant qu’aujourd’hui Nicolas Hulot et demain bien d’autres vont venir expliquer à la banque centrale ce qu’elle pourrait faire de mieux pour l’économie et le bien de tous !…Le populisme monétaire a de beaux jours devant lui !

Nathalie Janson est chercheure associée à l’Institut économique Molinari.

Nathalie Janson

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