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La baisse des dépenses publiques ne doit pas rester un vœu pieu

Texte d’opinion publié le 18 avril 2016 dans Les Échos.

Depuis la crise de 2008 et l’explosion de la dette publique, qui dépasse en France les 95% du PIB, le discours sur la baisse des dépenses publiques a gagné du terrain. Mais il reste à ce stade un vœu pieu en France. Au-delà de l’impuissance des politiques monétaires, incapables de relancer la croissance, et de la difficulté de faire passer des réformes structurelles, on voit monter en puissance des projets risquant d’être extrêmement coûteux. Loin de nous en étonner, nous devrions, au contraire, chercher à comprendre le pourquoi de cette dynamique.

Chaque jour, on voit apparaître de nouvelles idées de dépenses qui, du fait de leur coût potentiel respectif, devrait être mises de côté. Or, loin d’être bloquées dans leur élan, elles gagnent progressivement du terrain.

Ainsi, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui revient périodiquement sur le devant de la scène depuis 1966, est en passe de devenir réalité alors que son coût probable est prohibitif. En 2012, le Conseil des prélèvements obligatoires estimait qu’une telle mesure coûterait aux entreprises entre 1,3% et 3,5% des sommes collectées, soit une facture de 700 millions d’euros à 2 milliards par an. Peu importe le coût financier, ou le report du débat parlementaire, cette mesure avance inexorablement. Elle devrait être en vigueur au 1er janvier 2018.

Autre sujet qui redevient d’actualité, le rachat des rentes. Il s’agit de payer ceux qui bénéficient de privilèges ou veulent en bénéficier et du coup bloquent les réformes. Au-delà de la question de savoir si une telle façon de faire est efficace pour réaliser des réformes structurelles, la question du coût ne peut pas laisser indifférent. En effet, dans le cas des taxis, le rachat de toutes les licences est évalué à 4,4 milliards par une étude de Terra Nova. Certes il pourrait être financé par la « profession », mais on sait tous que c’est le consommateur qui paiera la facture in fine.

Le projet de revenu universel fait lui aussi parler de lui et ne cesse de gagner des partisans, à droite comme à gauche. L’idée d’un revenu universel présente clairement des avantages, cette démarche moins paternaliste permettrait de réduire l’emprise de l’Etat. Reste que le coût de la réforme sera probablement prohibitif, sauf à l’atténuer et à en réduire les bénéfices. Si on fixe le revenu minimum à 1 000 euros par mois et qu’on le verse au 66 millions de Français, on arrive à un montant de 792 milliards, soit pas loin de 70% du montant des dépenses publiques actuelles. A côté de cela la promesse faite par Manuel Valls d’une « garantie jeunes universelle » peut apparaitre comme une bonne affaire. Coûtant de l’ordre de 5 milliards si elle était généralisée aux jeunes pouvant en bénéficier, elle apparait comme un moindre mal, mais est-ce bien sérieux ?

Ces projets de dépenses nouvelles pleuvent et peuvent évidemment surprendre dans un pays légitimement considéré comme surendetté. N’avons-nous pas atteint la limite du possible de ce côté-là ? De fait, il est tentant de considérer que ces milliards de dépenses nouvelles seraient des moyens de relancer l’économie. Car la France – comme de nombreuses autres économies occidentales – est en proie à une crise qui n’en finit plus. La croissance refuse de repartir, les entreprises investissant moins que par le passé. Plus encore, au sein de la zone euro, elles se désendettent et assainissent leur bilan pour résorber leur surendettement des dernières années.

Face à ce phénomène, contre lequel les politiques monétaires achoppent, la tentation est forte de laisser l’Etat jouer un rôle encore plus grand. Un Etat dépensier, producteur, actionnaire se substituant encore davantage aux acteurs privés ne serait-il pas la solution ? Malheureusement, l’histoire économique nous a montré à plusieurs reprises que ce n’est pas si simple. On ne guérira pas notre économie en donnant un rôle accru à la puissance publique, d’où l’importance de mener à bien les réformes structurelles, seule vraie alternative aux politiques monétaires et budgétaires inopérantes.

Nous souffrons d’un surendettement privé et public qu’il faut assainir le plus rapidement possible afin de redonner de l’oxygène aux acteurs privés et ainsi relancer la croissance. Si on fait le choix au contraire, d’encore plus d’Etat, nous nous condamnons à une asphyxie économique lente.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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