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Lobby environnemental contre lobby de l’huile de palme : 3e round fiscal

Texte d’opinion publié le 15 mars 2016 dans La Tribune.

Après deux manches perdues par le lobby environnemental, il se pourrait bien que ce dernier sorte gagnant dans le bras de fer fiscal qui l’oppose au lobby de l’huile de palme. Retoquée en 2013 dans le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale et en 2015 dans le projet de loi sur la modernisation de la santé, la « taxe Nutella » pourrait être votée dans le cadre d’un amendement au projet de loi sur la biodiversité.

Ce serait une belle victoire pour le lobby environnemental qui mène la vie dure à l’huile de palme depuis de nombreuses années et une défaite pour les principaux producteurs de cette huile. A dépeindre les choses ainsi, on pourrait presque croire qu’il s’agit d’un simple divertissement. Mais le pouvoir d’achat des consommateurs pourrait être grevé pour cette nouvelle taxe, entrant en contradiction avec la pause fiscale promise par le président Hollande, sans pour autant préserver l’environnement.

Campagnes sensationnalistes

La taxation de l’huile de palme serait la consécration de campagnes de dénigrement lancées contre elle depuis 2010 par des organisations comme Greenpeace, les amis de la Terre ou WWF. Grâce à des vidéos provocantes, des études et des évaluations des pratiques d’achat d’huile de palme de plus d’une centaine d’enseignes, ces ONG ont réussi à infléchir la politique d’achat de nombre d’entreprises. Ces campagnes sensationnalistes ont conduit à l’émergence d’un label « sans huile de palme » qui bien avant la taxe, a laissé entendre que l’huile de palme était nocive. Travaillée ainsi par cet activisme, l’opinion publique tend à approuver des politiques réglementaires et fiscales qui encadrent la production et la commercialisation de cette huile végétale.

Productivité élevée

Seulement, ce n’est qu’une partie de l’histoire et, comme souvent, cela vaut la peine de raconter l’autre partie. L’élément sans doute le plus intéressant concernant la culture de l’huile de palme, c’est sa productivité élevée. Selon le rapport Oil World 2015, l’huile de palme produit une moyenne de 3,99 tonnes d’huile/hectare, bien plus que les 0,39 tonnes du soja et aux 0,75 tonnes du colza. En d’autres termes, le palmier à huile produit dix fois plus de matière grasse par hectare que le soja, et cinq fois plus que le colza. Le palmier à huile nécessite également beaucoup moins d’engrais, de pesticides ou de carburant par unité produite que le colza et le soja. Au final, il fournit trois fois plus d’huile toutes choses égales par ailleurs par unité d’intrant.

En quoi ces chiffres présentent-ils un intérêt ? C’est qu’ils indiquent que cette culture permet d’économiser des terres et des intrants. Et qui dit économie, dit aussi biodiversité préservée. Selon le professeur Hereward Corley, avec 9,2 milliards d’êtres humains consommant au moins 25 kg d’huile végétale par personne et par an d’ici 2050, la demande mondiale totale serait de 240 millions de tonnes, soit environ 40 % de plus qu’actuellement. Pour satisfaire à ce surcroît de demande, il faudrait que 12 à 19 millions d’hectares soient consacrés à la production d’huile de palme, ou bien que 95 millions d’hectares soient consacrés à la production de soja. Bien sûr, une telle production de soja exigerait non seulement des surfaces agricoles beaucoup plus étendues, mais également des volumes d’engrais, pesticides, eau et carburants bien supérieurs.

Dossier complexe

In fine ce dossier s’avère plus complexe. L’huile de palme n’est pas ce monstre environnemental qu’on veut nous dépeindre. Ce sujet ressort sans doute à nouveau pour des raisons fiscales. Les pouvoir publics sont à la recherche de recettes et certains prétendent que la fiscalité des huiles, fort complexe, favoriserait l’huile de palme. Les intérêts du trésor public et des lobbies environnementaux convergent, mais la réalité est bien plus prosaïque : il est impossible de montrer que cette nouvelle hausse de taxe préserverait l’environnement.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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