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N’oublions pas qu’il appartient à chacun

Texte d’opinion publié le 17 février 2016 dans L’Agefi.

Le constat est maintenant connu de tous, nous vivons en France une période de dérapage public inédite en temps de paix. Il n’y a pas eu de budget équilibré depuis 1974 et ce n’est en aucun cas du à une baisse des recettes publiques. Rapportées au PIB, les recettes sont passées de 43,2% du PIB en 1978 à 53,6% en 2014, soit une hausse de 24% en 37 ans. La multiplication des déficits est due à une augmentation, encore plus rapide, des dépenses publiques. De 44,9% du PIB en 1978 elles ont grimpé à 57,5% en 2014, soit une hausse de 28%.

Depuis des décennies, les pouvoirs publics français ont donc laissé filer les dépenses. Dans le même temps, ils ont augmenté les recettes publiques, à un rythme insuffisant pour équilibrer les comptes publics, mais suffisant pour que la France caracole en tête des baromètres mesurant le poids de la fiscalité. Cette double dérive devrait conduire à s’interroger sur cette immense dissipation de l’argent public.

Notons que ce concept d’argent public est un concentré d’ambiguïtés. Dans l’idéal, il s’agit de l’argent mis volontairement en commun pour financer des projets collectifs qui profiteront à tous. Mais, derrière l’argent public peut se cacher des calculs bien moins consensuels. L’argent public peut devenir la partie de notre revenu qui sera prise pour financer les priorités des autres ou, dans l’autre sens, l’argent qui sera prélevé sur les autres pour servir nos priorités. Difficile à contrôler, l’agent public a toute une série de soutiens. Il est perçu comme un remède lorsque la conjoncture est mauvaise selon la tradition économique keynésienne. Il est aussi un enjeu pour tous les groupes de pression qui pensent que la redistribution des richesses est la priorité ou ont développé des activités liées à la manne publique.

Cette notion d’argent public, l’argent de tout le monde et de personne, est devenue la porte ouverte à tous les dérapages. Elle s’est banalisée à l’extrême au point que nous pouvons avoir l’impression de nous être affranchis de la contrainte de rareté. L’argent public apparait comme un puits sans fonds, dans lequel il serait permis de ponctionner sans fin. Nous avons cessé de voir la signification réelle du terme, à savoir que l’argent public ne pousse pas dans les arbres mais que c’est notre argent. L’argent public, c’est le pouvoir d’achat ou l’épargne qui nous manque.

Résultat le fonctionnement de la sphère publique dépend de plus en plus d’anticipations de rentrées fiscales futures. La valeur du patrimoine de l’Etat français, déduction faite de la dette publique, était d’un peu moins de 17% du PIB fin 2014. Et, c’était sans tenir compte des engagements de retraite de l’Etat vis-à-vis de ses personnels, qui représentaient 73% du PIB selon la Cour des Comptes. Le Trésor Public, qui n’a de trésor que le nom, est devenu un assemblage de dettes. Alors se posent deux questions. Combien de temps cela va-t-il encore fonctionner et comment solder ces années de gabegie ? Le fonctionnement des administrations publiques dépend intimement de l’activité de l’agence France Trésor, qui émet de nouvelles dettes pour rembourser les précédentes et financer nos nouveaux dérapages. Si cette dynamique se grippe, comme ce fut le cas il y a quelques années pour plusieurs européens, quelle sera l’issue ? Comment réagira l’opinion publique et quelle sera la réaction des générations futures à l’égard de nos errements financiers ? Nos enfants vont hériter d’une dette colossale et d’un système démocratique générateur de dérapages financiers. Ils devront l’assumer dans un contexte de croissance faible, dans un pays victime d’une multitude de points de blocages, chacun étant attaché à ses avantages sans comprendre qu’ils conduisent à l’appauvrissement collectif.

Il est donc urgent de se réapproprier l’idée que l’argent public n’existe pas et que la contribution de chacun à la dépense publique doit être utilisée avec parcimonie. C’est un devoir moral et la seule façon d’alléger le fardeau qui pèsera sur les générations futures.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari (IEM), et auteure de Trop tard pour la France, Osons remettre l’État à sa place (les Belles Lettres), et Nicolas Marques est chercheur associé à l’IEM.

Cécile Philippe

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