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10 ans pour changer la France – La fin de l’État stratège

Article d’Émilie Vidaud publié dans l’édition de février du magazine Décideurs.

Depuis dix ans, l’exécutif se débat : l’argent public coule à flots pour endiguer la désindustrialisation et les plans stratégiques se sont multipliés pour faire éclore un Google made in France. Sans succès. Et si le rôle de l’État se limitait désormais à ses fonctions régaliennes ? Analyse.

C’est acté. En entrant au capital de PSA aux côtés du chinois Dongfeng, l’État français ressort du placard son costume de stratège. Et pour trouver la trace de son intervention directe au capital d’une grande entreprise industrielle, il faut rembobiner le film au sauvetage d’Alstom, dix ans plus tôt. De quoi s’interroger. L’État français a-t-il jamais été un vrai entrepreneur ? Doit-il combler les lacunes du privé ? Façonne-t-il les marchés d’avenir et stabilise-t-il les investissements de long terme quand les marchés financiers privilégient le court terme ?

En arrivant au pouvoir, François Hollande n’a pas été épargné. Les fermetures d’usines comme PSA à Aulnay se sont multipliées et l’exécutif a dû jouer au pompier de service pour tenter d’éteindre les incendies de Florange, Petroplus, Kem One, Rio Tinto et ArcelorMittal. Dans l’urgence, difficile de dessiner une trajectoire pour accroître la performance des entreprises nationales. Difficile, aussi, de créer une synergie entre les petites et moyennes entreprises, les centres de recherche et les grands groupes industriels. Difficile, enfin, de planifier le développement économique par l’innovation.

L’attractivité a du plomb dans l’aile

Résultat, faute d’orientations structurantes sur le long terme, l’attractivité de l’Hexagone a pris du plomb dans l’aile. Les investissements directs à l’étranger (IDE) entrants sont en chute libre depuis 2007. La part de la France dans le commerce mondial recule d’année en année, passant de 6,5 % en 1999 à 3 % aujourd’hui. En 2014, la croissance du pays est toujours atone (0,4 %), le déficit record (4,4 % du PIB) et le chômage élevé, au-delà de la barre symbolique des 10 %. Voilà pourquoi, début 2015, personne n’a sursauté quand la France s’est vu rétrograder sixième puissance économique mondiale derrière le Royaume-Uni.

Pourtant, l’État entrepreneurial investit des sommes colossales. Ces dernières années, il y a eu le FSI, le grand emprunt, les investissements d’avenir, les pôles de compétitivité, le crédit impôt recherche… En septembre dernier, François Hollande a présenté 34 plans d’action pour défendre l’industrie. À la clé, 3,5 milliards d’euros mobilisés autour de projets porteurs comme le TGV du futur, l’avion électrique ou les nanotechnologies. Si les calculs de Bercy sont bons, ces plans permettraient au pays de produire 45,5 milliards d’euros de valeur ajoutée supplémentaire d’ici à dix ans et d’exporter 17,9 milliards de plus. Sans compter la création et la sauvegarde de 475 000 emplois. Alors, énième plan stratégique ou vrai retour de l’État stratège comme de Gaulle avait su le bâtir avec succès dans le nucléaire et l’aéronautique ?

Déverrouiller la France

Colbertisme décomplexé, patriotisme économique, protectionnisme made in France, vigilance patriotique… Du rapport Thévenoud sur les taxis et les VTC en passant par le décret Montebourg, l’État distribue ou casse des privilèges et s’arroge le droit de s’opposer à des opérations de fusions-acquisitions dans un très grand nombre de secteurs. « La France a une tradition colbertiste qui n’est pas forcément mauvaise. Mais il faut être vigilant face à la politisation de certains dossiers. Cela peut avoir des conséquences négatives lorsque les négociations sont en cours. Et ce n’est jamais très sain quand les entreprises deviennent des instruments de la vie politique », met en garde Clara Gaymard.

La présidente de General Electric France sait de quoi elle parle. Le feuilleton Alstom a sorti de sa torpeur l’État stratège et ravivé la vigilance patriotique. Après quatre mois de rebondissements et de couacs interventionnistes, l’alliance entre General Electric et Alstom sera finalement scellée courant 2015.
Hasard de calendrier ou coïncidence, le gouvernement a récemment pris un timide virage social-libéral avec la loi Macron. Travail du dimanche, transport en autocar, sociétés d’autoroutes, prud’hommes, épargne salariale, seuils sociaux… L’objectif du locataire de Bercy est de déverrouiller la France. Mais le périmètre comme le contenu du projet ont déjà subi de nombreuses modifications.
Et si l’État français se lançait pour de bon sur la scène libérale, à quoi ressemblerait-il en 2025 ?

Générer des économies

Pour générer des économies, l’État pourrait renoncer à son rôle d’actionnaire. Parmi ses plus grosses participations cotées figure EDF (84,5 %), GDF Suez (33,6 %), ADP (50,6 %), Safran (22,4 %) et Airbus (11 %). Autant d’actifs qui trouveraient facilement preneurs. Leurs ventes seraient d’ailleurs presque sans impact pour l’économie française : ces participations ne représentent que 2 % de la capitalisation des entreprises cotées en France en 2012. L’abandon de l’État actionnaire rapporterait directement 110 milliards d’euros en cessions.

Mais la vraie mesure symbolique serait la suppression du ministère de l’Industrie français. L’existence de ce dernier fait en effet débat. Il est aujourd’hui sans équivalent dans de nombreux pays de l’OCDE comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Suisse. Et si l’on s’en tient aux retombées sur le budget de l’État, la disparition de cette administration pourrait rapporter 875 millions d’économies par an, auxquels s’ajoutent les montants des plans d’investissement coûteux engagés jusqu’alors. Outre les économies budgétaires, l’abandon du ministère de l’Industrie allégerait l’interventionnisme public : un signe fort pour les investisseurs étrangers.

L’épisode Dailymotion laisse à penser que les entreprises françaises n’ont pas réellement besoin de l’aide de l’État pour devenir des champions mondiaux. Une théorie défendue par Gaspard Koenig : « En soutenant les grandes entreprises notamment par des avantages fiscaux et la possibilité pour elles de négocier avec l’administration, l’État empêche le « mittelstand » français de se développer. L’exécutif devrait se contenter de mettre en place des conditions de marché équivalentes pour tous les acteurs. »

Et pour cela, mieux vaudrait supprimer la BPI, coupable de créer des distorsions sur le marché du private equity. L’institution bancaire entre en concurrence avec le privé en opérant avec les armes de la puissance publique. « Si BPIFrance n’est pas présente lors d’un tour de table, les autres investisseurs se posent la question de la qualité de la cible. L’État ne joue pas son rôle qui consiste à pallier les défaillances du marché, non pas de se substituer à lui », dénonce M. Koenig, convaincu que les Français, créateurs de 550 000 entreprises en 2014, sont prêts pour le changement. « Oser l’anticonformisme », c’est le message de Cécile Philippe, directrice de l’institut économique Molinari, qui invite la France à « reprendre la main sur ses retraites, ses emplois, ses innovations, et bien sûr ses libertés ».

L’Institut économique Molinari

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