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Quelles leçons tirer de l’échec de l’austérité au Portugal?

Texte d’opinion publié le 9 juillet 2013 sur 24hGold.

La toute récente démission du ministre des Finances portugais, Vitor Gaspar, est partout présentée comme une énième preuve de l’échec des politiques d’austérité. De fait, alors que le FMI prévoyait un retour de la croissance début 2013, accompagné d’un alignement du déficit public sur les critères européens, la récession portugaise devrait empirer cette année, et avec elle le déséquilibre du budget. Le problème est que l’on prétend en conclure que la réduction des dépenses publiques doit laisser place, en Europe, à des «politiques de relance». C’est-à-dire que, faisant l’amalgame entre la discipline budgétaire et les programmes d’austérité actuels, on exploite l’échec des seconds pour repousser à jamais la nécessaire réforme des États-providences européens.

Or, depuis 2011 et le plan d’aide de la Troïka, l’austérité portugaise a bien plus porté sur l’augmentation des prélèvements que sur la réduction des dépenses du gouvernement. Lors de la présentation du projet de budget 2013, Vitor Gaspar défendait ainsi d’« énormes hausses d’impôts » – représentant de fait 80% de l’ajustement fiscal prévu. Les dépenses publiques, elles, ont augmenté de 2 points de PIB par rapport à 2008.

Dans une large mesure, ce sont pourtant ces dernières qui sont responsables de la situation actuelle du Portugal. Celle-ci ne date ni de 2011, ni de 2008, mais de plus de 10 ans. Sur cette période, le pays a été en quasi stagnation, croissant de 0,7% en moyenne, le taux le plus faible des économies de la zone euro. Une des principales raisons en est l’importance du coût du travail pour les entreprises du pays, lequel grève l’emploi et la compétitivité internationale. Le taux de chômage officiel frôle aujourd’hui les 18% au Portugal, mais s’élevait déjà à 8% deux ans avant la crise financière ; et le pays se classe 49ème sur le plan mondial en termes de compétitivité, handicapé dans son classement par le fait que le gâchis de ressources par l’État y est jugé le plus grave (133ème sur 144).

Outre un coût unitaire du travail excessif, le Portugal souffre donc d’autres maux structurels, parmi lesquels un environnement peu propice à l’entrepreneuriat (notamment en termes de fiscalité sur les entreprises et d’entraves à la libre-concurrence dans les secteurs protégés), un marché du travail rigidifié par la protection avantageuse des « insiders », et un secteur public surdimensionné. Au Portugal, plus de 12% de la population active employée… l’est par l’État.

Le gouvernement actuel a bien essayé de remédier à cette partie du problème par une réforme du mode de financement de la protection sociale, ainsi que par une baisse des salaires dans la fonction publique. Mais, rejetée par l’opinion et annulée par la Cour Constitutionnelle du pays, aucune des mesures n’ont véritablement abouti.

L’histoire économique récente du Portugal est représentative de ce que l’on pourrait appeler la fatalité de l’État-Providence : la croissance des dépenses de l’État empêche celle de l’économie qui est censée les financer. D’où la logique de surendettement dont les effets sont les plus visibles dans ces pays de la zone euro où, au sortir d’une dictature, la démocratie sociale a voulu rattraper ses voisins sans en avoir les moyens productifs: Grèce, Portugal, Espagne.

Mais la France n’est pas à l’abri, et à moindre échéance qu’on ne le croit. C’est pour cela qu’il importe de ne pas se mentir et prétendre que les réformes de la protection sociale et de la fonction publique ne peuvent être que maléfiques. Si l’austérité portugaise entraîne le pays (comme tous ceux qui suivent la même voie, d’Athènes à Londres) dans un cercle vicieux récessif, c’est avant tout les hausses d’impôts qui sont en cause. Celles-ci sont rendues nécessaires par le niveau des dépenses publiques et par la grande difficulté à les limiter. Dans ce contexte, elles sont aussi la seule alternative à une catastrophe financière dont les conséquences ne seraient certainement pas plus désirables.

S’il est un appel à lancer face à l’échec des politiques d’austérité en Europe, l’urgence est donc, non pas aux « politiques de relance, » mais au contraire à la baisse des dépenses publiques, et plus profondément à la refonte du système entier qui les sous-tend.

On irait jusqu’à évoquer une « nouvelle révolution française ». Pour qui l’a oublié, la première fut une révolte contre l’impôt, la dictature réglementaire, et les privilèges, dans un contexte de surendettement de l’État…

Jérémie Rostan enseigne la philosophie et l’économie à San Francisco. Il est l’auteur, en plus de nombreux articles pour mises.org et Le Québécois libre, de guides de lecture aux travaux de Condillac et de Carl Menger, ainsi que d’un ouvrage, Le Capitalisme et sa Philosophie, et de la préface a la réédition de L’éthique de la liberté de Rothbard (Belles Lettres).

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