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Exclusivité – Bisphénol A : le gouvernement français serait-il allé trop vite ?

Texte d’opinion publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.

C’est bien connu en science : constater une corrélation ne signifie absolument pas qu’il existe un lien de causalité entre les phénomènes observés. Vous remarquez par exemple que le nombre de noyades augmente de pair avec le nombre de glaces vendu sur les plages. Il serait tentant de conclure que l’interdiction de consommer des glaces sur la plage pourrait sauver des vies humaines. En fait, un troisième facteur – à l’image du beau temps – pourrait très bien expliquer les deux phénomènes.

Ce cas de figure (simpliste à dessein) illustre pourtant assez bien ce qui se passe actuellement à propos du bisphénol-A (BPA).

À l’instar de nombreuses substances chimiques, le BPA n’est pas sans risques sanitaires dans l’absolu. De nombreuses études associent ainsi sa présence à de nombreuses maladies telles que le diabète de type 2, problèmes cardio-vasculaires, certains cancers, etc. Cette corrélation a été instrumentalisée par des groupes de pression et des hommes politiques dans leurs efforts visant à interdire le BPA.

Pourtant, plusieurs nouvelles études, présentées récemment à la conférence annuelle de l’American Association for the Advancement of Science, indiquent qu’une telle corrélation serait là-aussi trompeuse.

Dans l’une d’elles, le Professeur Richard Sharpe, expert en médecine reproductive de l’Université d’Edinbourg ayant étudié les effets du BPA, constate ainsi qu’aucune étude ne démontre que l’exposition au BPA serait la cause des maladies qu’on lui incrimine. Il pousse l’analyse plus loin en précisant que l’hypothèse d’une relation de cause à effet serait peu logique parce que « cela signifierait que le bisphénol-A est incroyablement puissant et toxique, ce qui n’est pas conforme aux études publiées ». Un mauvais régime alimentaire, i.e. la surconsommation de fast food par exemple, pourrait tout aussi bien, selon l’expert, expliquer l’obésité et le diabète constaté que la présence de BPA.

Une autre étude – commandée par l’Environmental Protection Agency (EPA) américaine et réalisée par une équipe rattachée au Département de l’énergie des États-Unis – va également dans ce sens. Fondée sur l’analyse de 150 études portant sur le BPA et sur la concentration de la substance chez 30 000 personnes dans 19 pays, elle conclut que l’exposition réelle de la population en général serait plusieurs centaines, voire milliers de fois, inférieure à celle qui causerait des effets toxiques tels que ceux que l’on observe chez les animaux et fondant la croyance en un lien entre BPA et diverses maladies.

Ces études remettent ainsi en cause – pour l’instant – la dangerosité du BPA dans les conditions d’utilisation réelle. Mais elles prouvent surtout qu’il n’existe pas de consensus scientifique sur le sujet. D’ailleurs, si un consensus existe en la matière, il conclut plutôt à l’innocuité du BPA qui a été régulièrement confirmée lors des évaluations par les différentes agences sanitaires dans le monde.

Les hommes politiques français auraient donc eu tort de se précipiter et d’interdire le bisphénol-A (BPA) de tous les contenants alimentaires pour 2015 et de ceux destinés aux enfants et aux femmes enceintes dès le début de cette année.

Ce ne serait pas si grave, si un tel « précautionnisme » précipité n’ignorait pas dans le même temps les bénéfices économiques du BPA. Et s’il n’était pas finalement dangereux pour la sécurité alimentaire et la santé des consommateurs.

En effet, utilisé depuis environ un demi-siècle, le BPA est présent dans de nombreux produits dont dépend notre niveau de vie, à l’image des résines époxy protégeant de manière optimale, sous forme de vernis, nos aliments et boissons. Or, ces vernis sont le seul « rempart » à l’heure actuelle contre des intoxications alimentaires, liées à des bactéries comme l’E. Coli ou le botulisme, une maladie paralytique grave pouvant causer la mort. Ce n’est pas du jour au lendemain que des substituts valables seront trouvés.

Le « zèle » des pouvoirs publics français pourrait bien obliger les consommateurs français à faire face à des produits plus chers, mais aussi à des risques accrus pour leur santé, liés à une sécurité alimentaire sous-optimale du fait de l’utilisation de substituts au BPA aux effets inconnus.

Valentin Petkantchin est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.

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