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La grande orgie de taxes continue : après la taxe soda, la taxe Nutella

Texte d’opinion publié le 9 novembre 2012 dans Le Figaro.

Le Sénat français vient de proposer une petite sœur à la taxe soda : bienvenue à la taxe Nutella. Cette nouvelle venue tombe à point, au milieu du débat sur la compétitivité des entreprises françaises. Les pouvoirs publics ne sont pas à une contradiction près quand il s’agit de régler les problèmes de santé et de combler des déficits qui pourraient bien se creuser encore davantage.

Car le gouvernement actuel a bien décidé d’atteindre son objectif de retour du déficit à 3% du PIB (critère de Maastricht oblige) en recourant à des augmentations d’impôts à hauteur des 2/3 des efforts à consentir. Comme les prévisions de rentrées fiscales et de dépenses reposent sur un taux de croissance, considéré aujourd’hui par la Commission européenne, comme peu réaliste, il est fort à parier que l’objectif ne sera pas tenu.

Sauf à augmenter encore quelques taxes… C’est ce que vient de faire la commission des Affaires sociales du Sénat. Le mercredi 7 novembre, elle a adopté un « amendement Nutella » au projet de loi de financement de la sécurité sociale visant à augmenter de 300% la taxe sur l’huile de palme qui entre notamment dans la composition de ce produit, d’où son nom.. Le projet sera examiné le 12 novembre prochain au Sénat.

Comme il était à craindre, l’introduction en France d’une taxe nutritionnelle a créé un dangereux précédent. Cette nouvelle taxe, comme celle sur les sodas qui l’a précédée, il y a un an, aurait pour objectif d’améliorer la santé des français tout en réduisant les déficits. Dans un cas comme dans l’autre, on sera pourtant loin du compte.

Certes, une taxe nutritionnelle ‒ surtout si elle est placée à un niveau très élevé ‒ est susceptible de faire baisser la consommation des aliments taxés. Mais en réaction, les consommateurs vont leur substituer d’autres aliments qui présentent eux aussi leurs avantages et leurs inconvénients. Comme le soulignait un rapport conjoint de l’Inspection générale des Finances et de l’Inspection générale des Affaires sociales, « les effets de substitution entre produits alimentaires sont complexes et difficiles à apprécier ».

Par exemple, même si la consommation de sodas peut éventuellement diminuer à la marge du fait de la taxe, cette diminution risque d’être remplacée par la consommation d’autres boissons ou d’autres produits alimentaires qui peuvent s’avérer plus caloriques. En effet, un verre de jus de pomme ou de lait est à cet égard plus calorique qu’un verre de cola.

Dans le cas de l’huile de palme, il est vrai qu’elle contient des acides gras saturés (tout comme les fromages qui pourraient être les prochains sur la liste), mais elle a aussi l’avantage de ne pas contenir d’acides gras trans, associés à des risques sanitaires encore plus élevés (maladies cardiaques, hausse du taux de mauvais cholestérol et baisse du taux de bon cholestérol). En pratique, cela signifie qu’il faut soupeser les avantages et les inconvénients des diverses huiles, car la pauvreté en graisses saturées entraîne une perte de maniabilité, de saveur, de texture, de stabilité, ainsi qu’une augmentation du coût.

Qu’en est-il de la diminution des déficits ? Les taxes sodas et Nutella n’ont pas la prétention de régler le problème du dérapage des comptes publics. Par contre, la première puis la seconde indiquent clairement que l’idée d’une taxation nutritionnelle fait son chemin et continuera d’être étendue à d’autres familles d’aliments.

Ces taxes rapporteront indiscutablement ‒ du moins dans l’immédiat ‒ davantage de recettes à l’État. Mais la présence d’une fiscalité nutritionnelle lourde et étendue à d’autres produits alimentaires apportera son propre lot d’effets pervers.

D’une part, elle pèsera de plus en plus lourd sur le pouvoir d’achat des ménages ‒ notamment les plus modestes. D’autre part, la taxation nutritionnelle ne manquera pas de pénaliser les capacités productives d’une filière agroalimentaire qui, selon l’INSEE, constitue l’un « des secteurs les plus importants de l’industrie » en France.

Accabler cette industrie d’une nouvelle couche de taxes risque non seulement de limiter les recettes de la fiscalité nutritionnelle à plus long terme mais aussi de ralentir davantage encore le retour de la croissance en France où le fardeau fiscal est déjà parmi les plus élevés dans l’Union européenne.

Plutôt que de multiplier les taxes, il serait plus judicieux de considérer la baisse des dépenses publiques comme prioritaire, d’autant plus que comme l’expliquent deux chercheurs de Harvard, c’est là le meilleur moyen de réduire le ratio d’endettement.

On finit par se demander si les pouvoirs publics font semblant de s’intéresser à la compétitivité des entreprises et s’ils ont l’intention de s’attaquer sérieusement aux problèmes qui bloquent la croissance en France.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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