Dans les médias

La faute aux niches fiscales?

Texte d’opinion publié sur 24hGold le 7 mars 2012.

Le député Gilles Carrez, rapporteur général d’un rapport d’information sur l’état des finances publiques publié en juin 2010, ne pensait sans doute pas que ce rapport aurait autant d’influence sur le débat public et les politiques qui ont depuis été mises en oeuvre.

Instrumentalisé, il sert de justificatif à des plans d’austérité financés à 90% par des hausses de prélèvements obligatoires ou de critique à l’égard du gouvernement actuel. Si ce dernier n’avait pas accordé de « cadeaux aux riches », cela aurait évité de créer un déficit. Sauf qu’on fait dire beaucoup trop de choses inexactes à ce rapport et que les conclusions qui en sont tirées relèvent d’une mauvaise analyse.

Le rapport en question s’intéresse aux dix années de pertes fiscales imputées à un « mouvement ininterrompu de baisse des prélèvements obligatoires. » Entre 2000 et 2009, le budget général de l’État aurait ainsi perdu entre 101,2 et 119,3 milliards d’euros de recettes fiscales, environ les deux tiers étant dus au coût net des mesures nouvelles – les « baisses d’impôts » (p.7)

On est cependant en droit de se demander où sont passées ces baisses d’impôts. Car, selon les chiffres d’Eurostat, la charge fiscale, relativement à la richesse produite annuellement, est restée stable. Elle était ainsi de 50,2% en 2000 par rapport à 50.8% en 2011.

Cela n’a pas empêché nombre de commentateurs de conclure qu’en l’absence de ces baisses d’impôts, associées à autant de multiplications de niches fiscales, les finances publiques ne seraient pas dans l’état lamentable que l’on connaît, avec un déficit public de 116 milliards en 2011.

C’est d’ailleurs ce que l’on peut lire dans un article de l’ancien Premier ministre Michel Rocard et de l’économiste Pierre Larrouturou. Ils écrivent : « En 2012, la France doit emprunter quelque 400 milliards : 100 milliards qui correspondent au déficit du budget (qui serait quasi nul si on annulait les baisses d’impôts octroyées depuis dix ans) et 300 milliards qui correspondent à de vieilles dettes, […] ».

Cette affirmation revient à comparer un déficit réalisé sur une année et des baisses d’impôts cumulées sur 10 ans. Or, la France n’a pas eu un budget équilibré depuis de nombreuses années. Sur la période considérée de 10 ans, ils s’élèvent à 562 (Insee) milliards d’euros. Les « pertes en recettes fiscales » ne représentent ainsi que 20% des déficits accumulés au cours des 10 dernières années. Autant dire que le problème du déficit ne peut donc pas être imputé aux seuls « cadeaux fiscaux ».

La Cour des comptes ajoute d’ailleurs à ce sujet que la détérioration des comptes publics n’est pas non plus due à la crise seulement mais bel et bien à des problèmes structurels.

Or, à ce jour, aucune solution sérieuse n’a été proposée. En effet, cette même Cour appelle de ses voeux à lutter contre les niches fiscales. Les plans d’austérité français ont d’ailleurs pris son conseil à la lettre en rabotant bon nombre d’entre elles. Sous prétexte qu’il y aurait eu un mouvement ininterrompu de baisses des prélèvements obligatoires, il serait justifié de les faire repartir à la hausse.

Au-delà de la bataille des chiffres, il est sans doute utile de rappeler que l’existence de niches fiscales dans un pays criblé de taxes n’est pas le fruit du hasard. Elles visent à redonner un peu d’oxygène à un pays en manque de dynamisme et de compétitivité du fait d’un fardeau fiscal probablement trop lourd.

En s’y attaquant de la sorte, et donc en poussant les impôts, taxes et charges à la hausse, il y a peu de chance de voir le pays renouer avec la croissance, croissance sur laquelle compte le gouvernement pour sortir de la crise.

Il n’y a donc pas d’autre alternative que d’affronter les problèmes structurels de la France et d’envisager une réelle baisse des dépenses publiques. Car s’il est risqué de creuser des déficits déjà à la limite du soutenable par des baisses d’impôt, il devient urgent de créer les conditions de leur baisse dans le futur en diminuant drastiquement le poids de l’État.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

Voir tous les articles de la présidente de l'IEM

Vous pourrez aussi aimer

Bouton retour en haut de la page