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Cécile Philippe interviewée dans The New Times

Interview publiée dans The New Times le 23 janvier 2012.

« Les investisseurs iront simplement ailleurs » – Éminente économiste française, la directrice de l’Institut Économique Molinari répond aux questions de The New Times

Cécile Philippe interviewée par Sergeï Khazov

Paris

Le président français Nicolas Sarkozy tente d’obtenir l’introduction de la taxe sur les transactions financières dans l’ensemble des pays d’Europe. Est-ce réaliste?

Tout d’abord, cette taxe n’est en aucun cas une idée neuve. Et même si les journalistes l’ont déjà rebaptisée « taxe Sarkozy », elle fut en réalité proposée dès 1972 par le prix Nobel d’économie américain James Tobin. L’idée revenait à intervenir sur le marché des changes : à cette époque, le monde passait aux changes flottants, et il devenait nécessaire de limiter la spéculation sur le marché des devises. Ce n’est pas forcément une mauvaise idée, mais il y a un hic : la taxe ne fonctionnera pas à moins d’être étendue au monde entier. Faute de quoi l’activité se déportera vers les marchés non-taxés. Or personne ne veut payer plus que nécessaire. Cette expérience a déjà été menée en Suède : une taxe sur les transactions financières y a été mise en place en 1980, mais il a fallu la supprimer huit ans plus tard en raison de l’exode massif des capitaux du pays.

Cependant, la tentation reste grande de renflouer les caisses de l’Union Européenne par le biais d’une nouvelle taxe?

Là encore, tout n’est pas si simple. À cause de la crise, les États eux-mêmes sont devenus acteurs des marchés financiers. Par exemple, afin de rembourser ses dettes intérieure et extérieure, la France devra impérativement emprunter 318 Mds d’euros au cours deux années à venir. Si la taxe sur les transactions est instaurée, ces emprunts pourraient y être également assujettis. Autrement dit, au lieu de faire baisser le coût du crédit, les pays européens devront payer plus cher, et leurs dettes intéresseront moins les investisseurs.

Pensez-vous que les conseillers de l’Élysée ne le comprennent pas, alors qu’ils proposent cette nouvelle taxe?

Ils le comprennent fort bien, naturellement. Au premier abord, on pourrait penser que les mesures économiques proposées par les dirigeants européens sont contradictoires entre elles, et contraires au bon sens. Il n’en est rien. Seulement, elles visent des retombées politiques, et non la sortie de la crise. L’actualité, en France, c’est la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, qui veut non seulement apparaître comme le sauveur de l’Europe, mais simultanément séduire une partie de l’électorat de gauche : or ce projet de taxe a toujours été soutenu par les socialistes. Je pense même que les dirigeants du pays, tout en lançant ce projet de loi, sont persuadés qu’il ne sera pas adopté. Ou, mieux encore pour le candidat à la présidentielle, qu’il le sera mais à un taux si bas ou pour un nombre limité de transactions qu’il n’aura pas la moindre incidence sur les marchés, tout en ayant permis de remporter une victoire politique.

L’agence Standard & Poor’s a dégradé la note de crédit de la France. Dans quelle mesure cette décision est-elle justifiée?

D’une part, il n’est pas logique que la France, qui n’a pas présenté un seul budget à l’équilibre depuis 1974, ait conservé aussi longtemps son triple A [le triple A est la note de confiance maximale décernée par S&P – The New Times]. Si l’on s’en tenait exclusivement aux données économiques, sa note aurait dû être abaissée il y a longtemps. Mais le moment n’a pas été choisi au hasard, et l’agence elle-même en donne l’explication : la France n’est pas sanctionnée à cause de son endettement et de l’échec de ses réformes économiques, mais en raison du manque de pouvoir donné à l’Union européenne.

L’Institut économique Molinari

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