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Quelques vérités qui dérangent à propos des énergies renouvelables

Traduction d’un article publié le 21 mai 2011 dans The Wall Street Journal.

La semaine dernière, le GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié un rapport d’un millier de pages sur les énergies renouvelables futures, à savoir les énergies solaire, hydraulique, éolienne, marémotrice, géothermique, celle des marées et de la biomasse. Ces sources d’énergie, selon le GIEC, génèrent environ 13.8% de l’énergie que nous consommons et, si on encourage leur développement, elles pourraient à terme remplacer en grande partie les énergies fossiles.

Il s’avère que la plus grande partie de cette énergie – 10.2% des 13.8% – provient de la biomasse, composée principalement du bois (en général transformé en charbon de bois) et des déjections d’animaux. Vient ensuite l’énergie hydraulique. Moins de 0.5% de l’énergie consommée dans le monde est issue des autres sources d’énergie. Le bois et les excréments seraient, en effet, renouvelables, en ce sens qu’ils réapparaitraient aussi vite qu’ils auraient été utilisés. Mais est-ce vraiment le cas ? Cela ne dépend-il pas du rythme auquel nous les consommons ?

Les forêts tropicales sont particulièrement menacées par le fait que les personnes pauvres y puisent leur principale source d’énergie. À Haïti, environ 60% de l’énergie provient du charbon de bois produit à partir des forêts. Les boulangeries, les blanchisseries ou les raffineries de sucre y ont recours. Faudrait-il dans ce cas sacrer Haïti championne du développement durable ? Sûrement pas. Haïti a déjà déboisé près de 98% de son couvert forestier. C’est un véritable désastre écologique si on le compare à son voisin qui fonctionne à l’énergie fossile, la République dominicaine. Son couvert forestier y est de 41% et il reste stable. Les Haïtiens en sont mêmes arrivés à brûler les racines des arbres pour en faire du charbon de bois.

Les autres sources d’énergie renouvelables posent aussi question. Le vent peut bien souffler sans interruption, l’industrie éolienne a, quant à elle, besoin d’acier, de béton et de métaux précieux rares (pour les aimants à turbine). Aucun d’eux n’est renouvelable. Le vent produit environ 0.2% de l’énergie consommée dans le monde. Dans l’hypothèse où il faudrait doubler sa production dans les prochaines décennies, il faudrait construire 100 fois plus de parcs éoliens que ceux que nous avons actuellement et tout ça pour obtenir 10% d’énergie éolienne. Nous manquerons bien avant d’espaces non renouvelables où les installer.

Vous pensez peut-être que je coupe les cheveux en quatre. Il est, en effet, peu probable que nous manquions dans un avenir proche de minerai de fer à partir duquel on fabrique de l’acier. On peut cependant affirmer la même chose à propos des énergies fossiles. Les hydrocarbures dans la croûte terrestre représentent plus de 500 000 exajoules d’énergie. (Cela inclut les hydrates de méthane – gaz présent dans les fonds marins sous forme solide proche de la glace – qui pourraient peut-être un jour devenir une source d’énergie). La planète entière consomme 500 exajoules par an. Cela signifie donc que nous disposons potentiellement, au niveau de consommation actuel, de plus de 1000 ans d’hydrocarbures.

Comparons cela aux baleines bleues, aux cabillauds ou aux pigeons voyageurs qui se renouvellent en se reproduisant. Il a suffi de quelques décennies pour que ces espèces soient décimées ou qu’elles disparaissent. Il est surprenant de constater que ces ressources « renouvelables » aient tant de mal à se maintenir alors qu’aucune ressource non renouvelable n’a à ce jour disparu, qu’il s’agisse de l’or, du pétrole, de l’uranium ou du phosphate. La fin de l’âge de pierre n’est aucunement liée à la disparition des pierres (une remarque souvent attribuée à l’ancien ministre saoudien Sheikh Ahmed Zaki Yamani).

Le Guano, qui a joué un rôle clé dans l’agriculture du 19ème siècle, était une ressource renouvelable. Issu des déjections des oiseaux de mer et ramassé sur les îles péruviennes et namibiennes, il fut cependant très vite épuisé. Les engrais de synthèse modernes sont aussi renouvelables en ce sens qu’ils sont obtenus à partir de l’azote de l’air et retournent dans l’air au travers de la dénitrification bactérienne. Et pourtant, rares sont ceux qui les qualifieraient de renouvelables. Même les énergies fossiles sont en un certain sens renouvelables dans la mesure où elles se reconstituent quelque part dans le monde. Certes, elles ne renouvellent pas aussi vite que nous les consommons, mais c’est aussi vrai des forêts en Haïti ou des cabillauds.

Que dire du nucléaire ? L’uranium n’est pas renouvelable, mais le plutonium l’est dans la mesure où on peut le reproduire dans des réacteurs adaptés. Étant donné que la plupart d’entre nous détestons le plutonium et les réacteurs qui le produisent, autant dire que plus l’énergie nucléaire est renouvelable, moins nous l’apprécions.

Ainsi, à y regarder de près, cette idée selon laquelle les énergies renouvelables seraient vertes et propres relève davantage de la superstition que de la logique.

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