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Relire Bastiat, le plus actuel des économistes français du XIXème siècle

Article publié sur Le Cercle Les Échos, le 17 janvier 2011.

Un article récent du journal Le Monde («Bastiat, le Français inconnu référence des ultra conservateurs américains», 5 janvier 2011) attire l’attention sur les écrits de Frédéric Bastiat, économiste français mort en 1850. Selon son auteur, Bastiat serait en passe de devenir le maître à penser des ultraconservateurs américains. Une bonne occasion de relire cet économiste atypique, dont les écrits sont d’une troublante actualité.

En France, Bastiat a marqué en son temps les milieux économiques. Libéral, s’inscrivant dans la lignée de Turgot ou de Jean-Baptiste Say, il défendait la Liberté. Élu à l’Assemblée Constituante de 1848 puis à l’Assemblée Législative, il y votait tantôt avec la droite, lorsqu’il s’agissait de défendre le droit de propriété, ou avec la gauche, lorsqu’il s’agissait de lutter contre les privilèges. Écrivain de talent, il a laissé des milliers de pages, plusieurs fois rééditées dans la seconde moitié du XIXème siècle. On y trouve pèle mêle une condamnation des lobbys – protectionnistes, militaristes ou colonisateurs – cherchant à promouvoir des politiques spoliant la « classe pauvre et souffrante ». On y trouve aussi une critique des propositions des utopistes socialistes ou communistes – tels Louis-Blanc ou Proudhon – qui, au nom de la recherche d’une société idéale, proposaient des solutions de nature à se retourner contre les intérêts de la classe ouvrière.

Bastiat, dont le style est simple, était un grand pédagogue. Ses textes, mine d’informations sur l’époque, sont toujours d’une grande actualité. Tous les grands thèmes de l’action publique sont passés en revue : les effets pervers liés à la multiplication des réglementations, les risques associés à la croissance incontrôlée des dépenses étatiques, l’intérêt de la concurrence en matière d’éducation ou de protection sociale… A chaque fois l’auteur invite le lecteur à dépasser « ce que l’on voit », pour prendre en compte « ce que l’on ne voit pas ». Il montre notamment comment des politiques publiques, en apparence généreuses, risquent de se retourner in fine contre l’intérêt des petites gens. N’ayant jamais peur du débat, Bastiat pourfendaient avec courtoisie les sophismes toujours à la mode.

Son aura dépassait largement les cercles d’économistes français ou anglo-saxons. Ses écrits, emprunts d’un profond humanisme, sont lisibles par des personnes n’étant pas au fait des questions économiques. Ils furent repris dans des journaux populaires, tels La voix du peuple, dans lequel Bastiat polémiquera durant treize semaines avec Pierre-Joseph Proudhon. Bastiat était aussi connu des milieux artistiques. Il est par exemple cité dans la correspondance de Gustave Flaubert, qui considérait que la France serait sauvée si une personne dans chaque municipalité découvrait les écrits de l’économiste.

En France, Bastiat est malheureusement tombé dans l’oubli. Les spécialistes le relèguent souvent au second plan, en le présentant comme un simple polémiste. La plupart des français ignorent son nom. Ils considèrent aujourd’hui les idées libérales comme une production anglo-saxonne, alors qu’ironie de l’histoire, Bastiat est devenu une référence de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique. Ainsi, son audience ne se résume pas à quelques ultraconservateurs ayant récemment redécouvert l’économiste français. Sans cesse réédité, Bastiat est repris par des personnalités politiques de premier plan depuis des décennies. Parmi les plus fameux, on peut notamment citer Margaret Thatcher ou Ronald Reagan, qui s’en revendiquaient.

Nicolas Marques est chercheur à l’Institut économique Molinari.

Nicolas Marques

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