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Le système de santé suisse ne doit pas reproduire les erreurs de ses voisins

Article publié le 20 septembre 2010 dans L’Agefi Magazine.

La Suisse connaît plus que les autres pays les vertus de la concurrence et du libre marché. La réforme de son système de santé ne doit alors pas céder aux sirènes du mimétisme. Pour le plus grand bénéfice des patients.

Caisse unique. Rien ne va plus en Suisse! On était pourtant habitué à y voir mener des politiques publiques plus audacieuses qu’ailleurs. Mais aujourd’hui, l’idée d’instaurer une caisse unique d’assurance maladie fait son chemin parmi les politiques, de droite comme de gauche. Et, dans le même temps, la concurrence entre hôpitaux privés et hôpitaux publics y est menacée.

Ce processus d’étatisation ressemble fort à celui que l’on observe dans la majorité des pays développés. A l’exception près des Pays-Bas, qui en 2006, ont osé l’enrayer et faire machine arrière. Le système de santé suisse n’est certainement pas sans défaut et mériterait d’être réformé. Cela ne doit pas signifier pour autant que la seule issue possible est celle d’une plus grande mainmise de l’état sur ce secteur crucial de l’économie. Au contraire. Là où ce contrôle est le plus grand, on en constate les effets pervers sous la forme de rationnement bureaucratique des soins. Ainsi, en Angleterre, plus de 150 000 personnes attendaient depuis 8 à 13 semaines pour être admises à l’hôpital en janvier 2009. Au Canada, les temps d’attente pour subir un traitement à l’hôpital étaient passés en moyenne de 7,3 semaines en 1993 à 17,3 en 2008. Selon la Cour Suprême de ce pays, des patients meurent «en raison de listes d’attente pour la prestation de soins de santé publics»!

Étatisation. Ces deux pays ont poussé très loin l’étatisation de leur système. Cela s’est fait au détriment de leurs patients, sans pour autant soulager les comptes de leur nation. Maîtrise comptable ne rime pas toujours avec réduction des frais. Croire qu’il est possible de contrôler les coûts quand on efface progressivement du système la boussole que constituent les prix libres est un leurre.

Il n’est pas surprenant de constater, en France, que les hôpitaux privés à but non lucratif sont mieux gérés que les hôpitaux publics et l’emportent haut la main dans des classements annuels comme celui de l’hebdomadaire Le Point. Deux d’entre eux – l’Institut mutualiste Montsouris et le Groupe hospitalier Diaconesses/Croix-Saint-Simon – sont ainsi classés premiers dans trois spécialités différentes. Ils s’adaptent plus facilement à l’évolution de la demande de soins et sont aussi capables de se réformer plus rapidement.

Monopole. Ce n’est sans doute pas une coïncidence non plus si c’est aux Pays-Bas, où les hôpitaux à but non lucratif constituent environ 90% des établissements hospitaliers, que le monopole de l’assurance maladie a pu être remis en question…

Les politiques suisses semblent vouloir faire le chemin inverse de celui emprunté par les Néerlandais. Or, chez ces derniers, c’est justement parce que l’existence d’une caisse unique d’assurance maladie posait problème que la réforme de 2006 a été décidée. Bien sûr, ce bouleversement ne résoudra pas tout. Les dirigeants bataves devront veiller à instaurer aussi rapidement que possible une concurrence encore plus grande entre assureurs, pour éviter que ceux-ci profitent d’une «clientèle captive». Reste que les résultats à ce stade sont éloquents!

Désormais, les Néerlandais ont le choix entre différentes polices et entre différents assureurs, ce qui les incite à une «consommation» plus responsable des soins. Les prestataires de soins disposent de plusieurs sources de revenus et ne subissent plus le pouvoir d’un monopole. Ils négocient leurs prestations de santé avec les différents assureurs privés et peuvent s’organiser plus librement. Les tarifs de plusieurs soins hospitaliers courants – tels que les opérations de la hanche, du genou, de la cataracte, etc. – ont été laissés à la libre négociation. La part des soins librement tarifés a ainsi été progressivement étendue, atteignant 20% des dépenses hospitalières en 2008 et 34% en 2009.

Concurrence. Les solutions aux défis du système de santé en Suisse ne résident pas dans la recherche effrénée du tout étatique. Comme l’illustre les cas anglais et canadiens, la disparation des hôpitaux privés et l’instauration d’une caisse unique d’assurance ne résoudront pas les problèmes d’un système en mal de responsabilisation et d’ouverture à la concurrence. Il serait vraiment dommageable que dans ce pays bien avancé en la matière, on y fasse machine arrière !

Cécile Philippe

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