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Pas d’entraves pour les hôpitaux

Article publié le mercredi 14 juillet 2010 dans l’Écho.

En Belgique, les hôpitaux privés sans but lucratif représentent la majorité des établissements. C’est loin d’être le cas en France. Pourquoi? Sans doute parce que l’État français les pénalise depuis des décennies en privilégiant les hôpitaux publics dont il est propriétaire et gestionnaire. Et ce alors même que les deux types d’établissements fournissent exactement le même «service public hospitalier». À l’heure où le gouvernement français s’attelle à réformer le système de santé, il devrait s’assurer que l’ensemble des obstacles réglementaires qui pèsent sur eux soient levés.

Environ 70 %des établissements hospitaliers belges et plus de 62 % des lits sont en effet gérés par le secteur privé non lucratif (2007), le reste relevant du secteur public. En France, en revanche où un secteur privé à but lucratif dynamique existe, les hôpitaux privés sans but lucratif (HPSBL) ne représentent que 28% de tous les établissements hospitaliers, 14 % des lits et 18,4 % des places.

Les HPSBL français sont néanmoins à la pointe de ce qui se fait en médecine. Dans des classements annuels des hôpitaux, comme celui du magazine «Le Point», ils occupent le haut du pavé dans plusieurs spécialités. Ainsi, deux d’entre eux – l’Institut mutualiste Montsouris et le Groupe hospitalier Diaconesses/Croix-Saint-Simon – sont classés premiers dans trois spécialités différentes; la Fondation Rothschild l’est pour la chirurgie de la myopie et de la rétine, l’Hôpital Sainte-Blandine pour le traitement des varices, etc. Plusieurs d’entre eux jouent aussi un rôle important dans la fourniture de soins hospitaliers dans leurs régions respectives.

OBSTACLES

Paradoxalement, ces performances ont été atteintes en dépit de plusieurs obstacles réglementaires qui les ont désavantagés au cours des dernières décennies en France par rapport, notamment, aux hôpitaux publics.

Par exemple, ces derniers ont couramment pratiqué – du moins jusqu’en 2006 – le report de charges, interdit aux HPSBL. Grâce à cette technique comptable, ils peuvent couvrir une dépense avec les crédits de l’exercice suivant. Près de 2,2 milliards d’euros de charges ont ainsi été annuellement reportés entre 2002 et 2005, avec un pic de 713,6 millions d’euros pour l’ensemble des établissements publics en 2004, soit 1,4 % des charges totales des hôpitaux!

Il a aussi été estimé en 2007 par la Cour des comptes que 26 % des hôpitaux publics ne s’acquittaient pas en temps et en heure de la taxe sur les salaires dus à l’État – reportant ainsi une charge fiscale de 86 millions d’euros et bénéficiant à cet égard d’un autre privilège.

De telles pratiques ont permis aux hôpitaux publics de reporter dans le futur le mauvais état de leurs comptes et de creuser encore plus leur déséquilibre. De cette façon, ils n’ont pas eu à opérer des réductions de coûts et de personnel, souvent politiquement et syndicalement impopulaires.

Ce n’est pas tout. Alors que les coûts de main-d’oeuvre correspondent généralement à environ 70 % des coûts totaux d’un établissement de santé en France, les HPSBL sont pénalisés par des charges sociales obligatoires plus élevées que celles s’appliquant aux hôpitaux publics. Selon des chiffres officiels, ce différentiel de charges s’avère 27,1 % plus élevés en moyenne – pour tous les HPSBL confondus – dans l’emploi de personnel médical!

GESTION PLUS SOUPLE

Ces obstacles ont entravé le développement du secteur hospitalier privé sans but lucratif en France, même s’il dispose d’une gestion plus souple que les hôpitaux publics et peut ainsi mieux s’adapter aux besoins futurs de santé de la population. Sans ces entraves, la part des HPSBL dans l’offre de soin serait plus substantielle et ne déclinerait pas au profit de l’hôpital public, en mal de réforme.

Aux Pays-Bas, par exemple, les HPSBL constituent la quasi-totalité (90 %) des établissements hospitaliers, davantage encore qu’en Belgique. Leur souplesse a favorisé la réforme de la santé de 2006. En 2001, environ 244 000 malades attendaient pour des soins hospitaliers. Le coût estimé en termes de perte de bien-être, de revenu et de productivité, de handicaps à long terme, etc., est de 3,2 milliards d’euros par an (6,1 % des dépenses totales de santé).

Après la réforme, les files d’attentes ont cessé d’être perçues comme un problème. Et leur réduction s’est faite alors que les dépenses totales de santé ont augmenté moins vite après la réforme, entre 2006 et 2008 (+5,3 % en moyenne par an), qu’avant, entre 1998 et 2005 (+7,6 %)!

Comme aux Pays-Bas ou en Belgique, les HPSBL français allient une gestion privée qui ne souffre pas des rigidités qu’implique le statut de la fonction publique. Il est temps que l’État s’assure que l’ensemble des obstacles qui les étouffent en France soit levé!

Valentin Petkantchin est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.

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