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Les États ont mieux à faire que de re-réglementer le secteur postal !

Article de Valentin Petkantchin, chercheur associé à l’IEM, publié dans le magazine l’Agefi le 28 juin 2010.

Face à la crise déclenchée par l’ampleur de leurs déficits et de leur dette, les États-membres de l’Union européenne (UE), pris par la panique, tentent de rassurer maintenant les milieux financiers. Au lieu d’engouffrer des sommes colossales – il est question aujourd’hui d’un fonds de 750 milliards d’euros – n’est-ce pas le moment idéal pour lâcher du lest, notamment là où la dépense publique s’avère contreproductive? L’exemple du marché postal l’illustre parfaitement.

Réforme européenne oblige, ce secteur est censé devenir concurrentiel à la fin de l’année dans la plupart des pays membres. Sur le papier, il ne devra plus être interdit de concurrencer les monopoles publics comme La Poste. Or, au lieu de laisser la concurrence s’exercer librement, que font les États-membres? Ils imposent d’abord des contrôles des prix – pourtant incompatible avec un régime réellement concurrentiel. Cela inclut le tarif unique sur l’ensemble du territoire alors que les coûts économiques d’acheminement diffèrent, pénalisant la concurrence et causant des gaspillages. Des prix administrés, fixés à des niveaux trop faibles rendent les services postaux non rentables dans certaines régions éloignées et empêchent par conséquent les concurrents privés de les fournir. Leurs véritables coûts sont cachés pour les utilisateurs et les anciens monopoles postaux continueront à les fournir même s’ils ne représentent pas d’intérêt économique.

En dépit de leurs déficits et de leur endettement, certains pays membres consacrent aussi des milliards sous forme d’injections de capital, d’aides financières, etc. dont bénéficient les opérateurs nationaux postaux. Un tel soutien crée inévitablement des distorsions supplémentaires vis-à-vis des opérateurs privés et asphyxie davantage la concurrence. Par exemple, avec la loi de 2010 l’État français compte injecter pas moins de 2,7 milliards d’euros dans La Poste, rendue par ailleurs «imprivatisable». A quoi bon?

Car une telle dépense de fonds publics se justifie d’autant moins que les services de courrier traditionnel sont de moins en moins utilisés par les Français. Leur volume devrait ainsi baisser – d’après les projections de La Poste elle-même – de 30% d’ici 2015.

De même, s’ils pensent que l’État dépense autant pour protéger Pierre, Paul et Jacques, ils se laissent tromper par les hommes politiques. Selon Eurostat, seulement 0,1% des dépenses de consommation dans l’Union européenne – soit environ 10 centimes sur 100 euros dépensés – sont consacrées aux services postaux. Par ménage, cela représente moins de 25 euros en moyenne dans l’UE et moins de 30 euros dans des pays comme la France.

N’a-t-on pas mieux à faire à l’heure des emails et de l’ère Internet que de gaspiller des fonds publics pour assurer un service d’une si faible valeur aux yeux de la population? N’oublions pas qu’il s’agit de ressources économiques – des véhicules de La Poste qui parcourent nos campagnes et nos montagnes, qui s’usent, consomment du carburant, etc. – qui sont ainsi gaspillées au lieu d’être utilisées ailleurs dans l’économie. Mais ce n’est pas tout. Car que dire des multiples efforts de reréglementation qui pullulent dans l’UE, empêchant là encore la concurrence de jouer correctement son rôle et causant de nouvelles inefficacités? Les exemples à cet égard ne manquent pas non plus.

L’entrée de nouveaux concurrents est ainsi soumise à des exigences difficiles à satisfaire, voire à des taxes pouvant aller jusqu’à 20% du chiffre d’affaire en cas de couverture partielle du territoire par les nouveaux concurrents, comme en Finlande. L’Estonie et la Belgique prennent la même voie. Parfois – comme en Italie ou en France – ces concurrents sont soumis à des contributions obligatoires, finançant l’opérateur public, qui est pourtant leur principal rival. Et ce, même s’ils n’utilisent pas son réseau postal !

L’Allemagne – où le secteur est déjà ouvert à la concurrence – a imposé quant à elle un salaire minimum correspondant à un renchérissement de plus de 23% des coûts de main-d’oeuvre des nouveaux concurrents et un envol de leurs coûts totaux de 12%. Le nombre de leurs employés s’est alors effondré de près de 40% et l’un des principaux concurrents n’a pas eu besoin de la crise pour se retrouver acculé à la faillite!

Enfin, les ex-monopoles bénéficient parfois d’exemptions de TVA dont leurs concurrents sont privés. Une distorsion de concurrence de plus qui sévit notamment au Royaume-Uni. L’ouverture du secteur postal est attendue à la fin de l’année dans l’UE. Cependant, les interventions des États-membres risquent de tuer la concurrence dans l’oeuf. En cette période de crise, n’est-ce pas une excellente voie à prendre que de laisser ce secteur se restructurer et soulager ainsi les finances publiques!

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