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Nouveau voyage au centre de la Terre

Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.

Vincent Courtillot est professeur de géophysique à l’Université Paris Diderot. Son dernier livre, Nouveau voyage au centre de la Terre (Odile Jacob, 2009), nous emmène à la découverte du centre de la Terre. Son intérêt principal est d’expliquer comment la Terre se refroidit. Ce faisant, il remet en question la théorie selon laquelle l’explosion d’une météorite – il y a 65 millions d’années – aurait entrainé l’extinction des dinosaures. Son livre apporte aussi un éclairage plus actuel, en se positionnant dans le débat sur le changement climatique et en invitant à une plus grande prudence quant aux conclusions du GIEC (Groupement intergouvernemental sur l’évolution du climat). Compte tenu des scandales des dernières semaines, ce positionnement en intéressera plus d’un.

L’enquête de Courtillot nous explique le rôle de la tectonique des plaques, à l’origine de phénomènes volcaniques et séismiques. Elle montre que le mouvement des plaques n’explique pas tout, notamment l’existence de certains archipels volcaniques.

L’auteur considère que la tectonique des plaques permet à la Terre d’évacuer l’essentiel de la chaleur emmagasinée en son sein, mais qu’elle n’est pas son seul mode de refroidissement. D’où la « descente aux enfers », ce voyage vers le noyau terrestre que nous propose l’auteur avec des moyens techniques qui en étonneront plus d’un. Selon lui, la Terre dispose d’un deuxième mécanisme d’évacuation de la chaleur. Plus épisodique et plus localisé, il repose sur l’éruption de panaches, ressemblant aux lampes à lave à la mode il y a quelques années. Certains panaches, plus puissants que d’autres, traverseraient périodiquement l’épaisseur de la Terre, feraient éruption et donneraient naissance à un trap. Ce terme technique décrit un paysage composé d’un empilement de couches de laves ayant une forme d’escalier, à l’image du fameux trap du Deccan localisé en Inde. Vincent Courtillot s’intéresse en particulier à l’éruption des panaches ayant donné naissance à des traps car il a trouvé une corrélation entre leur apparition et des extinctions massives d’espèces. Ainsi, l’éruption ayant crée le trap (ou les trapps, selon une formulation plus généralement acceptée) du Deccan en Inde, il y a 65 millions d’années, expliquerait la fameuse disparition des dinosaures.

M. Courtillot explique aussi pourquoi ces éruptions ont le potentiel de détruire une très grande partie de la faune et de la flore sur Terre, tout en montrant comment il est possible de dater la formation de ces gigantesques phénomènes volcaniques. Chacun d’entre eux s’est caractérisé par l’écoulement de plusieurs millions de kilomètres cubes de lave sur une période géologiquement courte, une centaine de milliers d’années. Pendant ce temps, les flux de lave ont dégagé des quantités astronomiques de gaz dans l’atmosphère, à des hauteurs dont l’auteur ne doute plus qu’elles aient été stratosphériques, ce qui a nécessairement eu un impact sur le climat. Les quantités de soufre éjectées dans l’atmosphère – très préjudiciables à la vie – sont estimées à environ 100 gigatonnes pour certaines coulées et à plus de 10 000 gigatonnes pour tout le volcanisme du Deccan.

L’auteur remet ainsi en question la fameuse thèse d’Alvarez, selon laquelle les dinosaures auraient disparu suite à la collision d’une météorite. Pour Courtillot, une collision ne peut pas expliquer à elle seule cette extinction de masse et les scénarios alternatifs faisant état de deux collisions de météorites ne seraient pas prouvés. A contrario, la concomitance entre éruption d’un trap et extinction d’espèce semble se reproduire dans l’histoire. Cela n’empêche pas l’auteur de reconnaître que son scénario, novateur, « est encore loin de convaincre tout le monde, et que bien des aspects méritent d’être soigneusement testés ». (p. 278)

Purement scientifique, l’ouvrage s’insère aussi dans le débat, très actuel, sur les causes du changement climatique. Certains s’interrogent sur la légitimité d’un débat autour des conclusions du GIEC, selon lequel les 0,7°C de réchauffement observé au cours du 20e siècle sont liés à l’activité humaine. C’est ce que fait l’auteur. Comme Claude Allègre, et bien d’autres scientifiques sceptiques, cela lui a valu nombre de critiques et d’attaques visant à jeter le discrédit sur ses travaux.

Selon Courtillot, l’irradiance solaire ou les variations de la couverture nuageuse « ont peut-être été sous-estimés par rapport à ceux dus aux variations du CO2; leur mécanisme physique n’est encore pas suffisamment compris. Cela ne nie pas le rôle du CO2, mais jette le doute sur le degré de certitude de la conclusion du GIEC ». Selon lui, il n’est pas scientifiquement possible d’établir avec certitude que le réchauffement est lié à l’activité humaine. Et de rappeler comment des « spécialistes renommés du climat, qui se sentent encore isolés et marginalisés par les medias, défendent depuis des années sans être vraiment entendus des idées divergentes ». (p. 77)

Un courage certain de la part d’un scientifique appelant ses confrères à acquérir « la maîtrise du terrain et de l’observation, en apportant à la communauté des collègues une brassée de données nouvelles, aussi solides que possible » avant de se jeter sur leur ordinateur. Selon lui, ces données sont tout aussi importantes, voire plus importantes que les modèles qu’on en aura déduits et les simulations numériques qu’on aura pu faire (p. 300).

Évidemment, on ne peut que souhaiter qu’il soit entendu par les membres du GIEC et, d’une manière générale, par tous ceux qui mettent l’accent sur les simulations informatiques sans attacher d’importance aux observations physiques. Les modèles ont une valeur prédictive d’autant plus faible qu’ils sont déconnectés de l’observation. L’affaire du climategate, puis celle de la prétendue fonte des neiges de l’Himalaya, à propos desquelles le GIEC a reconnu avoir fait erreur, montre que la messe est loin d’être dite et qu’il est grand temps d’accorder plus d’importance aux faits qu’aux modélisations.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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