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Taxe carbone : l’euphorie écologiste ne doit pas occulter certains dangers

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Haro sur le carbone ! En quelques jours, les préoccupations environnementales ont ressurgi sur le devant de la scène, et le prochain chantier du gouvernement en la matière semble déjà faire l’unanimité, au moins sur le principe : la « contribution climat énergie ». Devant l’OIT, Nicolas Sarkozy a réitéré son engagement à créer une telle « taxe carbone ». Une conférence – présidée par Michel Rocard – se tient en ce moment à Paris pour réfléchir aux modalités d’application. À cet égard, il convient de ne pas se précipiter. En effet, la taxe carbone est non seulement difficilement applicable, mais elle porte aussi en elle nombre d’effets pervers potentiellement dommageables pour les consommateurs et les entreprises.

À l’heure actuelle, il existe déjà de nombreuses taxes spécifiques sur l’énergie : la TIPP sur le gazole, le super sans plomb et le fioul (16,9 milliards d’euros en 2007, soit 263 euros par Français), la TICGN sur le gaz naturel, la TICC sur le charbon. Des secteurs entiers de l’économie, de même que des millions de particuliers dépendent au quotidien de ces énergies.

La taxe carbone, qui s’ajoutera à ces prélèvements, grèvera en premier lieu le pouvoir d’achat des ménages. Certes, l’idée d’un « chèque vert » est évoquée pour redistribuer les sommes prélevées par le nouvel impôt. Mais il ne faut pas être dupe : la « contribution climat énergie » entrainera des redistributions – des ménages les plus « polluants » vers les plus « propres » – dont il est impossible d’anticiper les effets. Le passage à des technologies « vertes » sera encouragé mais, souvent, seuls les ménages les plus aisés pourront les installer chez eux en raison de leur coût : un mètre carré de panneau solaire coûte par exemple 1000€. Au final, la taxe carbone pourrait agir comme une forme de redistribution des ménages les plus modestes vers les plus aisés.

Pour les entreprises, croire qu’il suffit de substituer aux technologies « polluantes » des technologies « propres » est simpliste : parfois, ces technologies n’existent pas; mais plus souvent, le changement de technologie s’avère trop coûteux pour garantir la viabilité de la société en question. Pour un chef d’entreprise, le choix n’est donc souvent pas entre deux types de technologies, mais entre la technologie la moins chère et une fermeture ou une restructuration profonde.

De manière générale, la taxe carbone augmentera la part du budget des ménages et des entreprises consacrée à l’énergie car ils n’auront plus le choix qu’entre des énergies fossiles rendues artificiellement plus chères, et d’autres énergies structurellement plus onéreuses que le pétrole, le gaz ou le charbon. Tous devront donc diminuer leurs dépenses autres que celles liées à l’énergie.

C’est pourquoi les affirmations selon lesquelles une taxe carbone aurait des effets positifs sur la croissance sont douteuses : en Finlande, en Suède ou en Norvège, ce n’est pas la taxe carbone mais les allégements sur l’impôt sur le revenu et les charges sociales qui l’ont accompagnée qui ont permis à ces pays de gagner en moyenne 0,5 points de PIB.

Enfin, la mise en place de la « contribution climat énergie » se heurte à divers obstacles. Un même bien peut être produit par deux technologies différentes. Comment leur appliquer une taxation différenciée ? Une même machine peut fonctionner avec de l’électricité d’origine nucléaire ou provenant d’une centrale à charbon. Comment le savoir ? Et comment les taxer en conséquence ? Autant de questions insolubles, sauf à mettre en place un gigantesque arsenal bureaucratique, lui aussi coûteux pour les contribuables.

Face à ces difficultés, une taxe carbone extérieure, déjà évoquée par Nicolas Sarkozy mais contestée par d’autres États européens, serait-elle préférable ? L’idée est tentante, pour certains, de « faire payer les produits importés » afin de « lutter contre le dumping environnemental ». En réalité, un produit ne paie jamais de taxes : ce sont toujours les consommateurs de ce produit qui les paient. Une taxe carbone extérieure ne serait donc ni plus ni moins qu’une nouvelle taxe sur la consommation, pesant en premier lieu sur les ménages les plus défavorisés.

Ainsi, il convient de rester prudent vis-à-vis de toute forme de taxe carbone. Il pourrait ne s’agir, in fine, que d’un prélèvement supplémentaire aux conséquences préjudiciables pour les ménages et les entreprises, lesquels seraient davantage fragilisés.

*Guillaume Vuillemey est chercheur à l’Institut économique Molinari.

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