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La solution Harding à la crise de 1920-1921

Traduction de l’anglais de Martin Masse, publiée initialement sur le Blogue du QL.

Crise financière de 1920-1921 : une « solution » efficace a été apportée par l’administration américaine de l’époque, fort éloignée de celle proposée aujourd’hui.

Lorsque Barack Obama insistait sur la nécessité d’adopter son plan de relance en février dernier, il prétendait que seule une action gouvernementale décisive pourrait empêcher l’économie de sombrer dans une profonde dépression. Il ne faisait ainsi que répéter un lieu commun selon lequel les marchés ne peuvent s’auto-corriger – sauf à très long terme – et l’intervention de l’État est nécessaire pour relancer l’activité économique.

La théorie économique peut nous expliquer pourquoi ces affirmations sont incorrectes et pourquoi même l’apparence de prospérité que ces mesures interventionnistes peuvent produire entraîne en fait encore plus de dommage et mène à une correction plus sévère à long terme. Mais nous pouvons également nous fier au témoignage de l’histoire. En particulier, à la dépression de 1920-21, dont la plupart des gens n’ont jamais entendu parler. Il s’agit d’un bon exemple d’un retour à la prospérité en l’absence de plan de relance gouvernemental, et même en présence de mesures tout à fait contraires. Si les économies ne peuvent se replacer sans de tels plans de relances, alors on doit conclure que ce qui est arrivé dans ce cas n’aurait pas dû être possible. Et pourtant, cela a bel et bien eu lieu.

Pendant la Première Guerre mondiale et la période qui l’a suivie, la Réserve fédérale avait substantiellement augmenté la quantité de monnaie dans l’économie. Lorsque la Fed décida finalement de hausser le taux d’escompte – le taux auquel elle prête aux banques – l’économie ralentit et commença à se réajuster à la réalité. Vers le milieu de l’année 1920, le ralentissement avait atteint un niveau critique, la production diminuant de 21 % au cours des douze mois suivants. Le nombre de chômeurs augmenta de 2,1 millions en 1920 à 4,9 millions en 1921.

À partir de 1929, Herbert Hoover et Franklin Roosevelt ont tenté de lutter contre la dépression économique en rendant la main-d’oeuvre plus coûteuse à employer. Warren G. Harding, à l’inverse, affirma dans le discours d’acceptation qu’il donna en obtenant l’investiture républicaine à la présidence: « J’ignorerais les responsabilités qui m’incombent en cette heure fatidique si je n’avertissais pas les salariés américains que des salaires de plus en plus élevés et une production déclinante ne peuvent que nous mener à la ruine industrielle et économique. » Harding expliqua dans un autre contexte que les salaires, comme les prix, devraient diminuer pour s’ajuster à la réalité économique de l’après-bulle.

Peu de présidents américains sont aussi impopulaires que Harding parmi les historiens. Il est habituellement décrit comme un homme un peu simplet qui s’est retrouvé par erreur à la présidence. Et pourtant, quels que soient ses défauts intellectuels – et plusieurs chercheurs ont récemment admis qu’ils avaient été absurdement exagérés – ainsi que les faiblesses morales qui l’affligeaient, il comprenait les principes fondamentaux des bulles, des krach et de la reprise mieux que n’importe quel autre président au 20e siècle.

Harding condamna tout autant l’inflation: « Une augmentation grossière de la quantité de monnaie et de crédit ont entraîné une dépréciation du dollar de la même façon que la création monétaire et l’inflation ont discrédité les autres monnaies du monde. Nous avons gonflé la monnaie sans réfléchir, nous devons la dégonfler de manière mûrement réfléchie. Nous avons dévalué le dollar par des mesures financières irresponsables, nous devons le rétablir de façon honnête. »

Au lieu de promettre de dépenser des sommes sans précédent, il en appela à une réduction des dépenses:

Nous tenterons de procéder à une déflation intelligente et courageuse, nous mettrons un terme aux emprunts gouvernementaux qui empirent la situation, et nous nous attaquerons aux coûts élevés des mesures étatiques avec toute l’énergie et la compétence dont les républicains sont capables. Nous promettons ce soulagement qui découlera de la fin du gaspillage et de l’extravagance, ainsi que du renouveau des pratiques de frugalité publique, non seulement dans le but de diminuer le fardeau fiscal, mais aussi parce que cela constituera un exemple pour stimuler l’épargne et la prudence économique dans la vie privée.

Harding expliqua lors de son discours inaugural l’année suivante que l’économie « avait subi les chocs et secousses associés à une demande anormalement élevée, à l’inflation du crédit et à une explosion des prix ». Le pays traversait maintenant l’ajustement inévitable. Aucun raccourci facile n’était possible:

Les punitions ne seront pas toutes légères, ni distribuées également. Il est impossible de faire en sorte qu’elles le soient. Il n’y a pas de passage instantané du désordre vers l’ordre. Nous devons confronter cette réalité difficile, accepter nos pertes et repartir sur une nouvelle lancée. C’est la plus vieille leçon qu’offre la civilisation. Aucun système nouveau ne permet de faire de miracle. Toute expérimentation extravagante ne fera qu’ajouter à la confusion. Notre meilleure garantie de réussite tient à l’administration efficace d’un système qui a fait ses preuves.

Harding tint parole en poursuivant les réductions budgétaires qui avaient débuté durant les derniers mois de l’administration Wilson, alors que la maladie de celui-ci l’avait rendu incapable de gouverner. Les dépenses fédérales diminuèrent de 6,3 milliards $ en 1920 à 5 milliards $ en 1921 et à 3,3 milliards $ en 1922. Entre-temps, les taux d’imposition furent réduits – à tous les niveaux de revenu. Et au cours des années 1920, la dette nationale fut réduite du tiers.

Par opposition au Japon, qui s’engagea durant les années 1920 dans une série d’interventions étatiques massives qui paralysèrent son économie et contribuèrent à une grave crise bancaire sept ans plus tard, les États-Unis permirent à leur économie de s’ajuster. En 1920-21, nota l’économiste Benjamin Anderson,

nous avons encaissé nos pertes, ajusté notre structure financière, enduré notre dépression, et en août 1921 nous avons repris la route de la croissance. La reprise de la production et de l’emploi qui s’est enclenchée en août 1921 s’appuyait sur une base solide suite à une restructuration en profondeur de nos problèmes de crédit, une réduction draconienne des coûts de production et le libre jeu de l’entreprise privée. Elle ne découlait pas de politiques gouvernementales visant à supporter les entreprises.

Tout ceci n’était pas censé survenir, ou à tout le moins pas aussi rapidement, en l’absence d’un plan de relance fiscal ou monétaire. (…)

Le lecteur a probablement remarqué que les recommandations et les décisions de Harding sont exactement à l’opposé des idées reçues qu’on retrouve dans les cercles politiques et médiatiques de nos jours. Le gouvernement doit faire quelque chose, nous dit-on. Barack Obama a déclaré que si les ralentissements économiques dégénèrent en dépressions soutenues, c’est parce que les gouvernements ne réagissent pas avec suffisamment de vigueur pour éloigner cette menace.

Ce n’est pourtant pas une coïncidence si l’économie a repris son élan relativement rapidement suite à la récession de 1920, alors que des conditions caractéristiques d’une dépression ont persisté pendant toutes les années 1930, une décennie marquée par l’activisme étatique. C’est justement parce qu’on n’a pas adopté de mesures de relance monétaires et fiscales qu’un progrès économique solide a été rendu possible.

Le concept de relance monétaire et fiscale lui-même se fonde sur un diagnostic erroné des causes de la dépression économique, ce qui mène à l’application des mauvais remèdes. Le problème ne vient pas d’un niveau de dépense inadéquat, mais plutôt du fait qu’à la suite d’une période de surchauffe provoquée par l’intervention de la banque centrale, la structure des investissements ne correspond pas à la demande des consommateurs. La récession est la période pendant laquelle on corrige ces incohérences en réallouant le capital dans des processus de production plus appropriés. Les plans de relance monétaires et fiscaux n’ont pour effet que d’entraver et de ralentir ce processus purgatoire.

Harding comprenait bien ceci, ce qui n’est pas le cas de la classe politique qui nous gouverne aujourd’hui. Le président qu’on nous apprend à détester le plus au 20e siècle a mené les États-Unis à bon port durant une période de tempête bien pire que celle que nous vivons en ce moment, simplement en laissant le libre marché faire les ajustements nécessaires. Et Harding, comme ses déclarations le prouvent, n’a pas adopté ce type de politique simplement par inertie ou parce qu’il était incapable de concevoir des approches alternatives. Ce personnage méprisé était en fait un bien meilleur économiste que la plupart des génies qui prétendent pouvoir nous instruire sur le sujet aujourd’hui. (…)

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