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Préserver le secret bancaire

Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.

C’est une question qui agite les passions dans le débat public depuis déjà bien longtemps : le secret bancaire doit-il être préservé ? Le secret bancaire et la concurrence fiscale qu’il permet ont pourtant des bénéfices économiques non négligeables.

À l’heure où il est menacé en Suisse, la Commission européenne vient d’apporter sa propre réponse en présentant deux directives visant à l’abolir pour les non-résidents. En d’autres termes, un pays de l’Union européenne ne pourrait plus refuser de donner à un autre pays des informations concernant un contribuable. Au premier rang des pays visés, la Belgique, ainsi que l’Autriche ou le Luxembourg. Le secret bancaire et la concurrence fiscale qu’il permet ont pourtant des bénéfices économiques non négligeables.

Il est aisé de noter que les pays les plus prompts à brocarder le secret bancaire sont ceux qui ont les prélèvements obligatoires les plus élevés, et qui sont donc les plus exposés à l’évasion fiscale. Il en est ainsi de la France qui, en 2006, aurait perdu 843 contribuables redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), représentant un patrimoine total de 2,8 milliards d’euros. Ceci a constitué une source d’enrichissement pour les pays d’accueil, le Belgique ou la Suisse par exemple.

En un sens, un tel processus sanctionne le maintien par la France d’un impôt qui pénalise l’activité économique et l’accumulation de capital. L’ISF coûte aujourd’hui plus cher qu’il ne rapporte : les rentrées fiscales sont très modestes alors que la quantité de capitaux qui quitte le pays est significative. Cet effet est d’autant plus grand que l’ISF est majoritairement acquitté par les contribuables les plus aisés. Ainsi, 2 % des personnes redevables contribuent environ à 35 % de son produit. Plus une personne s’enrichit, plus l’incitation à partir est donc grande. Par conséquent, la France perd chaque année bon nombre de ses contribuables les plus riches. Avec eux, ce sont d’abondantes quantités de capitaux qui quittent le pays.

La France a-t-elle pour autant raison de plaider pour la levée du secret bancaire ? Non, car ce dernier est une incitation pour les États à revoir leurs politiques fiscales, ainsi qu’à passer au crible le bien-fondé de leurs dépenses. Ceux qui y parviennent obtiennent donc un avantage compétitif et une source d’enrichissement qui récompense leurs efforts pour avoir offert un cadre fiscal attractif.

Mais ce n’est pas tout. Ce processus n’est pas bénéfique qu’aux seuls pays d’accueil. En effet, il pousse les pays les plus taxés à se réformer. Ainsi, au cours des années 1990, de nombreux États européens – Irlande, Danemark, Allemagne, Autriche, Italie – ont aboli leur taxation des patrimoines. La tendance est la même en ce qui concerne l’imposition des revenus : dans de nombreux pays de l’OCDE, les taux marginaux ont baissé depuis les années 1980. La concurrence fiscale incite donc les États à améliorer leur gestion et à rationaliser leur dépense publique.

Cette concurrence – à laquelle contribue indiscutablement le secret bancaire – est donc un moyen pour les contribuables de protéger leur épargne dès lors que la taxation devient trop importante. Ces préoccupations sur le caractère potentiellement spoliateur de l’impôt sont d’autant plus légitimes en période de crise, alors qu’on assiste à un renforcement du poids des États, préalable peut-être à une augmentation des prélèvements obligatoires. En outre, à l’heure où la protection de la vie privée peut apparaître comme un enjeu important, on oublie que les fichiers les plus complets dont l’État dispose sur ses citoyens ne sont souvent pas les fichiers de police, mais les fichiers du fisc.

Même s’il peut paraître excessif, l’exemple de la Suisse est, à cet égard, éloquent. Le secret bancaire y a été introduit en 1934, en réactions aux pressions des nazis pour obtenir les noms des détenteurs de comptes, juifs notamment. Il ne s’agit pas là d’un cas isolé. Dans l’ex-Yougoslavie, de nombreux slovènes manquant de confiance dans le système bancaire nationalisé ont pu préserver leur épargne via des comptes en Autriche.

La Belgique, comme la Suisse, ont su tirer parti de ce contexte en attirant chaque année de nombreux contribuables français parmi les plus fortunés.

Même si Lazlo Kovacs, le commissaire européen à la fiscalité, espère voir ses deux directives adoptées avant la fin de l’année, mettant ainsi fin au secret bancaire en Europe, tout n’est cependant pas joué, dans la mesure où l’unanimité est requise au niveau européen en matière fiscale. L’Autriche a déjà fait part de son opposition à une telle mesure. La Belgique doit également faire entendre sa voix en ce sens. Si les propositions de la Commission européenne aboutissaient, ce serait un mécanisme économique vertueux – la concurrence fiscale – qui serait partiellement entravé.

Guillaume Vuillemey est chercheur à l’Institut économique Molinari. Voir aussi : « Le secret bancaire, un impératif moral », par Jean Krepelka, collaborateur scientifique à l’Institut Constant de Rebecque.

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