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Temps de repenser le système monétaire

Article publié le samedi 9 février 2008 dans L’Écho de Belgique.

La crise des « subprimes » ne cesse de se répandre et de s’amplifier. À l’heure actuelle, elle a déjà touché la majorité des banques et des entreprises d’investissement, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe et ailleurs. Alors quel diagnostique et quels remèdes ?

La crise des « subprimes » – qui éclata l’été dernier sur le segment limité des créances immobilières américaines à fort risque – ne cesse de se répandre et de s’amplifier. À l’heure actuelle, elle a déjà touché la majorité des banques et des entreprises d’investissement, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe et ailleurs. Une sévère crise de l’économie mondiale s’annonce pour 2008. Alors quel diagnostique et quels remèdes ?

Certains économistes y voient l’échec du « laissez-faire » et le fruit de libertés excessives dont auraient joui les acteurs sur les marchés financiers. Ils en demandent une réglementation bien plus poussée, accompagnée de politiques budgétaires et monétaires expansionnistes.

Cette approche soulève cependant plusieurs questions. En effet, dans quelle mesure peut-on parler d’un « laissez-faire » financier, étant donné l’omniprésence des États sur les marchés financiers en tant que régulateurs et plus grands vendeurs d’obligations ?

Dans quelle mesure peut-on parler aussi d’un « laissez-faire » bancaire, étant donné la sur-réglementation de ce secteur et la grande présence de l’État en tant que client, banquier et actionnaire de certaines banques ? N’est-il pas paradoxal de confier à l’État la mission de corriger les prétendues défaillances des marchés alors qu’il n’a pas cessé d’y intervenir? Il n’y a aucun doute que les marchés financiers se trouvent aujourd’hui très fragilisés par le fait que ses acteurs privilégient la dette au détriment des fonds propres. Dans une économie d’endettement, les faillites des uns se répercutent fortement et rapidement sur les bilans des autres, entraînant un effet « boule de neige ». C’est exactement ce que nous observons à l’heure actuelle.

Ce problème a été pointé du doigt et débattu depuis des décennies, et pourtant il n’a cessé de s’accentuer. Pourquoi ? Non pas en raison d’une tendance suicidaire des marchés financiers, mais à cause des incitations créées par les interventions politiques. En particulier, l’État a mis en place un système monétaire qui déresponsabilise les acteurs et encourage de ce fait des pratiques financières insoutenables.

Privilégier la dette aux fonds propres devient en effet le choix rationnel en présence d’un régime de banques centrales qui assument le rôle d’un « prêteur en dernier ressort ». Les banques centrales créent la monnaie de base de l’économie, soit par l’impression de nouveaux euros et dollars, soit par un simple acte d’écriture comptable. Puisque cette création monétaire se fait pratiquement sans coût, elle est en principe illimitée. Autrement dit, les banques centrales, à la différence des banques commerciales par exemple, ne sont pas contraintes de payer leurs dettes avec une monnaie qui échapperait à leur contrôle. Elles ne rencontrent donc jamais de problèmes de liquidité et ne peuvent jamais faire faillite, car elles peuvent simplement créer sans coût toute somme dont elles auraient besoin. Il s’ensuit qu’elles peuvent également prêter toute somme dont les autres agents auraient besoin, et ceci en principe, répétons-le, sans aucune limitation de montant.

Selon l’orthodoxie actuelle, les banques centrales sont censées utiliser leur pouvoir extraordinaire pour stabiliser les marchés financiers. Elles doivent prêter librement tout montant nécessaire pour empêcher des défauts de paiements qui pourraient entraîner un effet « boule de neige ».

Mais cet interventionnisme permanent n’a, au contraire, que contribué à renforcer ladite tendance vers l’endettement car les participants aux marchés financiers n’ignorent évidemment pas la mission des banques centrales. Ils savent que ces dernières ont la possibilité de sauver tout agent en difficulté de paiement, et qu’elles vont le faire lorsque cet agent est suffisamment important pour provoquer cet effet « boule de neige ». Il en résulte une incitation perverse que les économistes appellent un risque moral ou aléa moral, à savoir, l’incitation pour les banques et les entreprises d’investissement à s’endetter autant que possible, pour augmenter le rendement de leurs fonds propres.

La tendance vers l’économie d’endettement et la fragilisation des marchés financiers n’est donc pas une conséquence d’un « laissez-faire » économique. Elle résulte bien au contraire d’une politique monétaire de longue haleine qui a imposé un monopole monétaire et l’a confié aux banques centrales. Ces dernières prétendent stabiliser les marchés financiers alors qu’elles les ont au contraire, fragilisés en déresponsabilisant leurs principaux acteurs. Toute réforme des marchés financiers serait bien incomplète, et vouée à l’échec, si elle ne remet pas en question notre système monétaire monopolistique et fortement étatisé.

Guido Hülsmann est professeur agrégé d’économie à l’Université d’Angers et chercheur associé à l’Institut économique Molinari

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