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En France, le Père Noël est étouffé par une réglementation kafkaïenne

Article publié dans Le Temps le 9 janvier 2008.

La Fête de Noël est passée et le Père Noël a dû distribuer les jouets aux enfants sages. Mais en dépit de sa bonne volonté, il risque d’avoir de plus en plus de mal à exaucer les voeux des Français à cause des réglementations en place.

Le Conseil de la concurrence a infligé juste avant les fêtes de Noël, le 20 décembre dernier, des amendes de 37 millions d’euros à différents fabricants et distributeurs de jouets en France. Ceux-ci ont été accusés dans une affaire présumée d’« entente sur les prix » jugés identiques d’une enseigne à une autre. Au-delà de ce verdict et des amendes infligées, c’est en réalité la réglementation actuelle en France – contrairement à d’autres pays – qui est anticoncurrentielle et qui paralyse les entreprises voulant faire mieux que leurs concurrents. C’est elle qui pénalise in fine les consommateurs.

Pourtant, l’association française de consommateurs, UFC-Que Choisir, n’a-t-elle pas prétendu avoir fait une enquête en 2006 et en 2007 sur certains jouets montrant que leurs prix seraient quasi-identiques d’un magasin à un autre?

De même, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), a conseillé au Conseil de la concurrence d’infliger l’amende à Lego et à Carrefour pour avoir mis sur pied une opération baptisée « Carrefour rembourse 10 fois la différence ». Or, celle-ci a été accusée d’avoir permis à Lego de surveiller si les prix de ses jouets vendus par les autres enseignes étaient les mêmes ou pas.

Bref, il y a eu toute une campagne pour nous faire croire que l’existence sur le marché d’un prix unique pour un produit signifierait absence de concurrence et nécessité d’intervention de la part des pouvoirs publics.

Un tel raisonnement est pourtant bien trompeur.

D’une part, l’existence en soi d’un prix unique n’est pas en effet contraire à la libre concurrence et cela pour plusieurs raisons.

Ainsi, même si le prix affiché semble identique d’un magasin à un autre, il existe souvent des différences dans les services accessoires offerts ou dans le prix réel que les consommateurs doivent débourser. Des enseignes n’hésitent pas en effet à offrir des services de conseil ou des programmes de paiement différents (en plusieurs fois, sans frais, etc.) et à pratiquer des programmes de fidélisation, incluant des bons de réduction ou remises et rabais pour les clients. À l’image de Carrefour, entre autres, qui offre 25 % de réduction sur une centaine de jouets aux détenteurs de sa carte de fidélité. Conclure, en regardant les étiquettes dans les rayons, que les jouets reviennent au même prix pour les consommateurs, c’est aller vite en besogne.

Mais, même si le prix au consommateur d’un jouet en particulier s’avérait effectivement identique dans les différents points de vente, cela n’est nullement un obstacle à la concurrence qui provient notamment des jouets de fabricants de marques concurrentes.

Si jamais le prix d’un jouet est trop élevé, ces concurrents n’hésiteront pas à proposer des prix compétitifs pour attirer les consommateurs et gagner des parts de marché. Lego est ainsi en concurrence avec les autres fabricants de jeux de construction, comme le canadien Mega Bloks. Et les jeux de construction eux-mêmes sont en concurrence avec les autres types de jeux et de jouets pour attirer le budget des parents. Prétendre, en présence d’un « prix unique », que « la concurrence n’est qu’une vaste fumisterie » à l’image d’UFC-Que Choisir, ignore à l’évidence la nature même de la concurrence.

Enfin, la libre concurrence est basée sur le respect des droits de propriété et des contrats dans l’économie. Il n’y a donc rien d’anormal que des fabricants – quel que soit le secteur – puissent parfois vouloir garder le contrôle sur les prix au détail de leurs produits.

Tel est le cas de tout fabricant verticalement intégré qui vend directement au consommateur, à l’image de Dell ou même de Lego – qui a déjà ouvert ses propres magasins dans plusieurs pays –, permettant aux consommateurs de pouvoir acheter leurs produits sans intermédiaires. Si les ententes sur les prix devaient être bannies, la vente directe au consommateur dans laquelle les fabricants fixent automatiquement leurs propres prix devrait donc en toute logique l’être aussi!

Mais, d’autre part, le plus important reste que la décision de poursuivre l’industrie du jouet du fait de la présence de prix identiques est d’autant plus absurde que de tels prix – même quand fournisseurs et distributeurs ne les veulent pas pour mieux satisfaire les consommateurs – sont en fait le résultat d’une autre réglementation française. La loi Galland, qui réglemente les relations entre fournisseurs et distributeurs depuis 1996, fixe des prix « planchers » interdisant aux distributeurs, notamment les grandes surfaces, de vendre moins cher. Elle interdit aussi la « discrimination tarifaire »: des conditions de vente différentes de la part des fournisseurs peuvent ainsi faire l’objet de poursuites.

Pour ne pas être poursuivis, les fournisseurs ont donc tendance à pratiquer les mêmes prix « planchers », les mêmes rabais et les mêmes conditions de vente. Pourquoi, en tant que fournisseur, concéderiez-vous des avantages et des prix plus bas à un distributeur, si les autres distributeurs peuvent exiger par la loi les mêmes conditions favorables?

De même, pourquoi, en tant que distributeur, négocieriez-vous de meilleurs prix de vente pour vos clients si n’importe lequel de vos concurrents peut obtenir les mêmes conditions favorables en invoquant une « discrimination tarifaire »?

Ainsi, c’est la réglementation et l’incertitude qu’elle crée qui empêchent en réalité la concurrence entre les différents distributeurs de négocier des prix plus bas et de meilleures offres pour les consommateurs.

La réglementation à laquelle les fournisseurs et les distributeurs doivent se soumettre aujourd’hui en France est finalement bien kafkaïenne. D’abord on les pousse à ne pas proposer des tarifs différents car susceptibles de tomber sous la sanction de la loi Galland. Puis on les accuse de s’entendre sur les prix, et c’est le Conseil de la concurrence qui se charge de les poursuivre.

Ainsi, ce n’est pas un hasard si, comme le remarque l’OCDE, la France – contrairement à la Suisse – est parmi les pays qui réglementent le plus leur commerce de détail. Une réglementation qui finit par pénaliser les consommateurs.

Pour offrir des jouets de meilleure qualité et moins chers à nos bambins, le Père Noël n’a pas besoin d’une réglementation ou d’une intervention bureaucratique de plus dans une industrie déjà surréglementée, mais au contraire d’une réelle déréglementation!

Valentin Petkantchin, directeur de la recherche, Institut économique Molinari

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