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En matière d’environnement, faisons confiance aux propriétaires

Ce texte a été publié dans le numéro d’avril 2007 de la revue Propriété privée rurale.

Je tiens tout d’abord à remercier les organisateurs de ce 47e congrès de m’avoir invitée à parler du sujet qui me passionne le plus et qui est vraiment le sujet de mon combat aujourd’hui au sein de l’institut que j’ai créé il y a trois ans, l’Institut Molinari, à savoir le droit de propriété et plus particulièrement, puisque je publie ce livre en mars, le lien qui existe entre droit de propriété et environnement.

Je tiens tout d’abord à remercier les organisateurs de ce 47e congrès de m’avoir invitée à parler du sujet qui me passionne le plus et qui est vraiment le sujet de mon combat aujourd’hui au sein de l’institut que j’ai créé il y a trois ans, l’Institut Molinari, à savoir le droit de propriété et plus particulièrement, puisque je publie ce livre en mars, le lien qui existe entre droit de propriété et environnement. Avant d’entrer dans le détail, et en particulier avant de vous expliquer pourquoi, d’un point de vue économique, le droit de propriété est certainement le meilleur garant d’une bonne qualité de l’environnement, je préfère vous dire tout de suite que j’ai un biais quand je vous parle d’économie. J’ai une vision extrêmement anthropocentrique, c’est-à-dire que ce qui m’intéresse, c’est le bien-être des êtres humains et les moyens qu’ils ont à leur disposition pour améliorer la qualité de leur environnement. Je m’intéresse moins au fait qu’une espèce soit remplacée par une autre, qu’une espèce d’arbres soit relocalisée en altitude ou pas, puisque de toute façon, aujourd’hui, l’environnement dans lequel nous vivons a changé. Il change et continuera de changer et depuis des siècles, il est transformé par les êtres humains.

Compter sur l’intelligence humaine

Autre chose: je ne fais pas partie de celles et ceux qui considèrent seulement l’être humain comme un pollueur et comme une bouche supplémentaire à nourrir. Au contraire, ce que je vois dans l’être humain, c’est une intelligence de plus. Chaque être qui naît est une intelligence supplémentaire pour résoudre des défis qui se posent tous les jours, de nouveaux problèmes, notamment environnementaux. Effectivement, l’être humain consomme des ressources. Mais il faut bien réaliser que la terre entière est composée de ressources naturelles, d’éléments chimiques qui sont sous une forme ou sous une autre, et que l’être humain arrive à comprendre, grâce à son intelligence, et à les mettre à sa disposition, au service de ses besoins. Finalement, du point de vue de la terre, que l’eau soit sous forme liquide ou gazeuse n’a strictement aucune importance. Ce type de différence n’existe que pour les êtres humains qui cherchent à mettre à leur service ces ressources. Si le blé est transformé en pain, si le pétrole est devenu aujourd’hui une source d’énergie, c’est grâce à l’intelligence humaine et c’est grâce à elle qu’on va pouvoir répondre aux défis environnementaux de demain. D’une certaine façon, si la rareté existe, et c’est le sujet qui intéresse le plus les économistes, on pourrait dire que c’est parce que les êtres humains n’ont pas encore été suffisamment intelligents pour la surmonter.

Ce que je viens de vous décrire est très étranger à la litanie environnementaliste actuelle. J’ai en tête en particulier Nicolas Hulot et tout ce qu’il a dit récemment sur l’environnement et sur la façon dont nous devons changer radicalement notre mode de vie. Il considère l’homme comme un pollueur et, en général, droit de propriété et environnement ne font pas bon ménage. L’économie de marché en général, qui est assise sur le respect des droits de propriété, saccagerait la terre au point de compromettre le bien-être des générations futures. En gros, droit de propriété et économie de marché, c’est la surexploitation des ressources, la pollution, la diminution de la qualité de l’air et de l’eau. C’est l’extinction des espèces.

C’est pour cette raison que depuis les années 1970, on assiste véritablement à une avalanche de réglementations au niveau international, avec le protocole de Kyoto, le protocole de Montréal, le protocole de Göteborg, et d’autres, qui progressivement, réduisent le rôle des droits de propriété.

C’est certainement un contexte que vous connaissez très bien puisque, en tant que propriétaires ruraux, vous êtes soumis à une quarantaine d’impôts; vous n’avez absolument pas de liberté de louer ou de vendre librement vos terres. On devrait vivre dans le meilleur des mondes, le propriétaire ayant été spolié de son pouvoir de nuisance, où l’environnement serait largement pris en compte et de bonne qualité.

Or, ce n’est malheureusement pas le résultat auquel on assiste aujourd’hui. Il existe de bonnes raisons à cela. Je voudrais commencer par vous donner un certain nombre d’exemples de gestion administrée des ressources, pour vous donner ensuite un exemple réussi de gestion privée de la faune, et en particulier des animaux sauvages loin d’ici, en Afrique du Sud, au Zimbabwe et en Malaisie, où les animaux sauvages connaissent un renouveau. Et conclure en vous donnant les grands éléments théoriques qui expliquent pourquoi droit de propriété et environnement sont de bons amis.

Épandage, remembrement et autres drames environnementaux

Je vais commencer par un exemple que vous connaissez certainement mieux que moi, à savoir celui de l’épandage des boues, des eaux usées. Un débat scientifique existe autour de la qualité de ces boues : est-ce un engrais ? Un déchet ? Peut-on sérieusement affirmer que cet épandage est une bonne façon de gérer et de traiter les déchets ? Ou bien au contraire, est-ce mauvais pour la qualité des sols ? C’est un défi scientifique. Il a été très politisé et ceux qui avaient certainement les meilleures incitations à trouver une solution à ce problème, à savoir les propriétaires qui tiennent à la qualité de leurs terres, ont été exclus du débat. On arrive au résultat qu’il est fort possible que pendant des années, sous divers prétextes et contre l’avis des propriétaires, on ait forcé l’épandage de boues en diminuant la qualité des terres.

Autre exemple en France, très intéressant et qui montre un enchaînement de réglementations qui créent elles-mêmes de vrais drames environnementaux, c’est celui de la multiplication, en particulier depuis 1995, des plans de prévention des risques qui eux-mêmes ont été mis en place pour essayer de résoudre les problèmes de la politique de remembrement qui a été pratiquée largement dans les années 1950 et 1960, qui elle-même était une réponse à une disposition du Code civil napoléonien destinée à mettre fin au droit d’aînesse qui prévalait sous l’Ancien Régime.

En effet, sous l’Ancien Régime, une disposition obligeait les propriétaires à faire hériter l’aîné des enfants de l’ensemble de la propriété. Le Code napoléonien a mis fin à cette situation en rendant obligatoire la distribution des biens, et notamment les terres, à l’ensemble de ses héritiers. Cela a conduit à une parcellisation extrême et artificielle des terres qui ne permettaient pas forcément d’obtenir les meilleurs gains de productivité agricole.

Pour remédier à cela, dans les années 1950 et 1960, les pouvoirs publics, plutôt que de rétablir le droit de propriété et notamment la liberté de transmettre les biens, à qui on le souhaite, ont ajouté une nouvelle réglementation et ont décidé de pratiquer une politique de remembrement. Il s’agit d’une sorte de réorganisation foncière qui consiste à regrouper les terres pour les étendre, avec un réaménagement du territoire comprenant la construction de fossés, de routes, etc.

Le problème de cette politique de remembrement, et cela a été souligné dans un rapport de l’Institut français de l’Environnement, est que l’agrandissement des parcelles dans le sens de la pente, la raréfaction des prairies, des haies, des talus, sont des facteurs d’accélération de ruissellement et de concentration rapide de flux d’eau importants dans les fonds de vallons. À partir des années 1990, du fait d’une augmentation des précipitations, on a assisté à une multiplication des inondations.

Par exemple, en Haute-Normandie, en 1995, pratiquement 62 % de l’ensemble des terres avaient été remembrés, et le nombre de sinistres liés à des inondations a été multiplié par quatre sur la période 1993-2003 par rapport aux dix années précédentes. Cet exemple montre que la réglementation n’est pas forcément habile à répondre aux défis environnementaux.

Un exemple encore plus important de l’appauvrissement économique, social et surtout humain est celui qui nous est donné par les économies planifiées. On a découvert, notamment avec la chute du mur de Berlin, les désastres environnementaux auxquels les populations ont dû faire face dans les économies planifiées. Il faut savoir que déjà, en 1987, l’émission de polluants industriels et domestiques dans l’air était cinq fois plus élevée en URSS qu’aux États-Unis.

D’autre part, entre 1980 et 1986, l’énergie nécessaire pour produire un dollar de PIB était en train de diminuer de 14 % en France et aux États-Unis, alors qu’elle augmentait de 14 % en URSS, de 21 % en Bulgarie et de 67 % en ex-RDA. En 1986, les économies socialistes étaient, à production égale, 2 à 3 fois plus polluantes que les économies de marché.

Comment expliquer ces échecs ? D’abord, la réglementation provoque autant de problèmes qu’elle n’en résout, dans la mesure où elle interdit l’exploitation de toute solution originale qu’elle ne prévoit pas. La planification quant à elle est bien pire, puisqu’elle navigue totalement sans boussole, étant donné qu’il n’existe plus de prix ni de pertes et profits. Or, justement, la recherche du profit, celle que tout le monde vilipende, est pourtant dans les économies très importante. Notamment, elle incite les capitalistes à produire moins de déchets qui sont onéreux. Dans une situation de concurrence, produire des déchets est du gaspillage et dès qu’un concurrent trouve de meilleurs moyens d’utiliser mieux les ressources en produisant moins de déchets, il répond mieux à la demande des consommateurs. D’autre part, la propriété place des obstacles naturels à la pollution que l’on produit sur la propriété des autres. De plus, des règles librement choisies dans un contexte de respect des droits de propriété suivent de près les évolutions technologiques et organisationnelles, ce qui crée la souplesse nécessaire à des solutions originales.

L’exemple africain

Ces éléments liés à la propriété et à son exercice ont des effets très positifs, comme le montrent les exemples du Zimbabwe, de la Namibie et de l’Afrique du Sud. Les choses ont changé depuis 2000, mais il s’avère qu’au cours des quarante dernières années, alors que les animaux sauvages dans ces pays étaient en voie d’extinction, comme les rhinocéros, les léopards, ils ont connu un renouveau. Il faut dire que la colonisation avait entraîné une nouvelle gestion des ressources, avec l’agriculture intensive sur les terres humides et fertiles et l’élevage du bétail. En même temps, le problème de l’extinction des animaux sauvages se posant déjà, des parcs nationaux avaient été mis en place ainsi qu’un contrôle de la chasse, ce qui se pratique dorénavant dans tous les pays du monde, en particulier dans le pays considéré comme le plus libéral : les États-Unis, qui compte le plus grand nombre de parcs nationaux pour gérer la faune et la flore, mais dont les résultats ne sont pas toujours excellents.

Toujours est-il que ces réglementations ont eu des effets très pervers comme l’illustre l’exemple du Zimbabwe. Les éleveurs, n’ayant aucun moyen de tirer profit de la présence des animaux sauvages qui constituaient au contraire une menace pour leur bétail, ont commencé à les exterminer eux-mêmes pour protéger leurs élevages. Les chasseurs, qui ne pouvaient chasser sur leurs terres que pendant des périodes limitées, chassaient sur les terres publiques, aggravant le problème en exterminant les animaux de trophée. Progressivement, on a assisté à la disparition de ces animaux jusque dans les années 1960, puis 1979, quand au Zimbabwe, les pouvoirs publics ont rendu aux propriétaires le total contrôle de la gestion des animaux sauvages. C’est alors qu’ils se sont lancés dans l’industrie touristique du safari, qui connaissait déjà un grand succès au Kenya. Dans les années 2000, toutes les espèces rares, les girafes, les rhinocéros, les éléphants étaient de nouveau présents dans ces régions.

Responsabiliser pour valoriser et préserver

Quand une ressource présente de la valeur, le marché, fondé sur les droits de propriété, ne manque pas de les valoriser. Dans le droit de propriété, il existe deux volets. Le premier est que chacun est propriétaire de son bien et a une incitation à le valoriser. Le second est que le droit de propriété crée des garde-fous très clairs à la pollution engendrée sur la propriété des autres, au risque de nuire à ces propriétés et de devoir compenser ces nuisances.

Sur le premier point, lorsqu’on garantit aux propriétaires le droit de bénéficier de leurs investissements, c’est le meilleur cadre institutionnel pour le développement personnel et économique, et qui permet de préserver et de valoriser les ressources. La surexploitation, l’épuisement des ressources n’est pas une caractéristique de l’économie de marché, mais une caractéristique de l’accès libre aux ressources que l’on appelle en économie la fameuse « tragédie des communs », développée dans un article de 1968 par Garett Hardin qui donne en exemple ce champ de fourrage laissé en libre accès à tous les éleveurs d’un village qui vont y faire paître leurs troupeaux.

Ceux-ci ne sont nullement incités à limiter la quantité de têtes sur le champ parce qu’ils n’y ont pas intérêt, étant donné la gratuité. Le résultat est qu’ils utilisent cette ressource sans essayer de la préserver.

Évidemment, aujourd’hui, quantité d’exemples de ce type existent. Le fait que les océans n’appartiennent à personne ne donne aux pêcheurs aucune incitation à limiter leur pratique, même s’ils risquent de tarir la ressource. Même chose pour l’eau et les propriétaires fonciers connaissent la problématique des captages d’eau. Dans beaucoup de pays, l’eau n’est jamais valorisée à son juste prix. On assiste à d’importants gaspillages et à de véritables conflits sur la gestion de l’eau.

Le droit de propriété fait que les gens n’auront pas intérêt à abuser d’une ressource de crainte qu’autrui ne le fasse à leur place. Certes, il ne va pas empêcher la consommation des ressources, que d’aucuns pourront considérer comme une dénaturation de l’environnement. Mais il va inciter les individus à agir de façon avisée, pour éviter de compromettre la valeur de leur bien. La valeur d’un champ ou d’une forêt dépend de ce qu’ils pourront produire dans le futur.

Leur prix est égal à la valeur espérée de leurs rendements futurs. Surexploitées, ces ressources perdent de la valeur. C’est ainsi qu’indépendamment de toute réglementation, les individus ont intérêt à ne pas surexploiter les ressources rares qui leur appartiennent.

Le deuxième aspect, tout aussi important, est que le droit de propriété confère à son propriétaire le droit d’utiliser une ressource et de l’échanger, mais il est limité par le droit que les autres exercent sur leur propre propriété. Avec la propriété vient la responsabilité et en particulier celle de ne pas nuire à la propriété d’autrui. Ce système de marché n’est pas sans garde-fou, bien au contraire ; il rend responsables les individus des pollutions qui pourraient endommager la propriété d’autrui et les incite donc à produire sans nuire à celle-ci.

Pour conclure, les droits de propriété fournissent les incitations et la souplesse nécessaires à la créativité des hommes pour qu’elle leur profite et qu’elle profite aux générations futures. La nature se porte mieux lorsque les gens peuvent se consacrer à la poursuite de leur intérêt dans un contexte où ils sont tenus responsables de leurs actions, mais où ils sont également libres d’innover.

Cécile Philippe, directeur général, Institut économique Molinari

Cécile Philippe

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