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« Libérons les énergies humaines! »

Cette interview de Noël Labelle avec Cécile Philippe a été publiée dans Le Quotidien du Luxembourg du 11 juin 2007.

Cécile Philippe, la directrice de l’Institut économique Molinari basé à Bruxelles, a décidé de s’attaquer aux idées reçues sur le réchauffement climatique. Et prône l’audace et l’innovation pour éviter la catastrophe.

Le Quotidien : Une économiste qui parle d’environnement, ce n’est pas un peu étonnant?

Cécile Philippe : Oui et non. Oui, parce que certaines questions sur l’environnement sont très techniques. On ne peut pas parler d’OGM sans connaître le génie génétique, on ne peut pas évoquer le changement climatique sans comprendre un peu la climatologie. Ça demande donc des connaissances qui sont éloignées de l’économie.

Et non, parce que le choix de nouvelles énergies ou d’une nouvelle technologie répond à des impératifs économiques, car potentiellement, ça répond à des besoins. Et c’est ça, justement, l’économie : l’optimisation des moyens pour servir les besoins.

lequotidien110607.jpgLQ : Dans votre livre, « C’est trop tard pour la Terre », paru dans la collection « Idées fausses, vraies réponses » chez Lattès, vous n’hésitez pas à qualifier de « mythe » la plupart des solutions avancées contre le réchauffement climatique…

C. P. : Oui, mais je ne remets pas en cause le réchauffement climatique. Je ne suis pas climatologue. Mon objectif est plus de revenir sur une idée reçue : celle d’un consensus scientifique sur le réchauffement. Quand on se penche sur ce que disent, écrivent tous les scientifiques sur la question, on s’aperçoit que cette idée est débattue en long et en large, qu’il n’y a aucune certitude, si ce n’est qu’on a constaté un réchauffement de 0,6 °C des températures au cours du XXe siècle, avec pourtant une période de refroidissement de 1940 à 1970 dont les causes restent à ce jour mal connues. Conclure que l’homme est le seul responsable du réchauffement me semble donc un peu prématuré. Surtout quand on nous propose un changement complet de notre système. Bref, avant de se précipiter tête baissée dans un sens, acceptons d’abord l’idée du débat.

LQ : Vous refusez donc tout catastrophisme…

C. P. : Le problème avec le catastrophisme, c’est qu’il appelle à l’urgence. Or, actuellement, en l’état des connaissances sur le phénomène, on doit raison garder. Être dans un sentiment d’urgence peut nous pousser à prendre les mauvaises décisions, à opter pour des solutions qui nous feraient régresser.

LQ : C’est-à-dire?

C. P. : Améliorer la qualité de vie, c’est le défi permanent de la société humaine. Ce n’est pas un hasard si l’espérance de vie a tant augmenté depuis 150 ans. Mais pour l’instant, les solutions qu’on nous propose sont systématiquement des freins à l’innovation interdictions, taxes, réglementations. Sans jamais se rendre compte que le changement climatique peut se régler d’une autre façon. Par exemple, on occulte les moyens que fournit le marché pour faire face à ces défis.

LQ : C’est peut-être parce que le marché et la croissance incessante du système industriel peuvent être l’une des causes du réchauffement…

C. P. : Ce réflexe est révélateur d’une vision de notre société, qui veut que ce soit une société du gaspillage. Mais dans un contexte de concurrence et de droit de propriété, on doit systématiquement chercher à faire plus avec moins. Bref, on ne peut pas se permettre de gaspiller. Même Marx et Engels avaient remarqué le fanatisme des capitalistes à économiser les ressources.

Il faut aussi rappeler que le marché n’est pas sans garde-fou, contrairement à ce que pensent certains. Sa régulation existe via les droits de propriétés établis et les principes de responsabilité qui en découlent.

La fièvre environnementale, c’est la nouvelle grande mode. Très bien. Mais elle ne doit pas être politisée. Or, la politisation est bien trop grande dans notre société. Un exemple Patrick Moore, ancien dirigeant et cofondateur de Greenpeace, a expliqué qu’à la chute du bloc de l’Est, à la fin des années 80, début des années 90, les déçus du communisme ont rejoint en masse les milieux écologistes. Du coup, on doit bien réfléchir au fondement de certaines idées censées lutter contre le réchauffement climatique.

LQ : Cela justifie-t-il vraiment la remise en question que vous faites du protocole de Kyoto?

C. P. : Le gros problème avec le protocole de Kyoto, c’est qu’il s’agit de l’application du principe de précaution à un domaine majeur : l’énergie. Alors que tout ce qu’on sait sur le réchauffement climatique est encore très flou, on nous propose de rendre l’énergie plus coûteuse. Mais l’énergie, c’est la vie!

Avoir accès à plus d’énergies, c’est l’histoire de l’humanité : toujours plus d’énergies pour produire plus, en moins de temps, pour satisfaire plus. En nationalisant les sources énergétiques, les gouvernements ont d’ailleurs commis une grave erreur puisque ça permet aujourd’hui à un Poutine, par exemple, de s’en servir comme une arme. Le pétrole, le gaz, ça ne devrait jamais être un enjeu géopolitique, mais un enjeu de commerce. L’énergie est trop importante pour la laisser dans les mains des politiques!

LQ : Pourquoi fustigez-vous ainsi le principe de précaution?

C. P. : Parce qu’avec le principe de précaution, on encourage les choix conservateurs au détriment des choix innovants. Chose impossible dans une entreprise. L’innovation vient des individus qui mettent leurs propres ressources dans les défis technologiques.

LQ : À propos d’individu, il y en a un que vous ne ménagez pas, c’est Nicolas Hulot…

C. P. : Nicolas Hulot est plus un symbole qu’autre chose. Le personnage est sympathique. Il a fait rêver des millions de gens avec ses émissions. Et de plus, à l’Institut économique Molinari, nous débattons des idées, pas des personnes.

LQ : En quoi Nicolas Hulot est-il un symbole?

C. P. : Il incarne ce mouvement environnementaliste qui n’a que les mots réglementation et taxation à la bouche et qui veut un système public prohibitif, qui finit toujours par asphyxier toute initiative individuelle. Son pacte écologique est un hymne à la centralisation.

LQ : Que proposez-vous alors contre le réchauffement climatique?

C. P. : La vraie question n’est pas de savoir ce que je propose, mais de savoir « dans quel cadre nous évoluons? ». Sommes-nous dans un cadre où le droit de propriété est respecté? Si c’est le cas, cela entraînera une gestion avisée et prudente des ressources.

Car les individus sont responsables. Si on leur demande d’assumer leurs actes, ils ne peuvent pas faire n’importe quoi. On veut lutter efficacement contre le réchauffement climatique? Alors libérons les énergies humaines! Favorisons l’audace, l’innovation, la prise d’initiative! Parce que les solutions qu’on nous propose pour l’instant n’auront qu’un seul effet : celui de réduire nos capacités à nous protéger contre les aléas climatiques quels qu’ils soient.

« C’est trop tard pour la Terre », par Cécile Philippe. Collection « Idées fausses, vraies réponses » chez Lattès.

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