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Jeux défendus

Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.

Les jeux de hasard ont souvent été associés aux activités les moins recommandables. Mais la mise en garde à vue vendredi 15 septembre de deux dirigeants de la société Bwin semble être sans rapport avec des règlements de compte mafieux.

Les jeux de hasard ont souvent été associés aux activités les moins recommandables. Mais la mise en garde à vue vendredi 15 septembre de deux dirigeants de la société Bwin semble être sans rapport avec des règlements de compte mafieux. Non, le patron et le directeur général de cette société autrichienne de paris en ligne ont été arrêtés dans le cadre d’une information judiciaire pour « tenue illicite de jeux de hasard, loterie illicite, publicité de loterie prohibée et prise de paris illicites sur des courses de chevaux . » Interpellés au centre d’entraînement de l’A.S. Monaco situé sur la commune de La Turbie (Alpes-Maritimes), ils s’apprêtaient à tenir une conférence de presse pour présenter le contrat de sponsoring les liant au club de football.

Le problème est que des sociétés étrangères de paris en ligne telles que Bwin viennent écorner le monopole légal dont bénéficie La Française des jeux et le P.M.U. en France. L’enquête dont fait l’objet la société autrichienne a d’ailleurs été ouverte suite à une plainte de ces entreprises. Au-delà des arguments qui ne manqueront pas d’être mis en avant par la défense sur les possibles incompatibilités entre le droit français et la législation européenne, c’est le principe même du monopole qui est aujourd’hui en question.

À en croire les propos de l’avocat de la Française des jeux rapportés dans Le Figaro (18/09/06), M. Philippe Vlaemminck, « le développement d’une économie fondée sur la chance est contraire à l’ordre public ». Voilà une déclaration bien extraordinaire. Si le simple fait d’organiser une loterie et de vendre des tickets est contraire à l’ordre public, au nom de quoi la Française des jeux et le P.M.U. devraient avoir un monopole sur la commercialisation de tels jeux ?

À supposer qu’une telle activité « fondée sur la chance » requiert une interdiction d’exercer, la Française des jeux, entreprise publique, et le P.M.U., cartel regroupant les sociétés de courses, ne devraient-ils pas être mis hors d’état de nuire ? Et si on considère que les services vendus par ces entreprises sont licites, comment peut-on prétendre que les activités d’autres entreprises vendant le même type de services seraient une menace à l’ordre public ?

Bien entendu, on peut aussi faire appel à une notion plus étroite de l’ordre public. Selon le rapport du Sénat de 2002 intitulé « Les jeux de hasard et d’argent en France », « la suspicion sous-jacente aux textes qui réglementent les jeux et à l’attitude envers eux des autorités » concerne notamment les « trucages », « l’escroquerie » et la « fraude ». Mais la fraude est possible dans bon nombre d’activités n’ayant rien à voir avec les paris. En fait, elle est concevable dans n’importe quel métier. Faut-il alors multiplier les monopoles légaux pour s’assurer de la probité des activités en question ?

En réalité, cet argument ignore totalement une des vertus de la libre concurrence pour les consommateurs. Plus le marché est ouvert à de nouveaux entrants, plus les firmes en présence ont intérêt à se préoccuper de leur réputation. Tout mauvais coup porté aux consommateurs est d’autant plus susceptible d’une sanction financière que ceux-ci peuvent reporter leurs achats sur des concurrents présents ou sur ceux qui profiteront d’une telle aubaine pour entrer sur le marché.

Il est par conséquent paradoxal que le législateur puisse condamner des entreprises pour abus de position dominante indépendamment du fait qu’elles bénéficient de privilèges légaux ou non, alors que d’autres entreprises protégées de la concurrence par statut sont drapées de toutes les vertus républicaines. Il devrait en effet être clair que le monopole, entendu au sens du privilège exclusif de vendre un produit, leur permet de toucher une rente qu’ils ne pourraient obtenir autrement et ce, au détriment des consommateurs. Et le fait que La Française des jeux soit une entreprise publique ne l’immunise pas contre un tel comportement.

Xavier Méra, Institut économique Molinari

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